Juin 2023

Un décret n°2023-296 du 20 avril 2023 relatif aux modalités de fixation du montant de la contribution liée à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en l’absence de déclaration annuelle de l’employeur et modifiant le calendrier des obligations déclaratives a été publié au Journal Officiel du 22 avril 2023. Retour sur les nouveautés portées par ce texte.

Les employeurs de 20 salariés et plus sont assujettis à une obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), impliquant en principe d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés[1]. En cas de défaillance, c’est-à-dire si l’entreprise ne s’acquitte pas de son obligation d’emploi par les différents biais possibles (par exemple, emplois directs, contrats avec le secteur protégé ou adapté, etc.), l’entreprise verse une contribution financière.

Depuis l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés relative à l’année 2020[2], la déclaration sociale nominative (DSN) est le vecteur déclaratif de la déclaration de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH). Ce sont désormais les Urssaf (ou MSA pour le régime agricole ou CGSS en Outre-Mer) qui sont les interlocuteurs des entreprises au titre de la DOETH en collectant et recouvrant les contributions liées à l’OETH. L’Agefiph continue d’assurer la gestion des fonds collectés grâce auxquels elle délivre des services et des aides financières visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées. 

Désormais, toutes les entreprises déclarent chaque mois les bénéficiaires de l’obligation d’emploi qu’elles emploient, en indiquant le statut de travailleur handicapé au sein de la DSN.

L’année suivant l’obligation d’emploi, seule l’entreprise de 20 salariés et plus est tenue de déclarer sa situation au regard de l’obligation d’emploi. Si toutefois elle ne remplit pas son taux d’emploi minimal de 6%, l’entreprise devra également calculer et déclarer sa contribution via la DSN. C’est ce calendrier déclaratif qui a notamment été mis à jour par le décret n°2023-296 du 20 avril 2023. Par commodité, ci-après, nous désignerons l’année de souscription de la déclaration par le vocable N+1, sous-entendu l’année suivant celle au titre de laquelle la déclaration est effectuée, en sachant que l’année d’assujettissement à l’OETH est désignée par N.

Décalage du calendrier déclaratif

Initialement, le Code du travail prévoyait que la DOETH devait être réalisée dans la DSN afférente au mois de février (exigible le 5 ou 15 mars) de l’année suivant l’obligation d’emploi déclarée[3]. Concrètement, l’OETH afférente à l’année 2020 devait être déclarée dans la DSN de février 2021 à échéance du 5 ou 15 mars 2021.

Néanmoins, compte tenu de la crise Covid-19, le gouvernement a pris un décret pour reporter la première déclaration de l’OETH en DSN relative à la période d’emploi du mois de mai 2021 (à échéance au 5 ou 15 juin 2021)[4]. En toute théorie, la situation devait revenir à la normale pour l’OETH 2021 déclarée en 2022. Ça n’a toutefois pas été le cas puisque début 2022, le réseau des Urssaf a de nouveau publié une actualité pour décaler le report de la date maximale d’envoi de l’OETH relative à 2021 en DSN, à la période d’emploi d’avril 2022 (à échéance du 5 ou 15 mai 2022). A la différence près que le discours tenu par les organismes de recouvrement pérennisait dans le temps ce report de l’échéance déclarative.

C’est donc désormais chose faite par l’article 2, 4° du décret n°2023-296, reportant de deux mois l’échéance déclarative inscrite dans le Code du travail[5]. Dorénavant, à compter de l’OETH relative à l’année 2022, la DOETH doit être souscrite dans la DSN relative à la période d’emploi d’avril N+1 (soit avril 2023, à échéance du 5 ou 15 mai 2023). Et ce, pour toutes les années postérieures à l’OETH relative à 2022.

