Juillet 2024
Publiée au Journal officiel depuis deux mois environ, la loi DDADUE n°2024-364 du 22 avril 2024[1], et son article 37 relatif aux congés payés acquis pendant les périodes de maladie, interpelle tout professionnel RH, paie, juridique. L’un des pans de cette loi concerne le report des congés payés n’ayant pu être pris au cours de la période de prise pour cause d’arrêt de travail. Focus sur ces règles de prise et de report des congés payés.
Avant d’entamer ce focus sur les règles de prise de congés payés et les nouveautés liées au report issues de la loi DDADUE, nous vous renvoyons vers :
- L’article d’info d’experts du mois de Novembre 2023[2] pour davantage de détails sur les jurisprudences et les questionnements soulevés ;
- L’article d’info d’experts du mois de Mars 2024[3] pour la décision du Conseil Constitutionnel sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) envoyées par la Cour de Cassation ;
- L’avis consultatif du Conseil d’Etat du 13 mars 2024[4]sur le projet d’amendement gouvernemental au projet de loi DDADUE, devenu depuis l’article 37 de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 ;
- L’article d’info d’experts du mois de Mai 2024 pour les nouveautés issues de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024, dite DDADUE, publiée au Journal Officiel du 23 avril 2024.
Trois nouveaux articles sont créés dans le Code du travail par la loi DDADUE pour encadrer les nouveautés relatives au report des congés payés : il s’agit des articles L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3.
Au préalable, il est essentiel de revenir sur les règles relatives à la prise des congés payés, qui, elles, n’ont pas été modifiées par la loi DDADUE.
La prise des congés payés
Sans changement, juridiquement, la prise des congés payés est encadrée par les articles L. 3141-12 à L. 3141-23 du Code du travail. Comme tout chapitre relatif aux congés payés, ces règles s’articulent autour de dispositions dites d’ordre public (auxquelles l’employeur ne peut pas déroger, sauf dans un sens plus favorable), de dispositions relevant du champ de la négociation collective, et de dispositions supplétives (à défaut d’accord collectif les définissant).
Depuis la loi El Khomri de 2016[5], l’article L. 3141-12 du Code du travail indique que les congés payés peuvent être pris dès l’embauche, sans préjudice des règles de détermination de la période de prise des congés et de l’ordre des départs, ainsi que des règles de fractionnement.
Antérieurement à la loi El Khomri, cet article L. 3141-12 indiquait que les congés pouvaient être pris dès l’ouverture des droits, ce qui supposait d’attendre l’ouverture de la période de prise des congés payés.
La rédaction du nouvel article L. 3141-12 du Code du travail postérieurement à la loi El Khomri aurait probablement dû conduire les entreprises à modifier leurs pratiques en la matière, pour permettre la prise de congés réellement acquis « en anticipés ». Force est de constater que ça n’a pas ou peu été le cas. Il s’agit en effet d’une possibilité offerte aux salariés, et sous réserve que la période de prise des congés payés soit effectivement ouverte et que l’ordre des départs soit respecté.
Détermination de la période de prise des congés payés
La fixation de la période de prise des congés payés relève par principe du champ de la négociation collective.
Ainsi, un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche fixe :
- La période de prise des congés payés
- L’ordre des départs pendant cette période,
- Les délais que doit respecter l’employeur s’il entend modifier l’ordre et les dates de départ.
A défaut d’accord collectif (qu’il soit d’entreprise, d’établissement ou de branche), l’article L. 3141-16 du Code du travail indique que l’employeur définit, après avis du comité social et économique (CSE) s’il existe, la période de prise des congés.
Qu’elle soit définie par accord collectif ou par l’employeur après consultation du CSE s’il existe, la période de prise de congés payés doit obligatoirement comprendre la période courant du 1er mai au 31 octobre de chaque année[6]. Il s’agit d’une disposition d’ordre public, à laquelle l’employeur ne peut se soustraire.
