Septembre 2024
La loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur a modifié les règles relatives à l’épargne salariale en transposant l’ANI signé par les partenaires sociaux : nouveau plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE), possibilité de placer la prime de partage de la valeur (PPV) sur des plans d’épargne, nouveaux cas de déblocage anticipé d’épargne salariale, etc. Des décrets d’application étaient attendus pour que certaines mesures soient pleinement efficientes, ils ont été publiés au Journal Officiel des 30 juin et 6 juillet 2024. Revenons sur ces décrets d’application.
Avant de détailler les nouveautés apportées par les décrets d’application, nous vous renvoyons vers :
- L’article d’info d’experts du mois de Janvier 2024 pour davantage de détails sur la loi partage de la valeur (dans la communication sur les évolutions légales au 1er janvier 2024),
- L’article d’info d’experts de Février 2024 pour les précisions de la Direction de la Sécurité sociale (DSS) sur la prime de partage de la valeur (PPV).
Pour que certaines mesures de la loi partage de la valeur nous concernant entrent pleinement en vigueur, des décrets d’application devaient être pris. Ainsi, il y a eu le décret n°2024-644 du 29 juin 2024[1] portant application des articles 9, 10, 12 et 18 de la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise publié au Journal Officiel du 30 juin 2024 et le décret n°2024-690 du 5 juillet 2024[2] portant transposition de diverses mesures prévues par l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise publié au Journal Officiel du 6 juillet 2024.
Nous allons nous concentrer ici sur deux aspects de ces décrets : les dispositions relatives à la prime de partage de la valeur placée sur des plans d’épargne salariale ou retraite, et le nouveau plan de partage de valorisation de l’entreprise.
D’autres mesures, non développées ici, sont également contenues dans ces décrets : nouveaux cas de déblocage anticipé de l’épargne salariale, avance sur l’intéressement et la participation, l’appréciation des seuils d’effectifs pour la mise en œuvre de l’expérimentation dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés réalisant un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% de leur chiffre d’affaires pendant trois années consécutives, fixation des fonds labellisés au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou l’investissement socialement responsable à prévoir dans les plans d’épargne, etc.
Prime de partage de la valeur (PPV)
La prime de partage de la valeur (PPV) permet à un employeur de verser à ses salariés une prime avec un régime de faveur, sous réserve d’avoir conclu un accord collectif ou pris une décision unilatérale, tout en modulant les montants en fonction de critères définis dans l’accord collectif ou la décision unilatérale.
La loi partage de la valeur a modifié les règles relatives à la PPV :
- L’employeur a désormais la faculté de verser deux PPV par année civile depuis le 1er décembre 2023 (sous réserve que chaque PPV fasse l’objet d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale propre)[3],
- Le régime social et fiscal de faveur de la PPV a été resserré au 1er janvier 2024[4],
- Le salarié peut décider de placer sa PPV sur un plan d’épargne[5]. C’est ce dernier point que le décret n°2024-644 du 29 juin 2024 est venu mettre pleinement en application.
Affectation de la PPV à un plan d’épargne
Un salarié peut décider d’affecter sa PPV en tout ou partie à un plan d’épargne salariale (plan d’épargne entreprise, plan d’épargne interentreprise, ou plan d’épargne pour la retraite collectif s’il en existe) ou dans un plan d’épargne retraite (plan d’épargne retraite individuel, plan d’épargne retraite entreprise collectif, plan d’épargne retraite entreprise obligatoire, plan d’épargne retraite entreprise regroupé).
Au moment de l’attribution des PPV, l’employeur doit informer le salarié des sommes qui lui sont dues au titre de la PPV et du délai dans lequel il peut formuler sa demande d’affectation à un plan d’épargne salariale ou retraite[6]. Ce délai, qui doit être respecté pour que l’affectation de la PPV à un plan d’épargne salariale ou d’épargne retraite soit effective, est défini par le décret n°2024-644 du 29 juin 2024.
Ainsi, la demande d’affectation à un plan d’épargne salariale ou dans un plan d’épargne retraite doit être formulée dans un délai maximum de 15 jours à compter de la réception du document informant le salarié du montant qui lui est attribué et dont il peut demander le versement[7].
L’employeur doit être en mesure d’apporter la preuve de la réception de l’information pour vérifier si la demande d’affectation du salarié se trouve bien dans le délai maximal de 15 jours.