Mécaniquement, ce report de l’échéance déclarative implique un report de la date de délivrance d’informations aux employeurs à d’autres dates postérieures, informations utiles pour le calcul de l’OETH :

  • Les effectifs OETH transmis par les Urssaf, MSA ou CGSS initialement le 31 janvier N+1 sont reportés au 15 mars N+1[6]. Sont ici visés :
    • L’effectif d’assujettissement à l’OETH,
    • Le nombre de bénéficiaires de l’OETH (BOETH) devant être employés au titre de l’obligation d’emploi,
    • L’effectif de bénéficiaires de l’obligation d’emploi effectivement employés, hors salariés mis à disposition par les entreprises de travail temporaire et les groupements d’employeurs,
    • L’effectif de salariés relevant d’un emploi exigeant des conditions d’aptitude particulière (ECAP).
  • L’envoi de l’attestation annuelle portant sur le nombre de BOETH mis à disposition par les entreprises de travail temporaires et les groupements d’employeurs est reporté du 31 janvier N+1 au 15 mars N+1[7].
  • L’envoi aux entreprises clientes d’une attestation annuelle par les entreprises adaptées, les établissements ou services d’aide par le travail, les travailleurs indépendants handicapés et les entreprises de portage salarial (lorsque le salarié porté est un BOETH) est reporté du 31 janvier N+1 au 15 mars N+1[8].
  • La transmission par l’employeur pour agrément par l’autorité administration compétente d’un accord de branche, de groupe ou d’entreprise prévoyant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés est reporté d’au plus tard le 31 mars à au plus tard le 31 mai de la première année de mise en œuvre du programme[9].

Nous avons interrogé l’Urssaf Caisse Nationale pour avoir confirmation que le calcul de l’effectif moyen annuel (hors OETH) n’était pas concerné par le report de calendrier porté par le décret n°2023-296 du 20 avril 2023. Par retour de mail du 12 mai 2023, l’Urssaf Caisse Nationale a confirmé que les effectifs moyens annuels seront toujours délivrés à la même date, à savoir début février N+1. Le décret n°2023-296 du 20 avril 2023 est sans impact sur la date de délivrance de l’effectif moyen annuel.

Il est à noter que selon le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), les associations intermédiaires, les agences de mannequins et les entreprises de travail à temps partagé doivent également transmettre une attestation annuelle à l’instar des entreprises de travail temporaire et des groupements d’employeurs[10]. Ce point n’est toutefois pas repris par le décret n°2023-296 du 20 avril 2023.

Contribution forfaitaire majorée en l’absence de déclaration

Jusqu’au 31 décembre 2019, il existait une pénalité de 25% de la contribution due au Trésor public en cas de manquement de l’employeur à son obligation déclarative. Cette pénalité a été abrogée au 1er janvier 2020 par l’ordonnance n°2019-861 du 21 août 2019[11].

Pour pallier cette abrogation, le décret n°2023-296 met en place un mécanisme de fixation forfaitaire de la contribution OETH. En effet, selon le Code du travail, l’absence de déclaration par l’employeur implique mécaniquement que celui-ci ne satisfait pas à l’OETH[12].

Contribution provisoire forfaitaire majorée

Le calcul de cette contribution provisoire forfaitaire majorée s’appuie sur plusieurs paramètres, uniquement dans le cas où l’employeur ne satisferait pas à son obligation déclarative. Les paramètres pris en considération sont les suivants[13] :

  • Le nombre de BOETH à employer ;
  • Le nombre de BOETH déclarés le cas échéant par l’employeur en cours d’année ;
  • Un coefficient multiplicateur de 1,25 (soit un taux de majoration de 25%) ;
  • Un coefficient (C) applicable en fonction de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise (soit 400, 500 ou 600 fois le SMIC en fonction de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise)[14].

En pratique, la formule de la contribution provisoire forfaitaire majorée est donc établie comme suit :

Le taux de majoration (de base, fixé à 1,25) est augmenté de 5 points à chaque échéance non déclarée consécutive. Par exemple, si l’entreprise ne déclare pas son OETH au titre de l’année N avant l’année N+3, le coefficient multiplicateur sera de 1,35 (deux années de retard).