En pratique, des conventions collectives type Bureaux d’études techniques (IDCC 1486)[7] prévoient ainsi des périodes de prise de congés payés d’une durée de 13 mois maximum pour inclure la période 1er mai – 31 octobre, ou pour la Métallurgie (IDCC 3248)[8] une période de prise de congés payés de 12 mois impliquant un chevauchement entre la période d’acquisition (potentiellement définie du 1er juin N au 31 mai N+1) et la période de prise de ces droits (du 1er mai N+1 au 30 avril N+2).
Lorsque la période de prise de congés payés est fixée, l’employeur doit la porter à la connaissance des salariés au moins deux mois avant son ouverture[9], en sachant que cette information doit être faite chaque année.
A noter également que la période de prise des congés payés prévue fait aussi partie des informations que l’employeur fournit au CSE dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi[10].
Ordre des départs
L’ordre des départs et les dates de congés est par principe fixé par un accord d’entreprise ou d’établissement (à défaut l’accord de branche)[11]. Cet accord collectif fixe aussi les critères pour déterminer l’ordre des départs en congés[12] de chacun des salariés, et le délai à respecter par l’employeur s’il veut modifier l’ordre des départs et les dates de congés.
Cette notion d’ordre de départ implique qu’un salarié ne peut pas décider seul de ses dates de congés payés, elles doivent être approuvées à minima par l’employeur.
Comme pour fixer la période de prise de congés payés, s’il n’y a pas d’accord collectif (qu’il soit d’entreprise, d’établissement ou de branche), l’article L. 3141-16 du Code du travail indique que l’employeur définit, après avis du CSE s’il existe, l’ordre des départs[13] en congés en prenant en compte les critères fixés par le Code du travail.
Lorsque l’ordre des départs est établi (que ce soit par accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de branche, ou par l’employeur après consultation du CSE s’il existe), l’employeur communique à chaque salarié, par tout moyen, les dates de congés un mois avant son départ[14]. Il est à noter que les conjoints et partenaires de PACS travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané[15].
En l’absence d’accord collectif (qu’il soit d’entreprise, d’établissement ou de branche), l’employeur ne peut pas, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue[16].
En tout état de cause, l’employeur doit veiller à ce que son salarié prenne effectivement ses congés payés et le salarié, quant à lui, doit réellement prendre ses congés payés.
Les nouveautés issues de la loi DDADUE : les articles L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 du Code du travail
Les trois nouveaux articles du Code du travail créés par la loi DDADUE traitent :
- Art L. 3141-19-1 : le report des congés non pris du fait d’un arrêt de travail
- Art L. 3141-19-2 : le cas spécifique de l’absence sur la totalité de la période de référence
- Art L. 3141-19-3 : l’obligation d’information à la charge de l’employeur à l’issue de tout arrêt de travail
Avant d’entrer dans le détail de ces nouveautés, rappelons qu’il existait déjà des facultés de report légales[17], et qu’une convention, un accord collectif ou un usage dans l’entreprise pouvait aussi prévoir le report des congés non pris[18].
L’obligation d’information de l’employeur
Le nouvel article L. 3141-19-3 du Code du travail impose à l’employeur, au terme de chaque période d’arrêt de travail, quelle qu’en soit sa durée, pour cause de maladie ou d’accident qu’il soit professionnel ou non, de porter à la connaissance du salarié les informations suivantes :
- Le nombre de jours de congés dont il dispose
- La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Ce nouvel article exige donc que l’employeur remette cette information quelle que soit la durée d’arrêt de travail et quelle que soit l’origine de l’arrêt de travail, et même si, finalement, par l’application des règles d’équivalence relatives à l’acquisition des congés payés, l’arrêt de travail n’entraine aucune réduction du droit à congés payés pour le salarié.
L’information est double ici selon les éléments que nous avons pu obtenir de la part de la Direction Générale du travail (DGT) :
- A la fois les congés payés en cours d’acquisition, dont ceux acquis pendant la maladie ou l’accident de travail-maladie professionnelle (ATMP), qui potentiellement ne sont pas concernés par le report.
