analyse

Pénalité attachée aux indicateurs de représentation : précisions sur les conditions et la procédure

Juin 2023

La loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle[1] du 24 décembre 2021, dite « Loi Rixain », prévoit la publication d’indicateurs de représentation de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Un décret[2], du mois de mai, vient préciser les conditions et la procédure mettant en œuvre la pénalité financière.

Les entreprises de 1000 salariés et plus ont, depuis 2022, l’obligation de calculer, de publier et de déclarer des indicateurs de représentation. Par ailleurs, ces indicateurs sont rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, depuis le 1er mars 2023. Les entreprises concernées bénéficient d’une mise en œuvre progressive puisque ce n’est qu’au 1er mars 2026 que la proportion de chaque sexe ne peut être inférieur à 30%. Ce taux passe à 40% au 1er mars 2029. Pour autant, l’employeur qui n’atteindrait pas ces « quotas » doit agir pour davantage d’égalité afin d’échapper à la pénalité financière. Le décret indique que cette pénalité sera applicable à compter du 1er mars 2029.

Rappel sur le dispositif

La loi a ajouté une nouvelle obligation de mesurer, publier et corriger les écarts de représentation entre les femmes et les hommes aux postes à haute responsabilité[3].

Cette obligation concerne les entreprises qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient au moins 1000 salariés.

Les indicateurs

Il s’agit de mesurer les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants d’une part et les cadres membres des instances dirigeantes d’autre part.

Les données permettant d'apprécier les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes sont les suivantes[4] :

  • 1° Le pourcentage de femmes parmi l'ensemble des cadres dirigeants ;
  • 2° Le pourcentage d'hommes parmi l'ensemble des cadres dirigeants ;
  • 3° Le pourcentage de femmes parmi l'ensemble des membres des instances dirigeantes, y compris les personnes non salariées ;
  • 4° Le pourcentage d'hommes parmi l'ensemble des membres des instances dirigeantes, y compris les personnes non salariées.

La proportion de ces femmes et de ces hommes est appréciée chaque année sur une période de douze mois consécutifs correspondant à l'exercice comptable, en fonction du temps passé par chaque homme et chaque femme sur cette période de référence en tant que cadres dirigeants ou membres des instances dirigeantes.

Des quotas à atteindre

Selon la loi[5], dès le 1er mars 2026, la proportion de chaque sexe, au sein de chacun des ensembles (soit cadres dirigeants et cadres membres des instances dirigeantes) ne peut être inférieure à 30 %.

À compter du 1er mars 2029, le taux de « 30 % » est remplacé par le taux de « 40 % ». Ainsi, est attendu une proportion de chaque sexe d’au moins 40% dans un délai de 8 ans suivant l’année de publication de la loi (soit en 2029 puisque la loi a été publiée en 2021).

Les obligations de publication

Les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes sont publiés annuellement, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, au titre de l'année précédente, de manière visible et lisible sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un. Ils sont consultables sur le site internet de l'entreprise au moins jusqu'à la publication, l'année suivante, des écarts éventuels de représentation de l'année en cours. A défaut de site internet, ils sont portés à la connaissance des salariés par tout moyen[6].

Les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes, ainsi que leurs modalités de publication, sont transmis aux services du ministre chargé du travail selon une procédure de télédéclaration qui a été définie par arrêté du 27 octobre 2022 du ministre chargé du travail.

En parallèle de cet arrêté, le ministère du travail a ouvert un nouveau portail de déclaration « Représentation équilibrée » dédié à la déclaration des écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises de plus de 1 000 salariés : https://egapro.travail.gouv.fr/representation-equilibree/

Ces informations sont également mises à la disposition du comité social et économique via la BDESE[7].

Dans le cas où l'ensemble ou certains des écarts de représentation ne peuvent pas être calculés, la transmission des informations aux services du ministre chargé du travail et au comité social et économique est accompagnée des précisions expliquant la raison pour laquelle les écarts n'ont pas pu être calculés[8].

Ces écarts de représentation sont rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, pour la première fois le 1er mars 2023. Ensuite, ils seront publiés et actualisés sur le site internet du ministère chargé du travail, chaque année au plus tard le 31 décembre, par les services du ministre chargé du travail[9].

Définir les mesures de correction

A compter du 1er mars 2026, toujours dans les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés pendant le 3ème exercice consécutif, lorsque la proportion des cadres dirigeants et des cadres membres des instances dirigeantes de chaque sexe n’est pas d’au moins 30 % (puis d’au moins 40% dès le 1er mars 2029), des mesures de correction sont fixées [10]:

  • Soit par accord : la négociation sur l’égalité professionnelle, la qualité de vie et des conditions de travail porte également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction.
  • Soit par décision unilatérale de l’employeur : en l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur, après consultation du comité social et économique. La décision est déposée auprès de l’autorité administrative dans les mêmes conditions que le plan d’action sur l’égalité professionnelle. L’autorité administrative peut présenter des observations sur les mesures prévues par l’accord ou la décision de l’employeur, qui sont présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’au comité social et économique de l’entreprise.

