analyse

Nouvelles précisions relatives à la réforme d’assurance chômage

Un nouveau décret portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage a été publié au Journal Officiel du 31 mars 2021[1]. Ce texte reprend la réforme de l’assurance chômage en tenant compte d’adaptations prévues en raison de la crise sanitaire. Depuis 2019, le règlement d’assurance chômage a été mis à jour des différentes évolutions initiées par deux décrets du 26 juillet 2019[2]. Cette réforme a été marquée par plusieurs volets dont les dates d’entrée en vigueur étaient différentes. Nous avions détaillé ces mesures à l’occasion un précédent article en octobre 2019.

En particulier, les mesures relatives à la modification du salaire de référence pour le calcul de l’allocation d’aide au retour à l’emploi devaient entrer en vigueur le 1er avril 2020. Cela étant, la crise sanitaire a entrainé des reports successifs de l’application de ces mesures. Un décret du 30 mars 2021 précise ces évolutions relatives au nouveau calcul du salaire journalier de référence, à la durée d’indemnisation et au dispositif de bonus-malus sur les contributions patronales d’assurance chômage.

La prochaine échéance étant fixée au 1er juillet 2021, cet article est l’occasion de revenir sur le contexte de réforme de cette nouvelle convention Unédic dont certaines mesures ont été pour partie retoquées par le Conseil d’Etat en novembre 2020[3].

Des corrections à la réforme d’assurance chômage imposées par le Conseil d’Etat

Calcul du salaire de référence journalier censuré par le Conseil d’Etat

Traditionnellement, le salaire de référence était établi « à partir des rémunérations des 12 mois civils précédant le dernier jour travaillé et payé à l’intéressé » (article 11 du règlement de 2017).

A titre de rappel, le nouveau règlement de 2019 prévoit un allongement de la période de référence appréciée pour le calcul des rémunérations prises en compte pour l’ouverture et le calcul des droits aux allocations (article 11 règlement de 2019) :

  • 24 mois qui précèdent la fin du contrat pour les salariés âgés de moins de 53 ans à la date de fin de leur contrat de travail ;
  • 36 mois qui précèdent la fin du contrat pour les salariés âgés de 53 ans et plus à la date de fin de leur contrat.

Par ailleurs, le calcul du salaire journalier moyen de référence (SJMR) a été revu comme suit par ce nouveau règlement (article 13) :

Salaire de référence / Nombre de jours calendaires

La détermination du nombre de jours calendaires se fait en déduisant du nombre de jours total de la période « les jours calendaires correspondant aux périodes pour lesquelles les rémunérations ne sont pas prises en compte dans le salaire de référence ». En somme, il s’agit par exemple des périodes de maladie, paternité, ayant donné lieu à une activité réduite.

Autrement dit, ces nouvelles règles prennent en compte les jours travaillés et non travaillés pour le calcul du salaire journalier de référence. Ce qui est inédit, puisque le règlement de 2017 prévoyait uniquement la prise en compte des jours travaillés au cours de la période de référence.

Néanmoins, le Conseil d’Etat[4] a annulé cette disposition considérant qu’elle porte atteinte au principe d’égalité. En effet, ce dernier a relevé que ces changements seraient susceptibles d’entraîner une variation « du simple au quadruple » du montant du salaire journalier de référence pour un même nombre d’heures de travail, selon la répartition des périodes d’emploi au cours de la période de référence. En pratique, cela pénaliserait de manière significative les allocataires travaillant de manière discontinue. C’est pourquoi le Conseil d’Etat condamne « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de l’intérêt général poursuivi ».

Lorsque le Conseil d’Etat a rendu son arrêt en novembre 2020, ces nouvelles règes n’étaient pas encore applicables. Leur entrée en vigueur était alors fixée au 1er avril 2021. En tout état de cause, le Ministère du travail avait informé à travers un communiqué de presse du 25 novembre, avoir pris acte de cette décision et poursuivre les négociations avec les partenaires sociaux afin de d’adapter les mesures sur ce sujet.