- Et à la fois les congés payés acquis antérieurement à la maladie ou l’ATMP et qui n’ont pas pu être pris du fait de l’arrêt de travail sur la période de prise classique.
En pratique donc, l’information est nécessairement indicative.
L’information se fait par tout moyen, y compris potentiellement via le bulletin de paie, conférant date certaine à leur réception. L’employeur doit effectuer l’information dans le mois qui suit la reprise du travail.
Cette information marque, par principe, le point de départ du délai de report fixé par les nouveaux articles L. 3141-19-2 et L. 3141-19-3.
Le report des congés non pris du fait de l’arrêt de travail
Désormais, le code du travail fixe le principe d’une période de report de 15 mois lorsque le salarié « s’est trouvé dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis »[19].
Au regard de la rédaction de l’article L. 3141-19-2 du Code du travail, il est donc essentiel que :
1. la période de prise des congés payés soit clairement définie dans l’entreprise. Rappelons que c’est l’accord collectif ou à défaut l’employeur qui fixe la période de prise des congés payés, en sachant que la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année doit incontestablement être incluse dans la période définie par l’employeur ou par accord collectif ;
2. il y ait un solde de congés non pris au terme de la période de prise, quelle que soit l’origine de cette acquisition de congés (maladie, temps de travail effectif, ATMP, etc.) ;
3. Et bien évidemment, cela va sans dire, il faut que le salarié ait eu un arrêt de travail pour maladie ou un accident de travail ou maladie professionnelle (ou même un accident de trajet) ! En tout état de cause, un arrêt de travail ayant empêché le salarié de prendre tout ou partie des congés acquis.
La notion de période de prise est donc essentielle puisque c’est uniquement s’il reste un solde de congés payés au terme de cette période de prise que le report peut réellement exister.
Le report concerne indistinctement la totalité des congés non pris, que ce soient les congés payés acquis au titre de l’arrêt de travail, les congés conventionnels ou encore les congés acquis au titre du temps de travail effectif antérieurement à l’arrêt de travail.
Cette période de report de 15 mois est un minimum légal, elle peut être augmentée par accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, par accord de branche[20]. Seule la durée du report peut être augmentée par accord : en pratique, il serait donc à priori impossible pour un accord collectif de prévoir que les congés non pris à l’issue du report soient automatiquement payés ou transférés sur un CET/Perco. Malgré tout, il conviendra d’attendre le positionnement de l’administration lors du dépôt de ces accords collectifs voire des juges en cas de litiges.
Au-delà de ces 15 mois de report, si le salarié n’a pas pris la totalité des congés payés reportés alors qu’il est revenu normalement dans l’entreprise, ils sont perdus[21].
Le point de départ de la période de report : la délivrance de l’information par l’employeur
La rédaction de l’article L. 3141-19-1 du Code du travail fait débuter la période de report des congés payés non pris au cours de la période de prise pour cause de maladie ou d’accident à la date à laquelle le salarié reçoit l’information prévue par l’article L. 3141-19-3, soit l’information évoquée supra que l’employeur délivre au salarié au retour de chaque arrêt de travail.
Autrement dit, l’information reçue par le salarié à son retour d’arrêt de travail est essentielle pour que la période de report débute effectivement. Sans cette information, le délai de report de 15 mois ne commence pas à courir ! Si l’employeur délivre l’information deux mois après la reprise de travail du salarié, alors le point de départ du délai de report de 15 mois serait deux mois après la reprise du travail, ce qui décalerait d’autant le terme du report[22].
Même s’il n’y a pas de sanction attachée au non-respect de cette information, l’employeur a tout intérêt à la délivrer le plus rapidement possible, y compris si in fine le salarié n’en a pas besoin (parce qu’il a réussi à prendre tous ses congés payés avant le terme de la période de prise ou parce que l’arrêt de travail n’a pas eu d’impact sur ses droits à congés), pour que le délai de 15 mois commence alors à courir.
