Le télétravail est un mode d'organisation dans lequel le salarié accomplit son travail hors des locaux de son employeur de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication pour des fonctions qui auraient pu être exercées dans ces mêmes locaux.[1]

Lorsqu’il effectue du télétravail, le salarié peut engager divers frais. A l’origine, la prise en charge de ces frais par l’employeur était une obligation générale, posée par la jurisprudence.[2]

Depuis le 24.09.2017, le Code du travail ne prévoit plus de règle expresse imposant à l’employeur de prendre en charge des coûts liés au télétravail. Toutefois, en cas d’accord collectif ou de charte, ceux-ci doivent définir les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l’exercice « régulier » du télétravail exercé « à la demande de l’employeur ».[3]

En outre, en matière de frais professionnels, la jurisprudence pose tout de même le principe selon lequel les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.[4]

En tout état de cause, les employeurs relevant de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 sur le télétravail doivent continuer à prendre en compte ses dispositions et notamment celles imposant la fourniture, l’installation et l’entretien des équipements nécessaires au télétravail. L’ANI prévoit en effet que « L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications. ».[5]

Ainsi, bien que la prise en charge des frais liés au télétravail par l’employeur ne soit pas imposée par les textes législatifs, il ressort de ces éléments que les dépenses du télétravailleur liées à l’exercice de sa profession relève de la catégorie des frais professionnels devant de ce fait être supportés par l’employeur. 

Cela s’explique également par le fait qu’un télétravailleur dispose des mêmes droits qu’un salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise, principe rappelé dans le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale.[6]

Commençons par rappeler le principe de remboursement des frais de télétravail sur la base des dépenses réelles (1), avant de faire le point sur les indemnités forfaitaires et les nouvelles mesures adoptées par le BOSS (2)

Le remboursement des frais de télétravail sur la base des dépenses réelles

Le remboursement au réel, principe toujours en vigueur

Initialement, les indemnités versées dans le cadre du télétravail étaient considérées comme des frais professionnels exonérés de cotisations sociales et d’impôts exclusivement lorsqu’elles étaient versées sur la base des dépenses réelles sous présentation de justificatifs.

Cette méthode de prise en charge est encore en vigueur et peut toujours être pratiquée en entreprise.

En effet, le BOSS a repris les précisions issues des circulaires prises en application de l'arrêté du 20 décembre 2002[7] sur ce point.[8]

A ce titre, trois catégories de dépenses inhérentes au télétravail peuvent être exclues de l’assiette des cotisations :

  • Les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel ;
  • Les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique
  • Les frais de matériel informatique, de connexion et fournitures diverses

D’autres frais professionnels peuvent être admis. Dans ce cas, il sera à la charge de l’employeur de démontrer qu’il s’agit de frais professionnels liés au télétravail.

L’évaluation des frais réellement engagés

Afin d’évaluer les frais réellement engagés, l’URSSAF a partagé un tableau recensant l’ensemble des dépenses pouvant être liées au télétravail ainsi que le montant pouvant être pris en charge par l’employeur.

Le tableau ci-après décrit donc les modalités d’évaluation des frais considérés comme des frais professionnels et donc exclus de la base de calcul des cotisations (avec un plafonnement de 50 % de certains frais).

NATURE DES FRAIS

EVALUATION DES FRAIS

Les frais fixes

• Loyer
Montant du loyer ou, à défaut de loyer, valeur locative brute

• Taxe habitation.

• Taxe foncière sur les propriétés bâties.

• Taxes régionales, départementales ou communales comme la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères.

• Charges de copropriété.

• Assurance multirisque habitation.

Valeur réelle

Quote-part de l’ensemble des frais fixes réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel au prorata de la superficie totale de l’habitation principale.

Exemple :
Appartement de 70 m² dont 10 m² pour l’usage professionnel.
Le loyer s’élève à 370 €/mois, la taxe d’habitation à 35 €/mois et la prime d’assurance à 15 €/mois.
Le montant des frais déductibles s’élève donc à 420 x 10 / 70 = 60 €.

Les frais variables

• Chauffage et/ou climatisation.

• Electricité.

