Juillet - Août 2022

Les vacances scolaires approchant, de nombreuses entreprises voient des jeunes, parfois mineurs, intégrer leur structure pour l’été. Or, si les règles de droit commun, prévues notamment par le Code du travail, s’appliquent à l’embauche des salariés de moins de 18 ans comme à celles des autres salariés, il ne faut pas oublier que l’embauche des salariés mineurs est encadrée par des dispositions spécifiques, variant notamment selon l’âge de ces derniers…

Revue de détails.

Principe

Certaines entreprises sont amenées à embaucher des jeunes âgés de moins de 18 ans pour des « job d’été », durant les vacances scolaires ou universitaires. Par exemple, il n’est pas rare que des CDD soient conclus durant les mois d’été pour remplacer les salariés permanents absents durant cette période.

Certaines branches d’activité prévoient expressément ce type de contrat : c’est notamment le cas de la Convention collective nationale de la banque qui a l’habitude de recruter des jeunes en cours de scolarité pendant les vacances scolaires ou universitaires avec les contrats d’auxiliaire de vacances (Article 20 de la CCN).

Attention : il sera ici sujet uniquement des contrats de travail relevant du droit commun et non des jeunes en situation d’apprentissage ou titulaires d’un autre contrat d’insertion, ni des stages en entreprise, ni des cas de travail occasionnel en famille, ni des entreprises de spectacle et agence de mannequin.  

A partir de quel âge ?

Les mineurs de moins de 18 ans travaillant en entreprise sont, comme leurs aînés, soumis au droit du travail de droit commun, mais également à des dispositions spécifiques afin de les protéger : 

  • les jeunes d’au moins 16 ans ont la possibilité de travailler sur tout type d’emploi, sauf certains interdits par décret (notamment en raison de leur rythme ou leur dangerosité) ; 
  • les jeunes âgés de 14 ans à moins de 16 ans, quant à eux, ne peuvent en principe pas travailler. Cependant, le Code du travail prévoit différentes exceptions, comme notamment le travail durant les vacances scolaires. (art. L 4153-3 du Code du travail).

Un jeune embauché en CDD durant les vacances scolaires, même mineur, est un salarié à part entière de l’entreprise et doit bénéficier de l’ensemble de la législation du travail. Son CDD doit être soumis à l’ensemble des règles applicables à ce type de contrat.

Les formalités d’embauche sont également identiques : DPAE, inscription sur le registre du personnel, etc. Néanmoins, les jeunes travailleurs de moins de 18 ans doivent impérativement effectuer la visite d’information et de prévention réalisée par la médecine du travail, avant toute affection sur leur poste de travail. (Art L. 4624-1 et R. 4624-18 du Code du travail).

Attention : les dispositions relatives au travail des jeunes pendant les vacances scolaires ne sont pas applicables dans les établissements où ne sont employés que les membres de la famille sous l’autorité du père, de la mère ou du tuteur, dès lors que les mineurs de moins de 16 ans effectuent uniquement des travaux occasionnels ou des travaux de courte durée qui ne présentent aucun risque pour leur santé ou leur sécurité (art. L.4153-5 du Code du travail).

Un formalisme renforcé ?

Travail… sous conditions

Si les jeunes sont autorisés à travailler à partir de 14 ans révolus pendant les vacances scolaires, les employeurs souhaitant embaucher des mineurs âgés de 14 à 16 ans doivent respecter certaines conditions :

  • les jeunes doivent assurer des travaux légers adaptés à leur âge, non susceptible de porter préjudice à leur sécurité, leur santé ou leur développement (art. D4153-4 du Code du travail) ;
  • ces travaux doivent se dérouler durant les périodes de vacances scolaires comportant au moins 14 jours ouvrables ou non (art. D.4153-2 du Code du travail) ;
  • les jeunes doivent se voir assurer un repos effectif d’une durée au moins égale à la moitié de la durée totale desdites vacances (art. D4153-2 du Code du travail).


Travail… sous autorisation

L’embauche d’un mineur de 14 à 16 ans durant les vacances scolaires nécessite l’accord de l’inspection du travail. Tout employeur envisageant d’employer un tel mineur devra adresser une demande écrite à l’inspection du travail au moins 15 jours avant la date d’embauche comportant (art. D4153-5 du Code du travail) :

  • les noms, prénoms, âge et domicile du mineur ;
  • la durée de son contrat de travail ;
  • la nature et les conditions de travail envisagées ;
  • l’horaire de travail ;
  • le montant de la rémunération ;
  • l’accord écrit et signé du représentant légal. 