L’exception au point de départ de la période de report : l’absence couvrant toute la période de référence
La loi DDADUE lie intimement le point de départ du délai de report des congés non pris pour cause d’arrêt maladie ou accident à la délivrance de l’information au salarié. Ce lien pose difficultés lorsque les salariés sont en absence longue durée, créant potentiellement un droit aux congés illimités[23] : le salarié n’étant pas revenu, impossible de lui notifier ses droits faisant partir le délai de report.
Pour pallier cette difficulté, l’article L. 3141-19-2 du Code du travail prévoit des dispositions spécifiques pour les salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident (professionnel ou non) depuis au moins un an.
Ainsi, pour les salariés dont l’arrêt de travail pour maladie ou accident (professionnel ou non) dure depuis au moins un an à la date de fin de période d’acquisition, le point de départ du délai de report est fixé à l’achèvement de la fin de période d’acquisition.
Autrement dit, il y a un début de report automatique, quand bien même le salarié est toujours en arrêt de travail au moment où le délai de report commence. Il n’est pas nécessaire de délivrer une information au salarié en arrêt de travail pour que le report commence dans l’hypothèse où l’arrêt de travail dure depuis au moins un an à la date de fin de période d’acquisition.
Il est nécessaire que le salarié soit absent depuis au moins une année à la date de fin de période d’acquisition : ce n’est donc pas la durée totale de l’arrêt qui compte ! Il faut regarder période d’acquisition par période d’acquisition si à la fin de chacune de celles-ci, l’absence est au moins égale à une année pour savoir s’il y a report automatique ou non.
Même s’il traite de la longue absence du salarié et du point de départ automatique de la période de report, l’article L. 3141-19-2 prévoit le retour d’une longue absence pour le salarié.
Il est ainsi prévu qu’au moment de la reprise du travail, si la période de report n’a pas expiré, celle-ci soit suspendue jusqu’à la date à laquelle le salarié reçoit les informations prévues par l’article L. 3141-19-3 (soit en pratique les informations relatives au nombre des congés payés et à la date pour les prendre).
Il s’agit bien d’une suspension de la période de référence : elle ne recommence pas à courir dans son intégralité, seulement pour le solde restant.
Schémas
Si on détaille le schéma de l’arrêt maladie < 1 an « textuellement », dans une entreprise où la période d’acquisition des congés payés court du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1 et la période de prise du 1er mai de l’année N+1 au 30 avril de l’année N+2. En pratique, les congés acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 pourront être pris du 1er mai 2024 au 30 avril 2025.
Le salarié travaille du lundi au samedi sur toute la période d’acquisition (PA) #1 du 1er juin 2023 au 31 mai 2024, il a acquis la totalité de ses jours de congés payés (soit 30 jours ouvrables) à prendre à partir du 1er mai 2024.
Sur la période d’acquisition (PA) #2, qui court du 1er juin 2024 au 31 mai 2025, le salarié travaille normalement (toujours du lundi au samedi) jusqu’au 9 septembre 2024 inclus. Il est en arrêt de travail du 10 septembre 2024 au 20 septembre 2024 pour maladie non professionnelle.
Lors de sa reprise, l’employeur se conforme immédiatement à sa nouvelle obligation d’information fixée par l’article L. 3141-19-3 du Code du travail et délivre au salarié l’information sur l’état de ses droits à congés au 23 septembre 2024. Dans cette information du 23 septembre 2024, l’employeur informe le salarié :
- Des droits en cours d’acquisition au titre de la PA#2, en l’occurrence, le salarié a travaillé 84 jours ouvrables depuis le début de la période de référence. Soit 84 jours / 24 jours ouvrables = 3,5 paquets * 2,5 jours ouvrables de congés = 8,75 jours ouvrables de congés. Et au titre de la maladie : 11 jours ouvrables / 24 jours ouvrables = 0,46 paquet * 2 jours ouvrables au titre de la maladie = 0,92 jours ouvrables de congés au titre de la maladie. Soit au « total » = 8,75 + 0,92 = 9,67 jours ouvrables de congés au titre de la PA#2. C’est cette information de 9,67 jours ouvrables de congés qui sera reportée sur l’information du 23 septembre 2024.
