Décembre 2024
La rupture conventionnelle collective a pour finalité d’encadrer des départs volontaires des salariés, exclusifs du licenciement ou de la démission. Il s’agit d’un mode autonome de rupture du contrat : la rupture conventionnelle collective ne doit pas être associée à un licenciement ou une rupture conventionnelle individuelle. Il ne s’agit pas non plus d’un dispositif préalable à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
La procédure de rupture conventionnelle collective repose sur la combinaison d’un accord collectif (négocié entre l’employeur et les organisations syndicales ou les organismes signataires habilités) et d’un accord individuel de chaque salarié.
La loi n'impose aucun contexte particulier pour engager la négociation. Elle peut être envisagée en dehors de toute difficulté économique ou de toute menace sur la compétitivité.
Un accord de rupture conventionnelle collective est également concevable lorsque l'entreprise connaît des difficultés économiques. Rien ne l'exclut à partir du moment où l'accord collectif a bien déterminé une période pendant laquelle l'employeur s'interdit de recourir à un licenciement pour cause économique (CAA Versailles, 14 mars 2019, n° 18VE04158).
Toutefois, il convient de noter qu’un accord de rupture conventionnelle collective ne peut pas être validé lorsqu'il est conclu dans le contexte d'une cessation d'activité de l'établissement ou de l'entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle collective fassent l'objet, à la fin de la période d'application de cet accord, d'un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d'un plan de sauvegarde de l'emploi (CE, 21 mars 2023, n° 459626).
Autrement dit, « la rupture conventionnelle collective ne peut et ne doit pas être proposée dans un contexte de difficultés économiques aboutissant de manière certaine à une fermeture de site, ce qui aurait pour effet de fausser le caractère volontaire de l’adhésion au dispositif et de ne pas permettre le maintien dans l’emploi des salariés non candidats à un départ » (questions/réponses du Ministère du travail relatives à la rupture conventionnelle collective, Q/R n° 8). |
L’employeur qui souhaite engager une négociation en vue d’un accord de rupture conventionnelle collective doit en informer sans délai l’administration par voie dématérialisée. L’information est transmise par le biais du portail RUPCO (c. trav. art. L. 1237-19, art. D. 1237-7).
La négociation de l’accord collectif se fait dans les conditions de droit commun : l'entreprise négocie un accord avec ses délégués syndicaux (DS), lorsqu'elle en est pourvue (c. trav. art. L. 2232-12). A défaut de DS, l'accord peut être négocié avec des élus du CSE (c. trav. art. L. 2232-24, art. L. 2232-25).
A noter : dans les entreprises de plus de 50 salariés, en l’absence de DS, l’employeur peut négocier un accord collectif avec les élus du CSE, mandatés ou non par des syndicats représentatifs. Ce n’est ensuite qu’en l’absence d’élu ou si aucun élu ne s’est manifesté pour négocier que l’employeur peut se tourner vers des salariés mandatés (c. trav. art. L. 2232-26).
L’accord de rupture conventionnelle collective est négocié en priorité au niveau de l'entreprise, mais il peut également être conclu au niveau d'un établissement ou d'un groupe.
L’accord collectif doit définir (c. trav. art. L. 1237-19-1 ; questions/réponses précité, n° 12 à n° 16) :
- les modalités et conditions d’information du CSE sur le projet envisagé ;
- le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l’accord ;
- les conditions que le salarié doit remplir pour en bénéficier ;
- les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif ;
- les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié et d’exercice du droit de rétractation des parties ;
- les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
- les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
- des mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés. Ces mesures ne sont pas exhaustives. L'accord peut également en prévoir d'autres, comme une priorité de réembauche par exemple.
- les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective.
Une fois conclu, l’accord doit être transmis pour validation à l’administration (par voie dématérialisée via la Portail RUPCO), qui doit vérifier sa conformité, la présence des mesures prévues ci-dessus et la régularité de la procédure d’information du CSE. Le contrôle exercé par le DREETS porte également sur le caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement externe des salariés (c. trav. art. L. 1237-19-3).