Cette autorisation est réputée accordée en l’absence de refus motivé de la part de l’inspecteur dans un délai de 8 jours francs à compter de l’envoi de la demande, le cachet de la poste faisant foi. (art R4153-6 du Code du travail). Cet accord peut également être donné, lorsque, toujours dans un délai de 8 jours, l’employeur respecte les obligations qui résultent des éventuelles modifications dans le libellé de la demande qui lui ont été réclamées par l’inspecteur du travail.

Attention, notez toutefois que l’autorisation de l’inspecteur du travail peut être retirée à tout moment s’il est constaté que le jeune est employé dans des conditions non conformes à l’autorisation ou bien en méconnaissance des dispositions du code du travail (art. D.4153-7 du Code du travail).

Ces demandes d’autorisation ne concernent cependant pas les jeunes travaillant dans des établissements familiaux ou au service de particuliers pour des postes d’employés de maison (babysitting etc.).

Si l’embauche peut être effectuée dès le début des vacances scolaires, il ne faut cependant pas être tenter d’agir trop rapidement : en effet, tout manquement à ces obligations légales est passible de sanctions pénales (art. R.4743-5 du Code du travail). 

Des conditions de travail adaptées

Si l’embauche de ces jeunes de moins de 18 ans se déroulent dans les circonstances de droit commun, ces derniers bénéficient de conditions de travail adaptées à leur âge :

Repos quotidien : durée minimale de 14 heures pour les moins de 16 ans et de 12 heures pour les jeunes âgés de 16 à 17 ans, contre 11 heures habituellement (art. L.3164-1 et L.3131-1 du Code du travail).

Repos hebdomadaire : les jeunes travailleurs doivent bénéficier de deux jours de repos consécutifs par semaine (art. L. 3164) contre un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives pour les aînés (art. L. 3132-2 du Code du travail).

Durée du travail : la durée du travail du jeune âgé de 14 à 16 ans ne peut pas dépasser les 35 heures par semaine ni 7 heures par jour (8 heures par jour pour les salariés âgés de plus de 16 ans) (art. L3162-1 du Code du travail).

Travail de nuit : travail interdit entre 20 heures et 6 heures pour les jeunes de moins de 16 ans et de 22 heures et 6 heures pour les jeunes de 16 et 17 ans (art L. 3163-1 et L. 3163-2 du Code du travail).

Jours fériés : il n’est en principe pas possible de faire travailler les salariés de moins de 18 ans les jours fériés légaux (art. L.3164-6 du Code du travail) même s’il est possible d’y déroger dans certains secteurs où un accord collectif d’entreprise ou de branche en prévoir autrement, sous réserve que ces jeunes bénéficient d’au moins 36 heures de repos consécutives (art. L.3164-8 du Code du travail).

Travaux interdits : les travailleurs de moins de 18 ans ne peut pas être employés pour effectuer certaines catégories de travaux les exposant à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou excédant leur force. La liste des travaux leur étant interdits est fixée par le Code du travail, aux articles D.4153-15 et suivants.

Notez que lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail constate qu’un jeune travailleur est affecté à un ou plusieurs travaux interdits, ce dernier doit immédiatement le retirer de son affectation (art. L.4733-2 du Code du travail).

Cette décision, écrite et d’application immédiate, doit être remise en main propre contre décharge à l’employeur. A défaut, elle devra être adressée d’urgence à l’employeur par tous moyens appropriés et confirmée au plus tard dans le délai d’un jour franc par tout moyen donnant date certaine à sa réception (art R.4733-2 et -3 du Code du travail).

Focus sur la rémunération

La rémunération des salariés mineurs ne peut être inférieure au smic, compte tenu d’un abattement variant en fonction de leur âge :

  • abattement de 20% pour les travailleurs âgés de 14 à 16 ans inclus ;
  • abattement de 10% pour les travailleurs âgés de 17 ans jusqu’à leur 18e anniversaire. 

Cet abattement peut être supprimé lorsque les jeunes travailleurs justifie de 6 mois de pratique professionnelle dans la branche d’activité dont ils relèvent.

Notez que l’obligation pour l’employeur de participer à hauteur de 50% aux titres d’abonnement aux transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos souscrits par les salariés dans le cadre de leur trajets domicile-lieu de travail (art. L.3261-2 du Code du travail) s’applique aussi aux jeunes travailleurs en CDD durant les vacances scolaires.

Versement

S’il est émancipé, le jeune travailleur pourra recevoir directement le salaire. Si ce n’est pas le cas, ce dernier doit en principe recevoir l’autorisation de son représentant légal. Même si cette autorisation peut être tacite, tout employeur a néanmoins intérêt à recueillir cette autorisation par écrit (par simple lettre) afin de se prémunir d’éventuels conflits.

En l’absence d’autorisation, ou si les mineurs ne disposent pas de leur propre compte en banque (comme c’est notamment le cas des jeunes de moins de 16 ans), les salaires seront directement perçus par leurs représentants légaux.