- Des droits acquis au titre de la PA#1 dont la période de prise a débuté au 1er mai 2024. En partant du postulat que le salarié a posé 3 semaines de congés payés durant l’été du 15 juillet 2024 au 3 août 2024, soit 18 jours ouvrables déjà pris. Le solde des CP2 au titre de la PA#1 non pris est donc de 12 jours ouvrables. Cette information de 12 jours ouvrables au titre des CP2 sera reportée sur l’information délivrée par l’employeur le 23 septembre 2024.
- Sur les dates de report : les droits liés à la PA#1 bénéficient du délai de report de 15 mois à compter de la date d’information, s’ils ne sont pas soldés avant la fin de la période de prise classique au 31 mai 2025. Le délai de 15 mois commence malgré tout à courir à compter du 23 septembre 2024, soit jusqu’au 23 décembre 2025.
- Les droits liés à la PA#2 ne sont pas concernés par le report parce que la période de prise de ces congés commence le 1er mai 2025. Le salarié n’est donc pas, au 23 septembre 2024, dans l’impossibilité de prendre ces congés du fait de l’arrêt maladie.
Autrement dit, l’information est indicative à la date du 23 septembre 2024.
L’année 2024 se poursuit, et le salarié est de nouveau en arrêt maladie non professionnelle du 2 décembre 2024 au 3 avril 2025 inclus. Il reprend le travail le 4 avril 2025 jusqu’à la fin de la période de référence classiquement. Au retour du salarié, l’employeur se conforme à son obligation d’information au 4 avril 2025. Dans cette information du 4 avril 2025, il y a les éléments suivants :
- Des droits en cours d’acquisition au titre de la PA#2, en l’occurrence, le salarié a travaillé 143 jours ouvrables depuis le début de la période de référence. Soit 143 jours / 24 jours ouvrables = 5,9583 paquets * 2,5 jours ouvrables de congés = 14,90 jours ouvrables de congés. Et au titre de la maladie : 115 jours ouvrables / 24 jours ouvrables = 4,79 paquets * 2 jours ouvrables au titre de la maladie = 9,58 jours ouvrables de congés au titre de la maladie. Soit au « total » = 14,90 + 9,58 = 24,48 jours ouvrables de congés au titre de la PA#2. C’est cette information de 24,48 jours ouvrables de congés qui sera reportée sur l’information du 4 avril 2025, différente donc de l’information faite au 23 septembre 2024 !
- Des droits acquis au titre de la PA#1 dont la période de prise a débuté au 1er mai 2024. En partant du postulat que le salarié a posé 3 semaines de congés payés durant l’été du 15 juillet 2024 au 3 août 2024 et une semaine de congés payés du 28 octobre 2024 au 2 novembre 2024, soit un total de 18 + 5 = 23 jours ouvrables de congés payés déjà pris. Le solde des CP2 au titre de la PA#1 non pris est donc de 7 jours ouvrables. Cette information de 7 jours ouvrables au titre des CP2 sera reportée sur l’information délivrée par l’employeur le 4 avril 2025, différente de l’information donnée le 23 septembre 2024.
- Sur les dates de report : les droits liés à la PA#1 bénéficient du délai de report de 15 mois à compter de la date d’information, s’ils ne sont pas soldés avant la fin de la période de prise classique au 31 mai 2025. Le délai de 15 mois de report des 7 jours ouvrables commence malgré tout à courir à compter du 4 avril 2025, soit jusqu’au 4 juillet 2026.
- Les droits liés à la PA#2 ne sont toujours pas concernés par le report parce que la période de prise de ces congés commence le 1er mai 2025. Le salarié n’est donc pas, au 4 avril 2025, dans l’impossibilité de prendre ces congés du fait de l’arrêt maladie.
Là encore, l’information donnée le 4 avril 2025 n’est qu’indicative et le report effectif dépendra du solde réel des droits à la fin de la période de prise au 31 mai 2025.