Dispositif du bonus-malus annulé par le Conseil d’Etat

Cette modulation de la contribution patronale avait été initiée dans le cadre de la loi « avenir professionnel » en septembre 2018[5]. Le dispositif de bonus-malus appliqué sur la contribution patronale chômage en fonction du nombre de fin de contrats, faisait écho à la volonté du Gouvernement de favoriser l’emploi stable et de limiter le recours aux contrats dits « précaires », en somme les contrats courts.  

Ainsi, pour les entreprises de 11 salariés et plus des secteurs d’activité dont le taux de séparation médian est supérieur à un seuil fixé par un arrêté du Ministre chargé de l’emploi, le taux de la contribution patronale (4,05%) pourra être diminué (bonus) ou augmenté (malus) en fonction du nombre de fin de contrat donnant lieu à une inscription sur la liste des demandeurs d’emploi (articles 50-2 à 51 du règlement 2019).

Son entrée en vigueur était initialement fixée à compter du 1er mars 2021.

Cependant, les modalités d’application du bonus-malus devaient être fixées par des arrêtés ministériels, parmi lesquelles sont visées précisément ici, le taux de séparation moyen au-delà duquel un secteur est soumis au bonus-malus ainsi que les secteurs d’activités concernés. Selon le Conseil d’état, ces mesures doivent faire l’objet, non pas d’un arrêté, mais d’un décret.

Ce point de procédure a remis en question l’application de tout le dispositif de bonus-malus de la contribution d’assurance chômage. A titre d’exemple, l’arrêté du 27 novembre 2019 qui a fixé à 150 % ce taux de séparation moyen et listé les 7 secteurs d’activité soumis au bonus-malus a été déclaré illégal[6]Considérant que les dispositions de l’article 50-3 du nouveau règlement d’assurance chômage ne sont pas divisibles des autres dispositions relatives au bonus-malus, c’est l’ensemble des mesures relatives à cette modulation de la contribution patronale qui a été annulé[7].

Depuis, cette réforme a été amendée sur plusieurs points par le décret du 30 mars 2021.

Les évolutions de la réforme d’assurance chômage introduites par le décret du 30 mars 2021

Le plafonnement des périodes d’inactivité pour le calcul du salaire journalier

Le Conseil d’Etat ayant remis en cause les modalités de calcul du salaire journalier de référence, le décret a réaménagé ces mesures en instaurant un plafond sur ces périodes d’inactivité. Concrètement, il s’agit d’un plafonnement des périodes d’inactivité prises en compte au diviseur du salaire journalier de référence qui ne pourront être supérieures à 75% du nombre de jours d’activité de l’intéressé. Autrement dit, les périodes d’inactivité du salarié continuent à être prises en compte pour le calcul du droit et pour les modalités de détermination de la durée d’indemnisation, conformément à l’esprit initial de la réforme. Cela étant, elles ne peuvent pas dépasser une certaine proportion des périodes d’activité de l’intéressé.

Par conséquent, la durée d’indemnisation sera égale à la somme des jours travaillés et des jours non travaillés sur la période de référence (24 ou 36 derniers mois). Les jours non travaillés au cours de cette période, ne pourront être retenus qu’à hauteur de 75% des jours travaillés.

Selon l’Unédic, ce plafonnement des jours non travaillés pris en compte au diviseur assure « un plancher de 57% du salaire journalier de référence », permettant ainsi de « limiter la baisse du salaire journalier de référence à 43% maximum par rapport au calcul actuel prévu par le règlement d’assurance chômage de 2017 ». En pratique, « le plafond joue uniquement si le demandeur d’emploi a travaillé moins de 57 % du temps entre le 1er et le dernier jour d’emploi inclus dans la période de référence » (24 ou 36 derniers mois).

L’Unédic donne l’exemple suivant : pour 100 jours sur lesquels est calculé le SJR, un salaire a été perçu sur un minimum de 57 jours. (En effet, 57 jours d’affiliation majorés de 75 % = 100 jours de diviseur plafond).

Par ailleurs, le décret prévoit également la neutralisation de certaines périodes dans les rémunérations retenues pour le calcul du salaire journalier. Cette neutralisation sera automatique en cas de survenance d’activité partielle au cours de la période de référence. Elle sera effectuée sur demande de l’allocataire au titre des périodes de congé de proche aidant, congé de mobilité et congé de reclassement. En outre, sont exclues de la détermination du salaire de référence, les périodes de maladie >15 jours, accident de travail, maladie professionnelle, maternité, paternité, adoption, ainsi que certaines périodes de formation.