La loi Rixain est venue ajouter de nouvelles mesures concernant le versement du salaire et des prestations sociales pour l’ensemble des salariés. A partir du 26 décembre 2022, lorsqu’un salarié recevra son salaire par virement, cette opération devra impérativement être opérée sur un compte bancaire dont le salarié est titulaire ou cotitulaire (Loi n°2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, article 1).

Si cette loi a été prise dans un objectif de lutter contre l’emprise que peut exercer un tiers sur le salaire d’autrui, cela pose néanmoins des interrogations quant au sort du versement des salaires pour les salariés mineurs, et plus particulièrement pour les jeunes de moins de 16 ans ne pouvant pas détenir de compte bancaire. L’articulation entre les règles entourant les mineurs et le principe de cette loi nécessite encore des éclaircissements.

Régime social

La rémunération touchée par les jeunes travaillant effectuant des travaux légers ou occupant un emploi temporaire en remplacement du personnel en congé annuel durant les vacances scolaires donne lieu au versement des cotisations sociales, de la CSG et de la CRDS dans les conditions de droit commun. (Cass. soc., 7-5-1991 n° 89-10.128)

Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, la base de calcul des cotisations sociales est égale à la rémunération perçue par ces jeunes, c’est-à-dire au smic diminué, le cas échéant, de 20% ou 10%.  En tout état de cause, ces rémunérations ouvrent également droit aux exonérations et allégements de cotisations dans les mêmes conditions que celles perçues par leurs aînés. C’est notamment le cas pour la retraite complémentaire ainsi que pour le chômage (Dir. Unédic 30 du 29-6-1993).

Les entreprises embauchant des jeunes durant les vacances scolaires sont également redevables, pour ces derniers, de la contribution CPF-CDD. Si, jusqu’au 31 décembre 2021, les contrats conclus avec des jeunes au cours de leur cursus universitaire bénéficiaient d’une exonération de la contribution CPF-CDD, ce n’est plus le cas depuis le 1er janvier 2022. Les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation, les CDD saisonniers, les CDD des intermittents du spectacle et les CDD des sportifs restent quant à eux exclus du champ de cette contribution. 

Régime fiscal

La rémunération perçue par les jeunes salariés, y compris travaillant en CDD durant les vacances scolaires, sont passibles de l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun des traitements et salaires.

Les personnes âgées de 25 ans au plus au 1er janvier de l’année N peuvent néanmoins bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu au titre de leurs rémunérations pour des activités exercées durant leurs études scolaires ou universitaires ou exercées durant leurs congés scolaires ou universitaires, dans la limite de 3 fois le montant mensuel du smic. Cette exonération est valable peu important si le jeune est imposable en son nom propre ou s’il est rattaché au foyer fiscal de ses parents ou responsables légaux.

Fin du contrat   

Sort des indemnités de fin de contrat

Une question sensible relative à l’embauche des jeunes durant les vacances scolaires est celle de la fin du contrat de travail et en particulier du sort des indemnités de fin de contrat. Si, au terme de son contrat, le jeune doit recevoir une indemnité de congés payés égale à 10 % de la totalité des salaires perçus pour les congés qu’il a acquis mais non pris, il en est autrement concernant les indemnités de fin de contrat…

En effet, lorsqu’un contrat à durée déterminée est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaire, le Code du travail exclu expressément ces derniers du bénéfice de l’indemnité de fin de contrat (art.L.1243-10 du Code du travail).

Interrogé par la Cour de cassation de la constitutionnalité d’une telle mesure, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision en date du 13 juin 2014, que la différence de traitement entre les jeunes ayant signé un tel contrat et les autres salariés en CDD quant au bénéfice de l’indemnité de fin de contrat, était bien conforme à la constitution. Il a cependant été précisé que cela ne s’appliquait qu’aux élèves et étudiants de moins de 28 ans, affiliés à ce titre obligatoirement aux assurances sociales au titre de leur inscription dans un établissement scolaire ou universitaire (Décision n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014).

Cette décision a plus tard été confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne, considérant que l’exclusion de ces jeunes du droit à l’indemnité de fin de contrat ne méconnaissait pas le principe européen de non-discrimination en fonction de l’âge (CJUE, 7e ch., 1er oct. 2015, aff. C-432/14).

Pour finir, notez que le non-versement des indemnités de fin de contrat aux jeunes travaillant durant les vacances scolaires ou universitaires n’exonère cependant pas les employeurs d’effectuer l’ensemble des autres formalités inhérentes à la fin d’un contrat de travail, comme le versement du solde de tout compte, l’établissement de l’attestation pôle emploi, etc.

 

 

Pauline BUNEL

Juriste Droit Social