Si le salarié ne pose pas les 7 jours ouvrables liés à la PA#1 avant le 31 mai 2025, les droits ne sont pas perdus. Ils peuvent être pris jusqu’au 4 juillet 2026. En revanche, si le salarié pose les 7 jours avant le 31 mai 2025, le report ne verra donc jamais le jour et l’information donnée par l’employeur, que ce soit au 23 septembre 2024 ou au 4 avril 2025, aura donc uniquement servi à donner l’information sur les droits à congés du salarié.
Si on détaille le schéma de l’arrêt maladie > 1 an « textuellement », dans une entreprise où la période d’acquisition des congés payés court du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1 et la période de prise du 1er mai de l’année N+1 au 30 avril de l’année N+2. En pratique, les congés acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 pourront être pris du 1er mai 2024 au 30 avril 2025.
Le salarié travaille du lundi au samedi sur la période d’acquisition (PA) #1 du 1er juin 2023 au 31 mai 2024, il est en arrêt de travail à compter du 3 février 2024.
Sur la période d’acquisition (PA) #2, qui court du 1er juin 2024 au 31 mai 2025, le salarié est en arrêt de travail sur la totalité de la période d’acquisition. Conformément à l’article L. 3141-19-2 du Code du travail, pour le salarié est en arrêt de travail depuis au moins un an à la date de fin de période d’acquisition, le point de départ de la période de report lié aux congés payés acquis au titre de sur la PA#2 s’enclenche automatiquement au 1er juin 2025, sans même que le salarié ne soit revenu. Les droits au titre de la PA#2 seront perdus au 31 août 2026 s’il ne revient pas avant le terme de la période de report.
Sur la période d’acquisition (PA) #3, qui court du 1er juin 2025 au 31 mai 2026, le salarié est toujours en arrêt de travail sur la totalité de la période d’acquisition. Conformément à l’article L. 3141-19-2 du Code du travail, pour le salarié est en arrêt de travail depuis au moins un an à la date de fin de période d’acquisition, le point de départ de la période de report lié aux congés payés acquis au titre de sur la PA#3 s’enclenche donc automatiquement au 1er juin 2026, sans même que le salarié ne soit revenu. Les droits au titre de la PA#3 seront perdus au 31 août 2027 s’il ne revient pas avant le terme de la période de report.
Sur la période d’acquisition (PA) #4, qui court du 1er juin 2026 au 31 mai 2027, le salarié est en arrêt de travail jusqu’au 14 avril 2027. Il reprend son travail le 15 avril 2027, ce qui suspend la période de report automatique liée à la PA#3 puisque celle-ci n’était pas échue à la reprise du salarié.
Lors de sa reprise, l’employeur se conforme à sa nouvelle obligation d’information fixée par l’article L. 3141-19-3 du Code du travail et délivre au salarié l’information sur l’état de ses droits à congés au 17 mai 2027. Dans cette information du 17 mai 2027, l’employeur informe le salarié :
- Des droits en cours d’acquisition au titre de la PA#4
- Des droits acquis au titre de la PA#1 dont la période de prise a débuté au 1er mai 2024, date à laquelle le salarié était déjà en arrêt de travail. En revanche, à la date de fin de période d’acquisition de la PA#1, le salarié n’était pas en arrêt de travail depuis au moins un an, il n’y a donc pas eu de point de départ automatique de la période de report (en application de l’article L. 3141-19-2 du C. Trav.). C’est l’information délivrée le 17 mai 2027 qui fera partir le point de départ de la période de report des droits acquis au titre de la PA#1.
- Les droits liés à la PA#2 ont été perdus puisque le salarié n’est pas revenu avant le terme de la période de report. Il semblerait que l’employeur ne soit pas tenu d’informer le salarié à ce titre.
- Des droits acquis au titre de la PA#3 dont la période de prise a débuté au 1er mai 2026. Comme le salarié était en arrêt de travail depuis au moins un an à la date de fin de période d’acquisition des droits liés à la PA#3, le point de départ du report de ces droits a débuté automatiquement au 1er juin 2026. Comme le salarié est revenu avant le terme de cette période de report, celle-ci est interrompue à la date de reprise jusqu’à ce que l’employeur délivre l’information au salarié.
- Sur les dates de report:
- Les droits liés à la PA#1 bénéficient du délai de report de 15 mois à compter de la date d’information, comme ils n’ont pas pu être soldés avant la fin de la période de prise classique (le salarié était déjà en arrêt de travail) au 31 mai 2025. Le délai de 15 mois commence à courir à compter du 17 mai 2027, soit jusqu’au 17 août 2028.
- Les droits liés à la PA#2 ont été perdu au 31 août 2026 du fait de la période de report automatique.
- Les droits liés à la PA#3 bénéficient d’un report qui a débuté le 1er juin 2026 et qui a été suspendu à la reprise du salarié le 15 avril 2027. Il reste 4 mois et demi de période de report, qui se ré-enclenche à compter de l’information du salarié le 17 mai 2027. Le salarié a donc jusqu’au 30 septembre 2027 pour prendre les droits liés à la PA#3.
- Les droits liés à la PA#4 ne sont pas concernés par le report parce que la période de prise de ces congés ouvre le 1er mai 2027. Le salarié dispose de la totalité de la période de prise (qui court jusqu’au 30 avril 2028) pour prendre les droits liés à la PA#4.
Les questionnements soulevés par les nouvelles dispositions du report
Ces nouvelles dispositions sur le report des congés soulèvent des questions d’interprétation, comme :
- La non-délivrance de l’information (ou une délivrance tardive) au retour d’arrêt de travail du salarié décale-t-elle seulement le point de départ du délai de report de 15 mois ou rend-elle inopposable au salarié ce délai de report de 15 mois (impliquant qu’il puisse prendre les congés sans limitation temporelle) ?
- Le report de 15 mois porte-t-il sur la totalité des congés payés acquis n’ayant pas pu être pris (quelle que soit l’origine de leur acquisition) ?
- Comment doit-on articuler l’information délivrée au retour de l’arrêt de travail indiquant un éventuel report des congés payés jusqu’à une date définie si, finalement, le salarié a posé tous ses congés ? A notre sens, l’information ne peut être qu’indicative puisque plusieurs paramètres sont à prendre en considération, paramètres qui ne sont potentiellement pas connus au moment où le salarié revient (application des règles d’équivalence d’acquisition des congés payés aboutissant à une neutralisation de l’absence maladie sur les droits à congés payés ou encore le solde de congés restant à poser par le salarié à la fin de la période de prise).
- Comment doit-on interpréter l’arrêt de travail du salarié pendant la période de report l’empêchant d’utiliser les congés payés reportés par un premier arrêt ?
- L’employeur doit-il informer le salarié lors de sa reprise des jours de congés ayant fait l’objet d’un report automatique qui s’est éteint ? Autrement dit, le salarié a perdu des jours puisque la période de report s’est achevée avant qu’il ne revienne dans l’entreprise.
- Comment doit-on rémunérer les congés payés reportés du fait d’une absence supérieure à un an dans l’hypothèse où il y a une fraction de jours de congés dont le report ne débute qu’à la date d’information ?
Il s’agit ici d’exemples de questions envoyées aux services de la DGT et du Ministère du travail concernant le report des congés payés et l’information du salarié à son retour d’arrêt de travail.
A défaut de réponse ou de positionnement explicite de l’administration et face à l’impact de ces évolutions sur les processus et systèmes de paie, il est probable que des positionnements ou options ADP soient pris, pour se conformer au mieux aux obligations liées au report des congés payés.