Dès lors que l’entreprise dispose d’un plan d’épargne salariale ou d’un plan d’épargne retraite, chaque PPV versée par l’employeur fait l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie comportant les mentions obligatoires suivantes :
- 1° Le montant de la prime attribuée à l'intéressé ;
- 2° S'il y a lieu, la retenue opérée au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale ;
- 3° La possibilité d'affectation de cette somme à la réalisation d'un plan d'épargne ;
- 4° Le délai de la demande d'affectation ;
- 5° Lorsque la prime de partage de la valeur est investie sur un plan d'épargne, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement sont négociables ou exigibles (c’est-à-dire le délai d’indisponibilité) et les cas dans lesquels ces droits peuvent être exceptionnellement liquidés ou transférés avant l'expiration de ce délai (c’est-à-dire les cas de déblocage anticipé).
Cette fiche distincte du bulletin de paie peut être remise par voie électronique dès lors que l’intégrité des données est garantie, sauf si le salarié s’y oppose.
Sous réserve d’avoir délivré l’information, le placement de la PPV sur un plan d’épargne salariale ou d’épargne retraite est donc possible depuis le 1er juillet 2024, date d’entrée en vigueur du décret n°2024-644.
La loi partage de la valeur autorise l’employeur à abonder la PPV affectée à un plan d’épargne salariale ou retraite dans les conditions de droit commun des abondements de chacun des plans[8]. Cette faculté d’abondement est prévue pour le plan d’épargne d’entreprise (PEE)[9], le plan d’épargne interentreprise (PEI)[10], le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco)[11], le plan d’épargne retraite collectif (PERE-CO)[12]. Il n’est pas possible pour l’employeur d’abonder le plan d’épargne retraite obligatoire (PERO)[13].
Pour que l’abondement soit possible, il faut :
- Que le règlement du plan d’épargne prévoit la faculté d’y placer la PPV ;
- Que le salarié ait décidé d’affecter sa PPV sur le plan dans le délai maximal de 15 jours à compter de l’information faite par l’employeur ;
- Que l’employeur abonde sous les limites générales d’abondement fixées par le Code du travail.
Régime social et fiscal de la PPV
Pour rappel, initialement, seules les PPV versées entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 aux salariés ayant une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC au cours des 12 derniers mois précédent le versement, étaient exonérées de CSG-CRDS, de taxe sur les salaires et n’étaient pas imposables. L’exonération de cotisations sociales est acquise quant à elle, sous réserve de respecter les seuils maximaux de 3 000€ ou 6 000€ en fonction des situations.
Ce régime de faveur, qui devait donc s’éteindre au 31 décembre 2023, est prolongé pour les primes de partage de la valeur versées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026, uniquement dans les entreprises de moins de 50 salariés pour les PPV versées à des salariés dont la rémunération est inférieure à 3 SMIC[14].
Pour les salariés dont la rémunération est égale ou supérieure à 3 SMIC dans les entreprises de moins de 50 salariés, et pour tous les salariés dans les entreprises de 50 salariés et plus, le régime de faveur tombe au 1er janvier 2024. Les PPV deviennent alors intégralement soumises à impôt sur le revenu[15] et à la CSG-CRDS.
A noter : le décret n°2024-690 du 5 juillet 2024 est venu préciser les règles de décompte du seuil de 50 salariés pour déterminer le régime social et fiscal de la PPV : le seuil d’effectif est apprécié selon les articles L. 130-1 et R. 130-1 du C. Séc. Soc., soit l’effectif sécurité sociale. Malgré tout, les modalités de neutralisation des franchissements de seuil ne s’appliquent pas. Autrement dit, une entreprise qui franchit pour la première fois le seuil de 50 salariés basculera immédiatement dans le régime social et fiscal de droit commun.
Une exception toutefois est à noter : les PPV affectées à un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu pour la fraction affectée au plan, dans la limite de 3 000€ ou 6 000€, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise ou le niveau de rémunération du salarié.
Depuis le 1er juillet 2024, date de mise en application réelle de la PPV affectée à un plan d’épargne salariale ou retraite, la PPV placée est donc exonérée[16] d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales[17]. Elle est en revanche soumise[18] à une CSG-CRDS avec application de l’abattement d’assiette de 1,75%, à la taxe sur les salaires, au forfait social de 20% dans les entreprises de plus de 250 salariés, et à la contribution spécifique mahoraise le cas échéant.