Enfin, le décret précise que seront également neutralisées, les périodes d’inactivité correspondant à la seconde période de crise sanitaire (du 30 octobre 2020 et une date fixée par arrêté à paraître).

Ces nouvelles mesures réaménagées relatives au calcul du salaire journalier de référence entreront en vigueur pour les ruptures de contrat intervenues à compter du 1er juillet 2021. Cela signifie que les règles correspondantes issues du règlement de 2017 continuent de s’appliquer jusqu’au 30 juin 2021.

Les aménagements au bonus-malus

Le décret du 30 mars dernier rétablit et aménage la modulation de la contribution patronale d’assurance chômage. Les fins de contrats intervenues à compter du 1er juillet 2021 seront prises en compte dans le calcul qui sera appliqué pour les périodes d’emploi courant à partir du 1er septembre 2022.

Ainsi, le taux de séparation de l’entreprise sera calculé au regard du nombre de ruptures lui étant imputées sur la période comprise entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.

Le taux de séparation de l’entreprise correspond au ratio entre d’une part, le nombre de fins de contrat de travail et de missions d’intérim (hors démissions, fins de contrat d’apprentissage et de professionnalisation notamment), suivies dans les trois mois d’une inscription à Pôle emploi de l’ancien salarié ou intérimaire, ou intervenues alors qu’il y était déjà inscrit, d’autre part, l’effectif annuel de l’entreprise.

Ce taux est comparé au taux de séparation médian du secteur d’activité. Ce dernier correspond à la médiane des taux de séparation des entreprises du secteur considéré, pondérés par leur masse salariale.

En l’état actuel des textes, cette première période d’application du bonus-malus est prévue jusqu’au 31 octobre 2022. En effet, le décret du 26 juillet 2019 par lequel la mesure a été introduite prend fin le 1er novembre 2022. Par conséquent, il faudra un nouveau décret pour prendre le relais et assurer que cette modulation s’inscrive dans la durée.

Rappelons que la mesure est réservée aux entreprises employant au moins 11 salariés et appartenant à l’un des secteurs d’activité visé par arrêté ministériel. En principe, la condition d’effectif est appréciée sur la base des modalités de calcul prévues par le code de la sécurité sociale (CSS art. L. 130-1 et R.130-1). Cela étant, le présent décret prévoir pour la première année d’application de la mesure, que l’effectif sera déterminé en calculant la moyenne des salariés employés au cours de chacun des mois compris entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.

Par ailleurs, tenant compte des conséquences de la crise sanitaire, pour la première période d’application du bonus-malus, le décret exclut une liste de 78 secteurs d’activités les plus touchés par les restrictions. En pratique, ils correspondent aux secteurs protégés éligibles au fonds de solidarité[8]. L’objectif de cet aménagement est de ne pas pénaliser davantage ces entreprises particulièrement impactées par les restrictions de ces derniers mois.  

Actuellement il est à noter que des concertations se poursuivent entre les partenaires sociaux à la suite de la publication de ce décret du 30 mars. Plusieurs organisations syndicales contestent certains points de la réforme. La Ministre du travail a confirmé le 19 avril dernier l’apport de correctifs sur ce texte, en particulier portant sur la prise en compte des périodes d’inactivité.

Loyce Guillet

Consultante Droit social

 

[1] Décret n°2021-346 du 30 mars, JO 31

[2] Décrets n°2919-796 et 2019-797 du 26 juillet 2019, JO du 28, relatif aux nouveaux droits à indemnisation, à diverses mesures relatives aux travailleurs privés d’emploi et à l’expérimentation d’un journal de la recherche d’emploi et relatif au régime d’assurance chômage

[3] CE, 25 novembre 2020, n° 434920

[4]  CE, 25 novembre 2020, n° 434920

[5] Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018, JO du 6

[6] Arrêté du 27 novembre 2019, JO 4 décembre, texte 17

[7]Articles 50-2 à 31 du règlement d’assurance chômage

[8] liste S1 du décret 2020-371 du 30 mars 2020 modifié, annexe 1

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