Elodie Chailloux
Responsable Veille légale et DSN
[1] Loi n°2024-364 du 22 avril 2024, JO du 23, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (dit DDADUE) : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2024/4/22/2024-364/jo/texte
[2] https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/maladie-et-conges-payes-retour-sur-les-jurisprudences.aspx
[3] https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/maladie-et-conges-payes.aspx
[4] https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/au-gouvernement/avis-portant-sur-la-mise-en-conformite-des-dispositions-du-code-du-travail-en-matiere-d-acquisition-de-conges-pendant-les-periodes-d-arret-maladie
[5] Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, JO du 9, art 8
[6] C. Trav. art L. 3141-13
[7] Convention collective nationale du 15 décembre 1987 des bureaux d’études techniques – cabinets d’ingénieurs conseils – sociétés de conseils, modifiée, art 5.3
[8] Convention collective nationale unique du 7 février 2022 de la métallurgie, modifiée, art 83 et 85
[9] C. Trav. art D. 3141-5
[10] C. Trav. art L. 2312-26
[11] C. Trav. art L. 3141-15
[12] L’accord collectif d’entreprise ou d’établissement n’est pas tenu de respecter les critères fixés par l’accord de branche pour déterminer l’ordre des départs en congés payés, ni même ceux fixés par le Code du travail qui s’appliquent à défaut d’accord collectif, sous réserve toutefois que les critères retenus ne soient pas discriminatoires.
[13] L’employeur doit alors prendre en compte les critères suivants pour définir l’ordre des départs : la situation de famille des bénéficiaires, notamment les possibilités de congé dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire lié par un PACS ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie, de la durée de leurs services chez l’employeur, de leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs.
[14] C. trav. art D. 3141-6
[15] C. Trav. art L. 3141-14, étant précisé qu’il s’agit d’un droit pour les salariés et non d’une obligation, l’employeur ne pouvant imposer au couple la prise simultanée des congés.
[16] C. Trav. art L. 3141-16
[17] En cas de capitalisation en vue de bénéficier d’un congé sabbatique ou pour création d’entreprise (C. Trav. art L. 3142-100), capitalisation sur un compte épargne temps (C. Trav. art L. 3151-2-100), report prévu par un accord collectif organisant un décompte annuel de la durée du travail (C. Trav. art L. 3141-22), report en cas de maternité ou d’adoption (C. Trav. art L. 3141-2), de congé paternité et d’accueil de l’enfant (C. Trav. art L. 1225-35-2), de congé parental d’éducation (C. Trav. art L. 1225-47 et L. 1225-54 ; Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-14.043 FPB), d’accident du travail ou maladie professionnelle (Cass. Soc. 27 septembre 2007, n°05.42-293, BC V n°147 ; Cass. Soc. 16 février 2012, n°10-21.300, BC V n°75) ou de congé de présence parentale (C. Trav. art L. 1225-65
[18] C. Trav. Art L. 3141-22
[19] C. Trav. Art L. 3141-19-2
[20] C. Trav. Art L. 3141-21-1, à noter qu’il convient d’articuler cette nouvelle durée avec les dispositions conventionnelles d’ores-et-déjà existantes.
[21] Sous réserve de l’interprétation souveraine des tribunaux dans de futurs litiges, à l’exception vraisemblablement du cas où le salarié aurait été de nouveau en arrêt de travail l’empêchant de prendre les congés payés, au regard de l’interprétation donnée par les éditeurs juridiques à l’arrêt CJCE 10 septembre 2009, Vicente Pereda, C-277/08.
[22] Il est à noter que certains avocats ont une interprétation davantage restrictive : si l’employeur ne respecte pas le délai d’un mois, alors ce délai ne serait pas opposable au salarié, ce qui impliquerait que le salarié puisse reporter sans délai aucun les jours de congés non pris. Il conviendra d’attendre l’interprétation des juges sur ce point.
[23] La jurisprudence européenne (CJUE, 22 novembre 2011, KHS, aff. C-214/10 ; CJUE, 9 novembre 2023, Keolis Agen, aff. C-271/22 à C-275/11) et le Conseil d’Etat dans son avis du 13 mars 2024 (CE, avis consultatif du 13 mars 2024, Considérant n°40) se refusent à conférer au salarié un droit illimité à report des congés payés. La finalité des congés payés est de pouvoir les prendre.