Le DREETS dispose de 15 jours calendaires à partir de la réception du dossier complet (accord collectif, informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu, la mise en œuvre effective de l’information du CSE) pour valider l’accord collectif (c. trav. art. L. 1237-19-4).
Le silence gardé par le DREETS à l’issue du délai de 15 jours vaut décision d’acceptation de validation.
Après validation de l’accord par la DREETS, l'employeur lance un appel à candidature. En pratique, cet appel est réalisé par l'affichage de l'accord et de la décision de validation (ainsi que les voies et délais de recours) sur les lieux de travail ou tout autre moyen permettant de conférer une date certaine à cette information. L'employeur peut également organiser une réunion au cours de laquelle il présente le contenu du dispositif.
Le suivi de la mise en œuvre de l’accord collectif doit faire l’objet d’une consultation régulière et détaillée du CSE. Les avis faisant suite à ces consultations sont transmis à l’administration, qui est également associée au suivi des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés (c. trav. art. L. 1237-19-7).
Ensuite, un bilan (contenant les mesures mises en œuvre, le nombre de salariés concernés) doit être réalisé par l’employeur. Ce bilan doit être envoyé au DREETS via le Portail RUPCO dans le délai d’un mois après la fin des mesures (c. trav. art. L. 1237-19-1, 7° et D. 1237-12).
S’agissant des bénéficiaires, c’est l’accord qui fixe le profil des salariés pouvant bénéficier de la rupture conventionnelle collective et les critères permettant de départager les candidats si leur nombre est supérieur aux ruptures prévues. Si un salarié ne correspond pas au profil établi, alors il ne pourra pas bénéficier de ce mode de rupture.
La candidature du salarié doit faire l'objet d'un écrit afin de conserver la preuve d'une adhésion volontaire et non équivoque au dispositif proposé.
L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties, le cas échéant dans les conditions prévues dans le cadre du congé de mobilité (c. trav. art. L. 1237-19-2). L’acceptation de la candidature doit en outre donner lieu à la conclusion d’une convention individuelle de rupture (dont les modalités sont fixées par l’accord collectif). La convention individuelle de rupture à signer entre l'employeur et le salarié permet notamment de préciser avec exactitude la date de la rupture du contrat de travail.
A noter : les salariés protégés peuvent bénéficier de la rupture conventionnelle collective, sous réserve de l’autorisation de l’inspecteur du travail, sachant que la rupture ne pourra intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation administrative (c. trav. art. L. 1237-19-2).
L'accord prévoit les modalités de calcul des indemnités de rupture qui ne peuvent pas être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement (c. trav. art. L 1237-19-1, 5°).
L’indemnité de rupture conventionnelle collective, ainsi que les indemnités versées dans le cadre des mesures d’accompagnement et de reclassement sont exonérées d’impôt sur le revenu sans limitation de montant (CGI art. 80 duodecies, 1, 1° ; c. trav. art. L. 1237-19-1, 7°).
L’indemnité de rupture conventionnelle collective ainsi que les sommes visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sont exonérées de cotisations sociales dans la limite de 2 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale, soit 92 736 € pour 2024 (c. séc. soc. art. L. 242-1, II, 7°).
Enfin, l’indemnité de rupture conventionnelle collective est assujettie à CSG/CRDS (c. séc. soc. art. L. 136-1-1, III, 5° a) :
- pour la fraction qui excède le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle collective prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel (en l’absence de montant prévu pour ce motif, on se réfère au montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) ;
- et, en tout état de cause, pour la fraction qui est assujettie à cotisations de sécurité sociale.
Ainsi, l’indemnité de rupture conventionnelle collective bénéficie d’un régime fiscal et social plus favorable que celui de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle. En effet, l’indemnité de rupture conventionnelle collective n’est pas assujettie à la contribution patronale de 30% (ex-forfait social de 20%), contrairement à l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle.