Décembre 2024
Accepter et respecter chaque personne avec ses différences est un principe fondamental repris dans plusieurs textes juridiques. Sans reprendre l’ensemble des textes, citons par exemple, l’article 1er de la Déclaration des droits de l’hommes et du citoyen de 1789, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » et l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948[1], « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi ». Concernant la communauté LGBT+, les comportements évoluent et luttent davantage contre les stéréotypes et préjugés pouvant être sources de discrimination. Aussi, la prise de conscience de la société en général, amène à se poser la question des habitudes de gestion des données liées à l’identité, notamment dans les outils paie et ressources humaines.
Il n’existe pas de textes législatifs ou réglementaires venant encadrer la gestion des données liées à l’identité en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+. En revanche, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que l’organisation doit garantir à tou·te·s les salarié·es, quelles que soient leur orientation sexuelle et leur identité de genre, un environnement non discriminatoire, propice à leur épanouissement personnel et professionnel[2]. Plus récemment, une circulaire[3], à l’attention de la fonction publique d’état vise à prendre en considération la diversité des familles et le respect de l’identité des personnes transgenres. La norme DSN tient compte également des périodes de transition pour les personnes transgenres. Respecter, aussi bien celles et ceux qui souhaitent faire leur coming-out, que celles et ceux qui ne le souhaitent pas, passe aussi par une réflexion autour de la gestion des données liées à l’identité. Je vous propose de faire le point sur les quelques documents et décisions en la matière.
Commençons par quelques définitions[4]
LGBT+ est l’acronyme signifiant lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres. Il est souvent accompagné d’un « + » pour inclure d’autres orientations sexuelles, identités et expressions de genre.
L’orientation sexuelle fait référence à une attirance émotionnelle, physique et/ou sexuelle envers des individus du sexe opposé (hétérosexualité), de même sexe (homosexualité) ou indifféremment pour l’un ou l’autre sexe (bisexualité).
L’identité de genre fait référence au sentiment d’appartenir au genre féminin ou masculin. La plupart des personnes ont une identité de genre qui coïncide avec le sexe biologique, elles sont cisgenres. Pour certaines personnes en revanche, le sexe biologique ne correspond pas à leur identité de genre : elles sont transgenres.
La transition est le parcours d’une personne pour passer d’une identité assignée par son sexe à la naissance vers une identité sociale conforme à son identité de genre.
Il ne faut pas confondre les personnes trans avec :
- Les personnes travesties, qui sont des hommes s’habillant en femmes, et des femmes en hommes, de manière ponctuelle, mais dont l’identité de genre correspond a priori au sexe qui leur a été assigné à la naissance ;
- Les personnes intersexes, qui naissent avec des caractères sexuels à la fois masculins et féminins.
Les stéréotypes de genre correspondent à des croyances sur des caractéristiques, attributs et comportements d’un groupe de personnes en fonction de leur sexe, sous l’influence du milieu social (famille, entourage, études, profession…). Autrement dit, les stéréotypes constituent des images préconçues du masculin et du féminin et déterminent à un degré plus ou moins important des modes de pensées et d’agir. Ces stéréotypes ont donc un effet sur les rôles attribués aux hommes et aux femmes dans la société et peuvent être à l’origine des LGBTphobies.
LGBTphobie, est un terme qui désigne toute attitude négative envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres. Les LGBTphobies au travail se caractérisent par des propos ou des réactions de rejet, des moqueries, des injures, des discriminations, et même du harcèlement ou des violences physiques envers les personnes LGBT+.