Pour que cette contribution provisoire forfaitaire majorée soit effectivement applicable à l’employeur, il est nécessaire qu’il ait reçu une notification de la part de l’organisme de recouvrement avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle la déclaration aurait dû être réalisée. En pratique, pour la contribution OETH relative à l’année 2022 à souscrire en 2023, la notification de la contribution forfaitaire majorée doit être faite au plus tard le 31 décembre 2023.

Nous avons interrogé l’Urssaf Caisse Nationale pour avoir des précisions quant aux modalités déclaratives de cette contribution forfaitaire majorée. A date, celles-ci ne sont pas encore définies.

Comme l’ancienne pénalité de 25% a été supprimée au 1er janvier 2020, le décret n°2023-296 reporte également, à titre exceptionnel, le délai pour notifier une contribution forfaitaire majorée au titre de l’OETH 2020 (déclarée en 2021) et de l’OETH 2021 (déclarée en 2022) : les Urssaf, MSA ou CGSS peuvent notifier les employeurs jusqu’au 31 décembre 2023[15].

Il convient néanmoins de noter que le décret offre une porte de sortie pour les employeurs n’ayant pas, au 22 avril 2023, rempli leurs obligations déclaratives au titre de 2020 ou 2021. Ces employeurs pourront échapper à la contribution provisoire forfaitaire majorée s’ils régularisent leur situation au plus tard à l’échéance de juillet 2023[16]. Cette régularisation doit être opérée dans le cadre de la DSN relative à la période d’emploi de juin déclarée le 5 ou 15 juillet 2023.

Régularisation possible de la contribution forfaitaire majorée 

Outre la possibilité offerte aux employeurs n’ayant pas déclaré leur OETH au titre de 2020 et 2021 d’échapper à la contribution provisoire forfaitaire majorée, le décret admet aussi que la contribution forfaitaire majorée puisse être régularisée dans l’hypothèse où l’employeur effectue une déclaration postérieurement à la notification envoyée par les Urssaf, MSA ou CGSS[17].

L’employeur est alors dans ce cas redevable d’une majoration de retard de 8% sur le montant de la contribution, liquidée par le directeur de l’organisme de recouvrement en application de l’article R. 243-19 du C. Séc. Soc.

Elodie Chailloux

Responsable Veille légale et DSN

[1] C. Trav. art L. 5212-1 et L. 5212-2

[2] Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018, JO du 6, art 67

[3] C. Trav. art D. 5212-8, dans sa version antérieure au décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[4] Décret n°2020-1350 du 5 novembre 2020, JO du 6, art 3

[5] C. Trav. art D. 5212-8 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[6] C. Trav. art D. 5212-5 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[7] C. Trav. art D. 5212-6 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[8] C. Trav. art D. 5212-7 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[9] C. Trav. art R. 5212-14 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[10] BOSS, Effectif, §§1280 et 1290

[11] Ord. n°2019-861 du 21 août 2019, JO du 22, art 1er, 7° ; C. Trav. art L. 5212-12 abrogé.

[12] C. Trav. art L. 5212-5

[13] C. Séc. Soc. art R. 243-15, III nouveau et C. Trav. art D. 5212-20 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[14] Ce coefficient est égal à 400 fois le SMIC horaire brut (dans sa valeur au 31 décembre de l’année d’assujettissement) lorsque l’effectif d’assujettissement de l’entreprise est compris entre 20 et moins de 250 salariés, à 500 fois le SMIC horaire brut pour une entreprise dont l’effectif est compris entre 250 et moins de 750 salariés et à 600 fois le SMIC horaire brut pour une entreprise dont l’effectif est de 750 salariés et plus. C. Trav. art D. 5212-20 dans sa version en vigueur à la suite du décret n°2023-296 du 20 avril 2023

[15] Décret n°2023-296 du 20 avril 2023, JO du 22, art 3, II.

[16] Décret n°2023-296 du 20 avril 2023, JO du 22, art 3, I.

[17] C. Séc. Soc. Art R. 243-15, IV nouveau