Voici un tableau récapitulatif du régime social et fiscal de la PPV perçue et/ou placée :
|
Primes versées du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026 |
Primes versées à partir de 2027 (peu important le niveau de rémunération) |
||
Salaire < 3 SMIC |
Salaire ≥ 3 SMIC |
|||
Cotisations sociales |
Totalement exonérée dans la limite de 3000€ ou 6000€ |
|||
CSG-CRDS, taxe sur les salaires |
Entreprises < 50 salariés |
Exonérée dans la limite de 3000€ ou 6000€ |
Assujettissement |
Assujettissement |
Entreprises ≥ 50 salariés |
Assujettissement |
|||
Forfait social |
Non pour les entreprises de moins de 250 salariés Oui, au taux de 20%, pour les entreprises de 250 salariés et plus sur la fraction exonérée de cotisations et soumise à CSG-CRDS |
|||
Impôt sur le revenu |
Entreprises < 50 salariés |
Exonérée dans la limite de 3000€ ou 6000€ |
En cas de versement : imposable |
En cas de versement : imposable
En cas de placement sur un plan d’épargne : non imposable (dans la limite de 3000€ ou 6000€) |
En cas de placement sur un plan d’épargne : non imposable (dans la limite de 3000€ ou 6000€) |
||||
Entreprises ≥ 50 salariés |
En cas de versement : imposable |
|||
En cas de placement sur un plan d’épargne : non imposable (dans la limite de 3000€ ou 6000€) |
Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE)
La loi partage de la valeur crée un nouveau dispositif appelé le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE)[19]. La mise en œuvre de ce dispositif est facultative.
Ce plan de partage de la valorisation de l’entreprise vise à permettre aux entreprises de verser à leurs salariés, dans un cadre social et fiscal incitatif, une prime de partage de la valorisation de l’entreprise lorsque la valeur de l’entreprise augmente sur une période de trois ans.
Pour que le dispositif soit pleinement opérationnel, il a fallu attendre le décret n°2024-644 du 29 juin 2024.
Attention, en pratique, compte tenu du délai de trois années pour constater l’évolution de la valorisation de l’entreprise, les premiers versements effectifs de primes PPVE n’interviendront qu’à partir du deuxième semestre 2027 au mieux, voire 2028.
Champ d’application
Le PPVE est un dispositif facultatif pouvant être mis en place par les entreprises relevant du champ d’application de l’intéressement[20], à savoir les employeurs de droit privé, les Epic (Etablissements publics à caractère industriel et commercial), les établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé.
Tous les salariés de l’entreprise ayant au moins une année d’ancienneté bénéficient du PPVE mis en place par l’entreprise, en sachant que l’accord collectif mettant en place le PPVE peut prévoir une condition d’ancienneté inférieure[21]. Cette ancienneté s’apprécie à la date du point de départ de la période de trois années fixée par l’accord pour déterminer la valorisation de l’entreprise, et calculée en prenant en compte la totalité des contrats exécutés dans l’entreprise au cours des 12 mois précédant la date d’appréciation.
La loi indique qu’un salarié atteignant l’ancienneté ou quittant l’entreprise définitivement pendant l’exécution du PPVE ne bénéficie in fine pas du plan. Il n’aura pas de prime PPVE au prorata temporis de sa présence pendant le plan. Il faut absolument être présent au terme du plan pour prétendre au versement de la prime PPVE.
Mise en place du plan de partage de la valorisation de l’entreprise
Par période de trois années, un seul PPVE est admis par entreprise[22].
L’entreprise souhaitant mettre en place un PPVE devra se doter d’un accord selon l’une des modalités suivantes :
- Accord collectif classique,
- Accord entre l’employeur et les représentants des organisations syndicales, c’est-à-dire avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans l’entreprise,
- Accord conclu au sein du CSE,
- Projet d’accord proposé par l’employeur et ratifié à la majorité des 2/3.
L’accord de mise en place du PPVE est établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise, ou, s’il n’en a pas été désigné, d’un commissaire aux comptes désigné à cet effet par l’organe compétent de l’entreprise ou du groupe[23].
Des mentions doivent nécessairement être contenues dans l’accord, en sachant que celui-ci devra être déposé auprès de l’administration pour ouvrir droit aux exonérations sociales et fiscales. Il s’agit des mentions suivantes (non exhaustives)[24] :
- le montant de référence auquel est appliqué le taux de variation de la valeur de l’entreprise, ainsi que les éventuelles conditions de sa modulation ;
- la formule de valorisation retenue pour les entreprises dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ;
- la date d’appréciation de la valeur de l’entreprise, qui constitue le point de départ de la durée de trois ans du PPVE, ainsi que la date, trois ans plus tard, d’appréciation de la valeur de l’entreprise permettant de calculer le pourcentage de variation ;
- la ou les dates de versement de la prime.
Dans l’hypothèse où l’accord prévoit une reconduction du PPVE, des mentions supplémentaires devront être ajoutées[25] : en pratique, il s’agit des mentions obligations ci-dessus appliquées à la reconduction du PPVE.
L’accord doit être déposé auprès de l’administration[26], ce dépôt conditionnant le droit aux exonérations sociales et fiscales. Le décret n°2024-644 du 29 juin 2024 indique que le plan et les avenants et annexes doivent être déposés sur la plateforme Télé-accords (accords-depot.travail.gouv.fr) au même titre que les accords d’entreprise, accompagnés de la version signée par les parties. D’autres documents doivent être joints à ce dépôt en fonction de la nature de l’accord à l’origine du PPVE (accord d’entreprise, accord conclu avec les représentants syndicaux, au sein du CSE, accord ratifié à la majorité des deux tiers du personnel)[27].
L’administration contrôle l’accord dans les mêmes conditions que le contrôle qu’elle exécute sur les accords et règlements d’épargne salariale. Elle remet un récépissé de dépôt de l’accord et des documents annexes, et les transmet sans délai à l'Urssaf ou MSA qui dispose d'un délai de trois mois pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales ou réglementaires[28].
En l’absence d’observation de la part de l’Urssaf ou la MSA, dans le délai de trois mois fixé par le décret n°2024-644, les exonérations sont réputées acquises[29].
Attribution d’une prime aux salariés et détermination de la variation de la valeur
Pour chaque salarié ayant au moins un an d’ancienneté (sauf condition d’ancienneté inférieure fixée par l’accord), le montant de la prime versé sera égal au montant de référence lui ayant été attribué au titre de l’accord multiplié par le pourcentage de variation de la valeur de l’entreprise sur 3 ans[30].
En pratique, lors de la mise en place du PPVE, chaque salarié bénéficiaire se voit attribuer un montant de référence. À l’issue du délai de trois ans, le salarié perçoit une prime de PPVE correspondant à l’application, au montant de référence, du taux de variation de la valeur de l’entreprise lorsque ce taux est positif.
En prenant un exemple basique, si la valeur de l’entreprise attribuée au salarié lors de la signature du PPVE est de 5 000€, et qu’à l’issue des trois années, ce montant de référence est désormais fixé à 12 500€, alors le salarié percevra une prime PPVE égale à 150% de 5000€, soit une PPVE de 7500€.
En cas de variation négative de la valeur de l’entreprise sur trois ans, le salarié ne bénéficie d’aucune prime PPVE.
Le montant individuel de référence fixé pour chaque salarié en application de l’accord PPVE peut prendre en compte des critères de variations en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de travail prévue dans le contrat de travail[31].
Le pourcentage de variation de la valeur de l’entreprise correspond au taux de variation constaté entre[32] :
- la valeur de l’entreprise déterminée à une date fixée par l’accord de mise en place du PPVE ;
- et celle à l’issue d’un délai de trois années, en sachant que ce délai de trois ans débute le lendemain de la date fixée par l’accord.
La loi fixe des règles distinctes pour déterminer la valorisation des entreprises selon qu’elles soient cotées en bourse ou non[33].
Les sommes dues au salarié au titre du PPVE sont arrêtées dans un délai de 7 mois suivant l’expiration du délai de trois ans à compter de la date retenue dans l’accord de mise en place. Une fois les montants arrêtés, ils peuvent être versés en une ou plusieurs fois au cours des 12 mois suivants[34].
Au titre d’un même exercice, le montant des primes PPVE distribuées à un même salarié ne peut excéder une somme égale aux ¾ du montant du plafond annuel de la sécurité sociale[35].
Information du salarié
L’employeur informe le salarié bénéficiaire[36] :
- des sommes qui lui sont attribuées au titre du PPVE,
- du délai fixé par décret dans lequel il peut formuler sa demande d’affectation au plan d’épargne salariale et au plan d’épargne retraite d’entreprise.