Principe de non-discrimination
L’enquête réalisée en 2012 par l’European Union Agency for Fundamental Rights (FRA) auprès d’environ 93 000 personnes LGBT+, dont 8 375 Français·es (62 % d’hommes gays, 16 % de femmes lesbiennes, 15 % de personnes bies et 7 % de personnes transgenres), montre que :
- 20 % des répondant·es français·es se sont senti·es discriminé·es du fait d’être LGBT+ au cours des douze derniers mois sur le lieu de travail (19 % en moyenne en UE) ;
- 39 % déclarent avoir subi des attitudes ou des commentaires négatifs au travail (43 % en moyenne en UE) ; ce chiffre moyen descend à 33 % pour les personnes qui n’ont pas révélé leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre dans leur milieu professionnel.
En matière de lutte contre les discriminations, l’article L. 1132-1 du Code du travail liste les critères de discrimination prohibés. Celui de l’orientation sexuelle a été intégré par la loi[5] du 16 novembre 2001 au sein du Code du travail. Celui de l’« identité sexuelle », devenu « identité de genre », a été introduit par la loi[6] du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. Le droit de la non-discrimination s’applique à l’ensemble des critères visés par la loi et donc aussi à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Il inclut le harcèlement[7] discriminatoire, c’est-à-dire un harcèlement moral articulé avec un critère de discrimination.
Le respect du principe de non-discrimination[8] couvre tout le processus de gestion des ressources humaines[9] du recrutement à la rémunération, en passant par la carrière, l’accès à la formation professionnelle, ... C’est une faute qui peut engager la responsabilité civile de son auteur·e et/ou de l’employeur. Pour rappel au civil, le système de charge de la preuve est aménagé en cas de discrimination ou de harcèlement discriminatoire : c’est à l’employeur de faire la preuve qu’il n’a pas discriminé. La prescription est de cinq ans à compter de la révélation des faits, et non à compter de l’acte discriminatoire. Le Code du travail précise également, dans son article L. 1321-3, qu’aucune distinction de traitement des salarié·es ne doit être mentionnée dans le règlement intérieur, notamment en raison de « leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur situation de famille… .
Selon le code pénal[10], constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de critères définis par la loi au sein desquels figurent les critères de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre. Les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sont un délit passible d’une peine maximale de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende[11] pour une personne physique. De plus, toutes les injures sont interdites par la loi, que ce soit en personne ou en ligne (réseaux sociaux, SMS, etc.), aussi bien en public qu’en privé, et que la victime soit présente ou pas (propos rapportés). Le caractère LGBTphobe de l’injure est une circonstance aggravante. En cas d’injure publique LGBTphobe, la peine encourue est de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende[12] tandis que l’injure non publique LGBTphobe est sanctionnée par une contravention de 1 500 euros maximum[13].
Toutefois, au niveau pénal[14], les plaintes n’aboutissent que très rarement, notamment en raison de la difficulté pour une victime de prouver qu’elle est discriminée. Il est de plus en plus fréquent que les avocat·es encouragent leurs client·es à aller à la fois au civil et au pénal, et à déposer une réclamation auprès du Défenseur des droits. Cette autorité administrative indépendante instruit chaque année des réclamations de salarié·es et fonctionnaires victimes de discriminations.
La ou le salarié·e qui est mis·e en cause en cas de harcèlement ou de discrimination peut voir sa responsabilité individuelle engagée devant les juridictions pénales et civiles. D’autre part, l’entreprise a la possibilité de se retourner devant sa ou son salarié·e mis·e en cause en faisant usage de son pouvoir disciplinaire.
En effet, l’employeur a une obligation de sécurité envers le personnel qu’il emploie[15]. Il en découle un pouvoir disciplinaire que l’employeur doit utiliser en matière de protection de la sécurité et de la santé, notamment en cas de harcèlement moral et sexuel, et de discrimination. Aussi, une fois les faits signalés, il est de la responsabilité de l’autorité hiérarchique de traiter la situation.
Lorsque l’employeur est informé d’actes de discrimination ou de harcèlement susceptibles de se produire ou en cours, il doit mettre en œuvre les moyens les plus appropriés pour les prévenir ou les faire cesser. Il est impératif de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la victime et, si les faits sont établis, de prononcer des sanctions disciplinaires contre l’auteur·e du harcèlement.
L’arrêt[16] du 1er juin 2016 de la Cour de cassation a toutefois marqué une évolution. Ainsi, l’employeur ne méconnaît plus son obligation de protection de la santé des salarié·es, notamment en matière de harcèlement, s’il justifie[17] :
- Avoir pris toutes les mesures de prévention en termes de formation et d’information du personnel, et mis en place une organisation et des moyens adaptés ;
- Avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il en a été informé[18].
Les organisations ont donc tout intérêt à créer un climat inclusif pour les personnes LGBT+.
Les données liées à l’identité indispensables pour gérer le personnel
Dans le cadre de la gestion du personnel, l’employeur est dans l’obligation de collecter des données personnelles de ses salarié·es, telles que le prénom, le nom, le sexe, le numéro de sécurité sociale, l’adresse personnelle, le relevé d’identité bancaire (RIB)…
En pratique, le titre de civilité (Monsieur, Madame) est également renseigné, même si aucun texte n’impose d’ajouter une civilité devant le prénom et le nom lorsque l’on s’adresse à une personne. Il s’agit davantage d’une marque de politesse intégrée dans nos cultures.
En général, la civilité, le sexe et le numéro de sécurité sociale sont liés :
- Mr, sexe masculin et numéro de sécurité sociale commençant par 1 ;
- Mme, sexe féminin et numéro de sécurité sociale commençant par 2.
Toutefois cette gestion ne répond pas à la diversité des personnes. En effet, certaines personnes ne se sentent appartenir ni au genre féminin, ni au genre masculin. Par conséquent, l’utilisation de la civilité, qui est liée au sexe biologique, ne semble pas appropriée. De même, pendant la période de transition, une personne trans peut être amenée à être identifiée avec un numéro de sécurité sociale qui ne correspond pas à son sexe de transition, étant donné la longueur de la procédure pour changer d’état civil.
A noter également qu’une personne peut souhaiter se faire appeler par un autre prénom que celui figurant sur ses papiers officiels d’identité, créant ainsi une distorsion entre son identité « officielle » et celle utilisée dans ses relations au quotidien.
Afin de répondre à des situations très diverses et permettre l’inclusion de tou·te·s, une réflexion sur la manière de gérer les données liées à l’identité semble incontournable.
Les données liées à l’identité pouvant impacter la communauté LGBT+
Le genre/le sexe
En France, l’orientation sexuelle n’est pas une donnée personnelle traitée par les services Ressources humaines. En revanche « le sexe » est une donnée qui est demandée par les employeurs, notamment pour produire des indicateurs genrés, dans le cadre de la base de données économiques, sociales et environnementales[19] ou encore au titre de l’Index égalité femmes-hommes[20].
Le « sexe » est un élément essentiel de l'identification des personnes figurant sur les papiers officiels d’identité. En France, seuls deux sexes sont admis : homme ou femme. Dans la plupart des cas, le sexe biologique et l’identité de genre (masculin et féminin) coïncident et distinguer les deux informations « sexe » et « identité de genre » n’a pas d’intérêt. Toutefois, certaines personnes ne se reconnaissent ni dans le genre masculin, ni dans le genre féminin. C’est la raison pour laquelle certains pays reconnaissent l’existence d’un troisième genre. C’est le cas de l’Allemagne qui a légalisé en 2018 un « troisième genre » sur les certificats de naissance.
Par conséquent, un salarié expatrié en France ou un salarié étranger embauché en France, qui serait originaire d’un pays autorisant le genre « neutre », se verra attribué, en France, l’un des deux sexes admis, notamment pour l’attribution du numéro de sécurité sociale. Cette situation peut être mal vécue par ces personnes en accord avec l’identité de genre « neutre » déclarée dans leur pays d’origine.