Au 1er mars 2026, en plus des indicateurs et de leurs modalités de publication, l’employeur devra transmettre aux services du ministre chargé du travail les mesures de correction envisagées ou déjà mises en œuvre. Ces informations seront également mises à la disposition du comité social et économique via la BDESE.

Définir les objectifs de progression

Si à compter du 1er mars 2029, l’entreprise, qui emploie au moins 1000 salariés pendant le 3ème exercice consécutif n’obtient pas une proportion de 40% de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et parmi les membres des instances dirigeantes, et donc ne se conforme pas à son obligation, elle dispose d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité.

L’entreprise doit, au bout d’un an, publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues.

Les objectifs de progression et les mesures de correction sont publiés sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un, sur la même page que les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes. Cette publication a lieu au plus tard le 1er mars de l'année suivant la publication d'écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes non conformes à l'obligation prévue[11].

Ils sont consultables sur le site internet de l'entreprise jusqu'à ce que celle-ci publie des écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes conformes à l'obligation prévue. A défaut de site internet, ils sont portés à la connaissance des salariés par tout moyen.

De plus, au 1er mars 2029, les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression et les mesures de correction envisagées ou déjà mises en œuvre le cas échéant, ainsi que les modalités de publication de ces écarts, de ces objectifs et de ces mesures, sont transmis aux services du ministre chargé du travail selon la procédure de télédéclaration.

Ces informations seront également mises à la disposition du comité social et économique via la BDESE.

Pénalité financière

À l’expiration de ce délai de deux ans pour se mettre en conformité, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière[12].

Le montant de la pénalité est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains[13] versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai de 2 ans.

Selon le décret du 15 mai 2023, à l’issue de ce délai de 2 ans, lorsque l'agent de contrôle de l'inspection du travail constate que l'entreprise ne se conforme pas à l'obligation de publication des écarts de représentation, il transmet au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) un rapport sur cette situation[14].

Si, au vu de ce rapport, le Dreets envisage de prononcer la pénalité, il notifie son intention à l'employeur dans les 2 mois qui suivent la réception du rapport[15].

Il invite l'employeur à lui présenter ses observations et à justifier, le cas échéant, des motifs de sa défaillance dans un délai d'un mois. Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient. L'employeur peut être entendu à sa demande[16].

Le Dreets notifie à l'employeur la décision motivée fixant le taux de pénalité qui lui est appliqué, dans un délai de 2 mois à compter de l'expiration du délai d’un mois pour se justifier (qui peut être prorogé d’un mois supplémentaire) comme prévu ci-dessus[17].

Ce taux tient compte de la situation initiale de l'entreprise, des mesures prises par l'entreprise en matière de représentation des femmes et des hommes, de la bonne foi de l'employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a justifié[18].

Dans un délai de 2 mois suivant cette notification, l'entreprise communique à l'administration les rémunérations et gains servant de base au calcul de la pénalité. La décision d’appliquer la sanction, transmise à l’employeur au préalable, rappelle cette obligation[19].

Le Dreets établit un titre de perception fixant le montant de la pénalité sur la base du taux notifié à l’employeur et des données transmises par l'entreprise. Il le transmet au directeur départemental ou régional des finances publiques. Celui-ci en assure le recouvrement comme en matière de créance étrangère à l'impôt et au domaine[20].

A défaut de transmission, dans le délai requis, des informations sur les rémunérations et gains servant de base au calcul de la pénalité ou dans l'hypothèse où celles-ci seraient manifestement erronées, la pénalité est calculée sur la base de 2 fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale, par salarié de l'entreprise et par mois compris dans l'année civile précédant l'expiration du délai de 2 ans[21].

Ces dispositions entrent en vigueur au 1er mars 2029.

Enfin, le produit de cette pénalité sera versé au budget général de l’État.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021, visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, publiée au Journal Officiel du 26 décembre 2021.

[2] Décret n° 2023-370 du 15 mai 2023, publié au Journal Officiel du 16 mai 2023.

[3] Article L. 1142-11 nouveau du Code du travail

[4] Article D. 1142-15 nouveau du Code du travail

[5] Article L. 1142-11 du Code du travail Ce taux entre en vigueur le 1er mars de la 5ème année suivant l’année de publication de la loi (Soit en 2026 pour une loi publiée en 2021).

[6] Article D. 1142-16 du Code du travail

[7] Base de données économiques sociales et environnementales

[8] Article D. 1142-19 du Code du travail

[9] Article D. 1142-17 du Code du travail

[10] Article L. 1142-13 du Code du travail

[11] Article D. 1142-19 du Code du travail

[12] Article L. 1142-12 du Code du travail

[13] Rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité social et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime)

[14] Article R. 1142-20 nouveau du Code du travail

[15] Article R. 1142-21 nouveau du Code du travail

[16] Article R. 1142-21 nouveau du Code du travail

[17] Article R. 1142-22 nouveau du Code du travail

[18] Article R. 1142-22 nouveau du Code du travail

[19] Article R. 1142-22 nouveau du Code du travail

[20] Article R. 1142-23 nouveau du Code du travail

[21] Article R. 1142-23 nouveau du Code du travail

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