Mars 2024

Nous sommes dans l’attente de la transposition, en droit français, de la directive européenne sur la transparence des rémunérations[1] pour connaître l’éventuel impact sur l’Index égalité femmes-hommes. Ce dernier fait maintenant partie des obligations annuelles récurrentes des entreprises d’au moins 50 salariés. Les textes du code du Travail décrivant les modalités de calcul n’ont pas fait l’objet d’évolution pour 2024. Néanmoins quelques précisions, sur certaines primes et indemnités payées au salarié, transmises par la DGT[2] apportent un éclairage supplémentaire.

Au 1er mars de chaque année, au plus tard, les employeurs d’au moins 50 salariés doivent publier sur leur site internet le résultat global et les résultats intermédiaires de leur Index égalité femmes-homme (Index EFH) dès lors que ces résultats sont calculables. L’employeur dont le résultat global est inférieur à 75 points doit fixer des mesures de correction et les publier sur la même page que les résultats. De plus, lorsque le niveau de résultat est inférieur à 85 points[3], l’employeur doit fixer et publier les objectifs de progression pour chaque indicateur pour lequel la note maximale n'a pas été atteinte.  A défaut de site internet, ces informations sont portées à la connaissance des salariés par tout moyen. L’année 2024 ne fait pas exception et l’ensemble de ces obligations doivent être remplies par les employeurs concernés. Vous trouverez ci-dessous quelques précisions sur la façon de prendre en compte certaines primes et indemnités versées au salarié.

Bref rappel sur les indicateurs et les paramètres de calcul

Un nombre d’indicateurs différents selon la taille de l’entreprise

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont au nombre de 5. Quant aux entreprises de 50 à 250 salariés, elles devront calculer 4 indicateurs.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranches d'âge et par catégories de postes équivalents ;

2° l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes ;

3° l'écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ;

4° le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

5° le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

1° l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranches d'âge et par catégories de postes équivalents ;

2° l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

3° le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

4° le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Les paramètres servant au calcul de ces indicateurs :

La période de référence :

L'employeur peut choisir la période de douze mois consécutifs servant de période de référence pour le calcul des indicateurs. Ainsi, les indicateurs sont calculés chaque année par l'employeur, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, à partir des données de la période de référence annuelle choisie par l'employeur qui précède l'année de publication des indicateurs.

La population à exclure des effectifs :

  • Les apprentis, les titulaires d'un contrat de professionnalisation ;
  • Les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure ;
  • Les salariés expatriés ;
  • Ainsi que les salariés absents plus de la moitié de la période de référence considérée.

Les caractéristiques individuelles, ci-dessous, des salariés sont appréciées au dernier jour de la période de référence annuelle choisie par l'employeur, ou au dernier jour de présence du salarié dans l'entreprise :

  • L’âge ;
  • Le niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche ;
  • Le niveau selon la méthode de cotation des postes de l'entreprise ;
  • La catégorie socioprofessionnelle.

La rémunération à prendre en compte :

Dans le sens de l’article L. 3221-3 du code du Travail, il s'agit de la rémunération dans sa globalité, reconstituée en équivalent temps plein sur la période de référence annuelle considérée.

Sont exclus :

  • Les indemnités de licenciement et de départ à la retraite ;
  • Les primes liées à une sujétion particulière qui ne concerne pas la personne du salarié (prime de nuit…) ;
  • Les primes d'ancienneté ;
  • Les heures supplémentaires ainsi que les heures complémentaires ;
  • La participation et l'intéressement.

Précisions sur certaines primes et indemnités versées au salarié

Les primes versées aux salariés peuvent couvrir des situations très diverses et être considérées comme un élément de salaire ou comme une prime de sujétion ou encore comme des frais professionnels.

La DGT nous a apporté un nouvel éclairage sur certaines de ces primes et indemnités.

Les primes de crèche, de naissance, de scolarité et de garde d’enfant :

Les primes de crèche, de naissance, de scolarité et de garde d'enfant sont des primes collectives pouvant être versées à l'ensemble des salariés de l'entreprise. Or les primes collectives, même exceptionnelles (telles que les primes de mariage ou de naissance), sont à inclure dans l'assiette de rémunération servant à calculer les indicateurs de l'Index dès lors qu’elles sont attribuées à tous les salariés remplissant les conditions d'attribution de la prime quel que soit leur poste de travail.

Les indemnités forfaitaires de télétravail :

Les indemnités forfaitaires de télétravail ont pour finalité de rembourser des frais professionnels sur la base d'un forfait lorsque le salarié est en télétravail.

Au préalable, rappelons qu’au même titre que les salariés travaillant sur site, les salariés en télétravail bénéficient de la prise en charge par l’employeur de ses frais professionnels. Ainsi, ils se voient rembourser les frais engagés dans le cadre de leur activité réalisée en télétravail sur la base de leur valeur réelle et sous réserve de produire les justificatifs.

 Le BOSS[4] admet le versement d’une allocation forfaitaire, dont le montant varie en fonction du nombre de jours télétravaillés. Dans la limite des montants forfaitaires fixés par le BOSS, cette allocation forfaitaire de télétravail est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales. En conséquence, dans la limite de ces montants forfaitaires, l’indemnité de télétravail est considérée comme un remboursement de frais professionnel sans avoir à produire de justificatifs. Si les indemnités forfaitaires de télétravail constituent un remboursement de frais professionnel, elles sont exclues de la rémunération servant de référence pour le calcul de l’Index EFH.

Lorsque l’indemnité forfaitaire de télétravail dépasse les limites des montants forfaitaires fixés par le BOSS, l'excédent n’est pas exonéré au titre des frais professionnels et il est à inclure dans l'assiette de rémunération servant à calculer les indicateurs de l'Index EFH.

En effet, la présomption d’utilisation conforme n’est établie que si l’indemnisation des dépenses exposées par le salarié est effectuée exclusivement sous forme d’une allocation forfaitaire et dans les limites de celle-ci.

Si l’employeur verse une allocation supérieure aux limites fixées par le BOSS, il devra être en mesure de justifier de la réalité des dépenses engagées pour que cette somme soit considérée comme frais professionnels. Dans ce cas, d’une part l’exonération de la fraction excédentaire pourrait être attribuée à ce titre, et d’autre part l’excédent serait exclu de l’assiette de rémunération servant au calcul de l’Index.

De la même manière si l’employeur procède au paiement direct des dépenses, il devra nécessairement justifier de l’utilisation conforme à son objet pour que le qualificatif de frais professionnel puisse être retenu pour la totalité de la somme (et la dépense remboursée exclue de l’assiette de rémunération servant au calcul de l’Index EFH)[5].

Les primes de mobilité :

Les primes de mobilité indemnisent des frais professionnels liés à un changement de lieu de résidence du fait d’un nouveau poste de travail (hors expatriation ou impatriation).

A nouveau, l’employeur peut choisir de rembourser les frais engagés sur la base de leur valeur réelle, ou dans la limite de montants forfaitaires fixés par le BOSS[6] (uniquement pour l’hébergement provisoire et l’installation dans le nouveau logement). En cas d’indemnisation forfaitaire, l’employeur n’a pas à produire de justificatifs des dépenses engagées, en revanche il doit être en mesure de démontrer les circonstances de fait établissant la réalité de la situation[7].

Si ces primes remboursent des frais professionnels (justifiés sur la base de leur valeur réelle ou dont le montant respecte les limites forfaitaires), alors ces sommes sont exclues de la rémunération servant au calcul de l’Index. En effet, les remboursements de frais professionnels, dont les frais de déplacement, n'ont pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 3221-3 du Code du travail, et ne sont donc pas pris en compte pour le calcul de l'Index.

En revanche dès lors que ces primes de mobilité excèdent les limites forfaitaires fixées par le BOSS, deux situations sont à envisager[8] :

  • Soit, l’employeur ne justifie pas que les frais engagés par le salarié sont liés à son activité professionnelle : dans ce cas la prime de mobilité constitue un complément de rémunération pour son intégralité et est donc prise en compte dans la rémunération de référence servant au calcul de l’Index EFH.
  • Soit, l’employeur justifie, par les circonstances de fait, que le salarié a bien engagé des frais supplémentaires dans l’exercice de ses fonctions : dans ce cas, si l’employeur produit des justificatifs prouvant que l’allocation a été utilisée conformément à son objet, alors l’intégralité de la prime constitue un remboursement de frais professionnel et elle est exclue de la rémunération de référence pour l’Index EFH. En l’absence de justificatifs, la fraction, excédant les limites forfaitaires fixées par le BOSS est réintégrée dans l’assiette de cotisations et est prise en compte dans la rémunération servant au calcul de l’Index EFH.

La prime de transport du « Question-Réponses » sur le site du ministère du travail :

La prime de transport est évoquée dans le " Questions-réponses " mis à disposition sur le site du ministère du travail[9] dans la question suivante :

« Dans le détail, quels types de primes faut-il exclure ou prendre en compte ?

Sont exclues du calcul de l'index, les primes liées à une sujétion particulière qui ne concerne pas la personne du salarié. Ces primes se rapportent non pas à la personne du salarié ou à ses performances, mais aux contraintes ou caractéristiques liées à son poste de travail (ex : prime de salissure, prime de froid, prime d'ouverture / de fermeture d'un magasin, prime d'astreinte, etc.).

Les primes collectives attribuées à tous les salariés, quel que soit leur poste de travail, sont à inclure dans la rémunération (par exemple : prime de transport ou prime de vacances).

Les "bonus", les commissions sur produits, les primes d'objectif liées aux performances individuelles du salarié, variables d'un individu à l'autre pour un même poste, sont prises en compte dans l'assiette de rémunération. »

Selon la DGT « cette prime de transport ne vise pas un remboursement de frais professionnels, mais bien une prime qui viendrait en sus de ces remboursements et qui aurait trait à la mobilité ».

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Directive européenne du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit, publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne du 17 mai 2023.

[2] DGT : Direction Générale du travail

[3] Loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, Journal Officiel du 26 décembre 2021

[4] Le BOSS : Bulletin Officiel de la sécurité sociale https://boss.gouv.fr/portail/accueil/avantages-en-nature-et-frais-pro/frais-professionnels.html#titre-chapitre-7---frais-lies-au-telet (§1810)

[5] §120 du BOSS

[6] https://boss.gouv.fr/portail/accueil/avantages-en-nature-et-frais-pro/frais-professionnels.html#titre-chapitre-6---frais-de-mobilite-section-1---principe-general-a-notion-de-mobilite-professionn

[7] § 1650 du BOSS

[8] § 120 du BOSS

[9] https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/indexegapro