Le numéro de sécurité sociale
Le numéro de sécurité sociale (ou NIR[21]) est une donnée à manipuler avec précaution dans le respect du RGPD[22]. L’employeur est autorisé à demander cette information au salarié pour la gestion de la paie et le calcul des cotisations versées aux organismes de protection sociale.
Le premier chiffre du numéro de sécurité sociale renvoie à l’information sur le sexe de la personne : 1 pour masculin et 2 pour féminin. Dans la plupart des situations, ce chiffre correspond au « sexe biologique » de la personne. Toutefois, lorsqu’une personne entame une démarche de transition (voir ci-dessous « Personne trans et changement d’état civil »), il peut y avoir une période de discordance pendant laquelle le sexe officiel déclaré sur ses papiers officiels d’identité ne correspond pas au premier chiffre du numéro de sécurité sociale.
Dans cette situation, au niveau déclaratif (DSN[23]) il est possible d’indiquer si le sexe est différent du numéro de sécurité sociale déclaré. Ainsi, en DSN, au niveau de l’individu, la rubrique S21.G00.30.005 relative au sexe (01 – Masculin ; 02 – Féminin) est à renseigner si différent du sexe porté par le NIR ou si le NIR est absent en cas d'identification par un NTT[24].
Le prénom
Le prénom est, comme le sexe, une information officielle de l’état civil du salarié.
Personne LGBT+ ou non, dès lors que le salarié change officiellement de prénom et produit ses nouveaux papiers d’identité, l’employeur se doit d’effectuer les modifications nécessaires sur l’ensemble des documents officiels (comme les bulletins de paie par exemple) et non-officiels (adresse email, badges…) qu’il réalise pour ce salarié.
Lorsqu’une personne souhaite se faire appeler par un autre prénom que son prénom « officiel » et sans qu’il y ait eu de changement à l’état civil, on parle de « prénom choisi » ou de « prénom d’usage ». Ce prénom d’usage n’étant pas « officiel », il ne devrait être pris en compte que dans les documents « non-officiels ».
C’est d’ailleurs la recommandation qui figure dans une circulaire[25] du 20 juin 2023 à l’attention des agents de la fonction publique d’Etat. Ainsi dans la deuxième partie de cette circulaire visant à favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ dans la fonction publique, elle recommande aux employeurs de la fonction publique, « lorsque la personne transgenre en exprime le souhait, à utiliser le prénom d’usage choisi, sur tous les documents administratifs non officiels ».
Selon la circulaire, l’utilisation du prénom d’usage ou du prénom choisi sera ainsi réservée aux documents « non officiels », c’est-à-dire des documents qui n’ont pas de valeur juridique ou probatoire et qui peuvent être modifiés comme par exemple, l’adresse électronique, la signature électronique, la signalétique (identification des portes de bureaux), l’organigramme papier et numérique, l’annuaire interne papier, les listes d’émargement, etc.
A contrario, toujours selon cette circulaire, les bulletins de salaires sont des documents officiels contenant des informations dont l’authenticité doit pouvoir être garantie par l’autorité publique car ils ont notamment vocation à prouver le caractère libératoire du versement de la rémunération de l’agent en contrepartie du service fait. La circulaire précise qu’un document officiel est un document établi par une autorité publique qui garantit notamment la véracité des informations qui y sont portées. Ces informations doivent en conséquence être justifiées par des documents, issus notamment de l’état civil ou de la sécurité sociale.
A noter que dans le droit social, il n’existe pas de liste indiquant les documents considérés comme « officiels » et ceux dits « non-officiels ».
Enfin, bien que la circulaire du 20 juin 2023 s’adresse aux agents de la fonction publique d’Etat, il est tout à fait possible de s’en inspirer pour les salarié·es du secteur privé.
La civilité et les pronoms
Le titre de civilité (Monsieur, Madame) et le pronom (« il » ou « elle ») ne sont pas des informations obligatoires de l’état civil.