L’employeur doit remettre à chaque salarié concerné par le PPVE une fiche distincte du bulletin de paie (dont la remise est possible par voie électronique sauf opposition du salarié dès lors que l’intégrité des données est garantie) indiquant[37]:
- Le montant de référence attribué au salarié,
- Le cas échéant, le critère de modulation qui est appliqué,
- La règle de valorisation applicable,
- Les conditions prévues pour bénéficier de la prime à l’expiration du délai de trois années.
En pratique, la remise de cette information doit donc se faire dès le dépôt de l’accord instituant le PPVE.
Lorsque le délai de trois années est passé et que les sommes sont versées en application du PPVE, là aussi, l’employeur doit remettre au salarié une fiche distincte du bulletin de paie mentionnant[38] :
- Le montant de référence attribué au salarié,
- Le montant de la prime liée au partage de la valorisation de l’entreprise qui lui a été attribué,
- La retenue opérée au titre de la CSG-CRDS,
- La possibilité d’affectation de ces sommes à un plan d’épargne salariale ou retraite et le délai de demande d’affectation,
- Lorsque la prime est investie sur un plan d’épargne salariale ou retraite, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement seront disponibles (c’est-à-dire le délai d’indisponibilité) et les cas de déblocage anticipé.
Cette fiche distincte du bulletin de paie doit comporter une note annexée pour rappeler les règles de calcul et de modulation du montant de référence prévue par le PPVE.
Le montant versé en application du PPVE peut être placé à un plan d’épargne salariale (plan d’épargne entreprise, plan d’épargne interentreprise, ou plan d’épargne retraite collectif s’il en existe) ou un plan d’épargne retraite (plan d’épargne retraite individuel, plan d’épargne retraite entreprise collectif, plan d’épargne retraite entreprise obligatoire, plan d’épargne retraite entreprise regroupé) dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception de la fiche d’information remise lors du versement de la prime[39]. Le placement du montant octroyé en application du PPVE bénéficie d’un régime fiscal de faveur.
Des dispositions spécifiques sont aussi prévues pour les salariés quittant l’entreprise après l’expiration du délai de trois années et avant le versement du montant versé en application du PPVE. L’employeur demande au salarié l’adresse à laquelle il pourra être informé de ses droits, et de le prévenir en cas de changement d’adresse éventuel. L’employeur devra alors envoyer la fiche distincte du bulletin de paie au salarié sorti et bénéficiant d’un versement au titre du PPVE, avec les mêmes informations que celles évoquées ci-avant pour lui permettre d’exercer ses droits.
Si toutefois le salarié ne peut pas être informé à la dernière adresse qu’il a indiqué, l’employeur doit conserver les sommes qui lui sont dues pendant une durée d’un an à compter de la date limite de versement de la prime PPVE (soit un an à compter de l’expiration du délai de 12 mois pour verser la prime PPVE). Au-delà de ce délai, les sommes sont remises à la caisse des dépôts et consignation où l’individu peut les réclamer dans un délai de 30 ans[40].
Principe de non-substitution
Les sommes attribuées en application d’un PPVE ne peuvent se substituer à[41] :
- aucun des éléments de rémunération, tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations sociales définies à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, en vigueur dans l’entreprise au moment de la mise en place du PPVE ou qui deviennent obligatoires en application de règles légales, contractuelles ou d’usage ;
- un autre dispositif d’épargne salariale ou de partage de la valeur ;
- des augmentations de rémunération ou des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise ou le groupe.
Toutefois, ce principe de non-substitution ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales de la PPVE, dès lors qu’un délai de 12 mois s’est écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date de mise en place du plan.
Par ailleurs, les sommes attribuées en application d’un PPVE n’ont pas le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail[42].
Régime social et fiscal des sommes versées
La loi prévoit un régime de faveur uniquement pour les primes versées en 2026, 2027 et 2028, à savoir[43] :
- Exonération de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle, y inclus le forfait social, les contributions formation, la taxe d’apprentissage et la participation construction,
- Exonération d’impôt sur le revenu en cas d’affectation à un plan d’épargne dans la limite de 5% des ¾ du montant annuel du plafond de la sécurité sociale par an et par bénéficiaire, en sachant que l’affectation des sommes doit être faite dans un délai de 15 jours à compter de l’information du salarié.
