Octobre 2024
Un salarié en arrêt maladie, sous réserve qu’il remplisse les conditions préalables, perçoit des indemnités journalières de sécurité sociales[1] et une indemnisation complémentaire[2] versée par l’employeur. En contrepartie, l’employeur dispose d’un droit d’organiser une contre-visite médicale afin de vérifier la réalité de l’arrêt de travail. Autrement dit, ce n’est que dans le cas où l’employeur verse un complément de salaire que la contre-visite médicale peut être mise en œuvre. Un décret[3] du 5 juillet 2024 vient en préciser les modalités.
Le code du Travail prévoyait déjà la possibilité, pour l’employeur, de réaliser une contre-visite médicale à l’article L. 1226-1. Mais le décret devant en indiquer les formes et conditions n’avait jamais été publié. En pratique, cette contre-visite médicale était jusqu’à présent encadrée par la jurisprudence. Avec la publication de ce décret le 6 juillet 2024, les employeurs peuvent espérer être mieux équipés pour lutter contre les éventuels abus. Je vous propose de faire le point sur les trois nouveaux articles du code du Travail ainsi créés et entrés en vigueur le 7 juillet 2024.
Rappel sur les conditions à remplir pour bénéficier du complément employeur[4]
En application du code du travail, tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière de la sécurité sociale, à condition :
- D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité ;
- D'être pris en charge par la sécurité sociale ;
- D'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen.
A noter que ces dispositions ne s'appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.
Il convient également de tenir compte des éventuelles dispositions prévues par la convention collective dont dépend l’entreprise.
Le salarié communique auprès de l’employeur
Dès le début de l’arrêt de travail, ainsi qu’à l’occasion de tout changement, le salarié communique à l’employeur, d’une part son lieu de repos, s’il est différent de son domicile. D’autre part, dans le cas où le salarié bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre », il informe son employeur des horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer[5].
Le salarié est libre d’informer son employeur comme il le souhaite puisque les conditions de forme de cette communication ne sont pas fixées par ce nouvel article.
L’employeur mandate un médecin[6]
La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l'employeur. Le médecin devra justifier, auprès du salarié, du mandat dont il a été investi par l’employeur. Ce médecin se prononce sur le caractère justifié de l'arrêt de travail, y compris sa durée.
La contre-visite s'effectue à tout moment de l'arrêt de travail.
Depuis le 7 juillet 2024, le médecin peut convoquer le salarié à son cabinet.
En effet la contre-visite est réalisée au choix du médecin :
- Soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui, en s'y présentant, sans qu'aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées ou, s'il y a lieu, aux heures communiquées par le salarié ;
- Soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en en précisant les raisons.
Le médecin rend son avis[7]
Au terme de sa mission, le médecin informe l'employeur, soit du caractère justifié ou injustifié de l'arrêt de travail, soit de l'impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.
L'employeur transmet sans délai cette information au salarié. A nouveau, le code du Travail n’impose aucun formalisme concernant cette information.
Pour rappel, dans les quarante-huit heures qui suivent la contre-visite médicale, le médecin mandaté par l’employeur doit transmettre son rapport au médecin-conseil de la CPAM s’il conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, ou s’il s’est trouvé dans l’impossibilité de procéder à l’examen du patient[8]. Dans ce dernier cas, le service du contrôle médical de la caisse doit alors procéder à l’examen du salarié[9].
Vérifier la convention collective
La convention collective dont dépend l’entreprise, peut prévoir des dispositions relatives à l’organisation de la contre-visite médicale. En conséquence, avant de procéder à une contre-visite médicale, il convient de vérifier si d’éventuelles dispositions conventionnelles s’imposent à l’employeur.
A défaut, seules les dispositions légales évoquées ci-dessus trouveront à s’appliquer.
Pas de contre-visite médicale en Alsace-Moselle
Les contre-visites médiales patronales relèvent d'une exception de droit, car elles sont pratiquées en France à l'exclusion de l'Alsace-Moselle où elles relèvent toujours du domaine exclusif de la Sécurité sociale et de la médecine du travail.
En Alsace-Moselle, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire[10].
Cependant, les dispositions relatives au maintien de salaire en droit local ne prévoient pas de contre- visite médicale en cas d'absence pour maladie de courte durée.
Il n'est donc pas possible d'organiser une contre-visite lorsqu'un salarié est indemnisé selon les règles du droit local.
Bref rappel sur les conséquences de la contre-visite médicale
Le médecin mandaté par l’employeur peut faire trois constats :
- Soit le salarié n’a pas pu être contrôlé car il n’était pas à son domicile (ou au lieu communiqué par lui) ou il ne s’est pas rendu au cabinet du médecin sans raison valable ;
- Soit il confirme l’arrêt de travail du salarié ;
- Soit il rend un avis d’aptitude.
Si le médecin mandaté par l’employeur considère que le salarié est apte à travailleur, et donc que son arrêt de travail n’est pas justifié, l’employeur peut cesser de verser les indemnités complémentaires.
En revanche, les conclusions du médecin n’ont pas pour effet de remettre en cause l’arrêt de travail lui-même. Le salarié, qui a fait l’objet d’un contrôle concluant à l’aptitude, et dont l’arrêt de travail n’est pas terminé, peut rester en arrêt sans être considéré comme fautif par son employeur[11].
La cessation du versement des indemnités complémentaires pour maladie par l’employeur ne vaut que pour la période postérieure à la contre-visite et non pour la période antérieure [12]. Il en va de même si le médecin mandaté par l’employeur n’a pas pu procéder au contrôle du fait de l’absence du salarié de son domicile ou de son refus de se soumettre à la contre-visite[13].
Comme le médecin mandaté par l’employeur transmet son rapport au médecin-conseil de la CPAM, selon les cas (confirmation de l’avis du médecin mandaté par l’employeur ou nouvel examen médical) il pourrait également y avoir des conséquences sur le versement des indemnités journalières de sécurité sociale.
Enfin, sachez que le salarié peut contester les conclusions du médecin mandaté par l’employeur en sollicitant une expertise médicale devant le juge.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Les indemnités journalières de la sécurité sociales sont versées par la Caisse Primaire d’assurance maladie (CPAM) - Article L. 321-1 du code de la Sécurité Sociale
[2] Article L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du Travail
[3] Décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024, publié au Journal Officiel du 6 juillet 2024
[4] Article L. 1226-1 du code du Travail
[5] Article R. 1226-10 du code du Travail
[6] Article R. 1226-11 du code du Travail
[7] Article R. 1226-12 du code du Travail
[8] Article L. 315-1 du code de la Sécurité Sociale
[9] Article L. 315-1 du code de la Sécurité Sociale
[10] Article L. 1226-23 du code du Travail
[11] Cass. Soc. 10 octobre 1995, n° 91-45.242 ; Cass. Soc., 28 nov. 2000, n°98-41.308
[12] Cass. Soc. 15 octobre 1987, n° 85-40.555
[13] Cass. Soc. 2 juillet 1980, n° 79-40.263