Comme en matière de « prénom d’usage », la circulaire[26] du 20 juin 2023 à l’attention des agents de la fonction publique d’Etat, recommande aux employeurs de la fonction publique, « lorsque la personne transgenre en exprime le souhait, à utiliser le pronom (« il » ou « elle ») et, le cas échéant, le titre de civilité choisis sur tous les documents administratifs non officiels, que le sexe ait été ou non modifiés à l’état civil ».
L’utilisation de la civilité choisie sera ainsi réservée aux documents « non officiels ».
La circulaire du 20 juin 2023 ajoute qu’une bonne pratique peut par exemple consister, s’agissant des documents et supports non officiels, en la suppression des titres de civilité pour les agents publics. Ce document va même plus loin, concernant la gestion des agents de la fonction publique d’Etat, en recommandant de supprimer des références à la civilité au sein des SIRH[27].
Personnes trans et changement d’état civil[28]
Depuis 2010, la transidentité est dépsychiatrisée en France, c’est-à-dire qu’elle a été retirée des listes des pathologies mentales. Si le changement de prénom est facilité depuis 1992, il a fallu attendre la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 pour que le législateur français modifie la procédure de changement de la mention du sexe à l’état civil.
Désormais, « toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification », en vertu de l’article 61-5 du Code civil.
Les principaux éléments de preuve qui peuvent être mobilisés à l’appui d’une demande sont que la personne :
- Se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
- Est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, professionnel ou amical ;
- A obtenu le changement de son prénom pour qu’il corresponde au sexe revendiqué.
L’article 61-6 du même code précise, par ailleurs, que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ».
En pratique, une personne en transition qui souhaite changer « officiellement » d’identité commence par le prénom, puis poursuit sa démarche avec le changement du sexe. Après la décision positive du tribunal de grande instance, de nouveaux papiers officiels d’identité tiennent compte du changement de prénom et de sexe, ce qui déclenchera la modification du numéro de Sécurité sociale.
Pendant cette période de transition, il est donc possible d’avoir une discordance entre le sexe et le numéro de sécurité sociale.
En cas de changement d’identité, pas de rétroactivité en matière RH
Décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat, dans une décision[29] du 14 avril 2023, refuse de faire doit à la demande de rectification du nom, prénom et sexe sur l’ensemble des documents produits par les anciens employeurs de la requérante.
« A la suite d'un changement de sexe auprès du tribunal de l'Etat de Virginie, aux Etats-Unis, la requérante, dans cette affaire, avait demandé à ses anciens employeurs la rectification de ses nom, prénom et sexe sur l'ensemble des documents la concernant en possession de ces derniers, ainsi que la communication de ces documents rectifiés.
N'ayant pas obtenu satisfaction, elle avait saisi la Cnil de plaintes tendant à ce que cette dernière mette en demeure ces sociétés de procéder à la rectification demandée et de lui fournir les documents ainsi rectifiés. La Cnil avait rejeté sa demande.
La requérante demande alors l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et du rejet du recours gracieux qu'elle a présentée contre celle-ci, en date du 19 août 2021.
Le Conseil d'Etat, dans une décision du 14 avril 2023, refuse de faire droit à sa demande. Les juges invoquent plusieurs arguments. D'une part, si le RGPD, dispose que "les données à caractère personnel doivent être exactes et, si nécessaire, tenues à jour et que "la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes", les juges constatent que les données à caractère personnel dont la requérante demande la rectification figurent sur des documents produits antérieurement à l'ordonnance du 23 décembre 2019 actant le changement de sexe et qu'elle ne présente aucun caractère rétroactif. Les documents litigieux ne présentaient dès lors pas un caractère inexact. Le refus de la Cnil d'enjoindre à chacune de ces sociétés de faire droit à la demande de rectification dont elles ont été saisies ne méconnaît ainsi pas le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Selon cette décision, le changement d’identité, notamment de prénom et de sexe, n’impose pas à l’employeur de procéder à la modification rétroactive de l’ensemble des documents produits, antérieurement au changement, pour cette personne. L’argument avancé est qu’à l’époque où les documents ont été produits, ils étaient conformes à l’identité de la personne.