En revanche, les primes seront assujetties à la CSG-CRDS et à une contribution patronale spécifique de 20% à verser aux Urssaf (sur le modèle de la contribution patronale applicable aux actions gratuites)[44].
Il convient de noter que la loi ne prévoit pas la possibilité pour l’entreprise d’abonder la PPVE affectée à un plan d’épargne, contrairement à ce qu’elle prévoit pour la PPV.
Elodie Chailloux
Responsable Veille légale et DSN
[1] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, JO du 30 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2024/6/29/2024-644/jo/texte
[2] Décret n°2024-690 du 5 juillet 2024, JO du 6 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2024/7/5/2024-690/jo/texte
[3] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 9, 2° ; Ce point ne sera pas redétaillé ici puisque ne faisant pas l’objet d’un décret d’application, nous vous renvoyons à l’article d’info d’experts de Janvier 2024 pour la communication sur les évolutions légales au 1er janvier
[4] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 9, 5°
[5] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 9, 5°
[6] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 9, 5°
[7] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 1er
[8] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 11
[9] C. Trav. art L. 3332-3 et L. 3332-11
[10] C. Trav. art L. 3333-4
[11] C. Trav. art L. 3334-6
[12] C. Mon. Et Fin. Art L. 224-2
[13] C. Mon. Et Fin. Art L. 224-26
[14] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 9, 5°
[15] A l’exception des PPV placées sur un plan d’épargne salariale ou d’épargne retraite
[16] BOSS, Mesures exceptionnelles, Q/R n°9.1
[17] Cotisations de sécurité sociale, y compris Alsace-Moselle, cotisations de retraite complémentaire, y compris APEC et CET, cotisations aux régimes d’assurance chômage y compris AGS, cotisation d’assurance maladie prévue au L. 131-9 du code de la sécurité sociale, contribution solidarité autonomie, versement mobilité, dialogue social, FNAL, taxe d’apprentissage et contribution supplémentaire à l’apprentissage, contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, contribution dédiée au financement du CPF pour les salariés en CDD, participation à l’effort construction, et le cas échéant les contributions résultant d’accords conventionnels de branche
[18] BOSS, Mesures exceptionnelles, Q/R n°9.2
[19] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10. Il convient de préciser que le PPVE peut aussi être mis en place au sein d’un groupe d’entreprises, dès lors qu’elles ont entre elles des liens économiques et financiers tels que définis à l’article L. 3344-1 du Code du travail, ou au sein des Scop.
[20] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, I
[21] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, III.
[22] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, II
[23] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, X, al. 1er. Le rapport permet « d’éclairer les parties sur le caractère approprié de la formule de valorisation de l’entreprise retenue. En effet, le commissaire aux comptes constitue un tiers expert ayant une bonne connaissance du bilan comptable de l’entreprise » explique l’étude d’impact de la loi partage de la valeur.
[24] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XI, al. 1° à 5°
[25] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XI, al. 7
[26] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XIV
[27] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, I
[28] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, II
[29] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XIV
[30] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, IV, al. 2
[31] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, V
[32] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, VI, al. 1er
[33] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, VI, al. 2 et 3. Pour les entreprises cotes en bourse, la valeur de l’entreprise correspond à sa capitalisation moyenne sur les 30 derniers jours de bourse précédant chacune des deux dates permettant d’apprécier le taux de variation de la valorisation de l’entreprise. Pour les entreprises non cotées en bourse, l’accord de mise en place du PPVE fixe une formule de valorisation de l’entreprise, identique aux deux dates d’appréciation de la valeur de l’entreprise. Cette formule de valorisation peut s’appuyer sur des comparaisons avec d’autres entreprises du même secteur, en tenant compte d’une pondération appropriée à chaque cas de la situation nette compte, de la rentabilité, des perspectives d’activités. Si l’accord ne contient pas de formule de valorisation de l’entreprise ou si cette formule se révèle impossible à appliquer, la valorisation de l’entreprise retenue est égale au montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le plus récent
[34] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, VIII
[35] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, VII
[36] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XII, al. 2
[37] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, IV
[38] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, V
[39] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, III
[40] Décret n°2024-644 du 29 juin 2024, art 2, VI
[41] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, IX, al. 1er
[42] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, IX, al. 2
[43] Loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023, art 10, XII et XIII
[44] A date, il n’y a aucune information sur cette contribution spécifique délivrée par les Urssaf.