Même principe pour le prénom d’usage, le pronom et, le cas échéant, la civilité
La circulaire[30] du 20 juin 2023 à l’attention des agents de la fonction publique d’Etat, reprend les conclusions de la décision du Conseil d’Etat du 14 avril 2023 : « La modification du prénom d’usage, du pronom et, le cas échéant, de la civilité choisis, ne revêtent pas une portée rétroactive par analogie avec ce qui prévaut en matière de changement d’état civil ».
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. »
[2] Cour de cassation, chambre sociale, 30 janvier 2019, n° 17-28.905 : l’employeur est tenu envers ses salarié·es d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination.
[3] Circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenre dans la fonction publique de l’Etat. https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/45452
[4] Les définitions sont issues du guide « Agir contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans l’emploi » publié par le Défenseur des droits, 2017 https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/2023-08/ddd_guide_discriminations_orientation-sexuelle-et-identite-genre_emploi_20190506.pdf. A noter qu’il existe aussi un guide intéressant du ministère de la transformation et de la fonction publique https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/publications/publications-dgafp/guide_lgbt.pdf
[5] Loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, publiée au Journal Officiel du 17 novembre 2001
[6] Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, publiée au Journal Officiel du 7 août 2012
[7] Article L. 1153-1 du Code du travail
[8] AFMD (Association française des managers de la diversité) Kit d'inclusion des personnes LGBTI+ au travail (Cadre Légal Fiche 8)
[9] Article L. 1132-1 du Code du travail
[10] Articles 222-33-I, 222-33-II et 432-7 du Code pénal
[11] Article 225-2 du Code pénal
[12] Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : article 33
[13] R. 625-8-1 du Code pénal
[14] AFMD (Association française des managers de la diversité) Kit d'inclusion des personnes LGBTI+ au travail (Cadre Légal Fiche 8)
[15] Article L. 4121-1 et suivants du Code du travail
[16] Arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2016 n° 14-19.702
[17] AFMD (Association française des managers de la diversité) Kit d'inclusion des personnes LGBTI+ au travail (Cadre Légal Fiche 10)
[18] Cass. Soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702
[19] Base de données économiques sociales et environnementales (BDESE) dont les indicateurs sont précisés, à titre supplétif, au sein des articles R. 2312-9 du Code du travail pour les entreprises de 300 salariés et plus et R. 2312-8 du même code pour les entreprises de moins de 300 salariés.
[20] Article D. 1142-2 à Annexe II du Code du travail
[21] NIR : numéro d’inscription au répertoire
[22] Règlement général sur la protection des données : Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, entre en application le 25 mai 2018.
[23] Déclaration Sociale Nominative
[24] Numéro technique temporaire : dans le cadre de la DSN, lorsqu’un salarié ne possède pas de NIR (Numéro d’Inscription au Répertoire ou Numéro de Sécurité Sociale) ou de NIA (Numéro d’Identification d’Attente) au moment de l’émission d’une DSN, l’employeur doit lui attribuer un NTT (Numéro Technique Temporaire) en rubrique « Numéro technique temporaire – S21.G00.30.020 ».
[25] Circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenres dans la fonction publique de l’Etat
[26] Circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenres dans la fonction publique de l’Etat
[27] Système d’information des ressources humaines
[28] AFMD (Association française des managers de la diversité) Kit d'inclusion des personnes LGBTI+ au travail
[29] Décision du Conseil d’Etat du 14 avril 2023 (n° 462479) https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047446681
[30] Circulaire du 20 juin 2023 relative à la prise en compte de la diversité des familles et au respect de l’identité des personnes transgenres dans la fonction publique de l’Etat