Valeur réelle

Quote-part des frais variables réellement supportés au titre du local affecté à un usage professionnel.

• Dépenses d’acquisition du mobilier.

• Bureau ergonomique.

• Fauteuil ergonomique.

• Etagères, meubles de rangement.

• Lampe de bureau.

Prêt de mobilier :

• Absence de dépenses supplémentaires du salarié : pas de remboursement de frais possible ;

• Avantage en nature à évaluer sur une base réelle (valeur résiduelle = valeur nette comptable) s’il y a abandon définitif du mobilier au travailleur salarié ou assimilé.

Achat du mobilier par le salarié pour le compte de l’entreprise, le salarié en restant toutefois propriétaire :

• Remboursement des frais exclu de l’assiette dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs.

Frais liés à l’adaptation du local.

Frais de diagnostic de conformité électrique.
Installations de prises (téléphoniques, électriques...)
Modifications liées à la mise en conformité avec la législation du travail.

Valeur réelle :

L’exclusion de l’assiette des cotisations de ces frais est admise sur présentation de la facture (travaux aménagement).

Matériels informatiques et périphériques : ordinateur, imprimante, modem.

Prêt de matériel :

• Absence de dépenses supplémentaires du travailleur salarié ou assimilé, pas de remboursement de frais possible ;

• Avantage en nature à évaluer sur une base réelle (valeur résiduelle = valeur nette comptable) s’il y a abandon définitif du mobilier au travailleur salarié ou assimilé.

Achat de matériel par le salarié pour le compte de l’entreprise, le salarié en restant toutefois propriétaire

• Remboursement des frais et exclusion de l’assiette dans la limite de 50 % de la dépense réelle sur justificatifs.

Consommables (ramettes de papier, cartouches d’encre...).

Remboursement exonéré des cotisations sociales sur justificatifs des frais engagés.

Frais de connexion au réseau téléphonique, frais d’abonnement (téléphonique, Internet...).

Remboursement exonéré des cotisations sociales sur justificatifs des frais engagés.

Ainsi, pour que le remboursement soit considéré comme des frais professionnels, et donc exclu de cotisations sociales et d’impôts, l’employeur doit d’une part, demander les justificatifs de dépenses à ses salariés, d’autre part, ne pas dépasser les limites d’exonération apportées par l’URSSAF et confirmées par le BOSS en 2021.

Concernant le remboursement des frais d’abonnement, (internet, mobile), l’employeur doit être en mesure de justifier de façon certaine du nombre d’heures de connexion consacré à l’exercice de leur activité professionnelle par ses salariés en situation de télétravail. Ainsi, la prise en charge par ses soins du coût de l’abonnement au prorata du temps de connexion lié à l’usage professionnel pourra être exonérée de cotisations sociales quel que soit ce temps professionnel.

A défaut, le remboursement des frais d’abonnement ne pourra être exonéré que dans la limite maximale de 50% du nombre d’heures d’usage total.

Il n’est pas toujours aisé de demander au télétravailleur, chaque mois, les factures permettant d’évaluer les dépenses réelles. C’est pourquoi l’URSSAF a tout d’abord admis la possibilité de rembourser les frais de télétravail par une indemnité forfaitaire. Tolérance reprise et précisée par le BOSS en 2021.

Le remboursement des frais de télétravail par une indemnité forfaitaire

Une allocation forfaitaire exonérée depuis 2019

Depuis la publication d’une information sur le site Internet de l’Urssaf le 18 décembre 2019, la prise en charge des frais exposés par le télétravailleur par le versement d’une allocation forfaitaire peut bénéficier d’une exonération de cotisations sociales.

Cette information a été reprise par le BOSS dans sa version mise en ligne dès le 8 mars 2021.[9] 

Ainsi l’employeur peut verser une allocation forfaitaire sans être tenu de justifier des frais réellement engagés par le salarié tant que le remboursement s’applique dans la limite des montants prévus par les textes. 

Cette allocation est réputée utilisée conformément à son objet lorsque son montant n’excède pas

  • Soit 10 euros par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. Ce plafond augmente progressivement de 10 euros par journée supplémentaire de télétravail par semaine (20 euros pour deux jours de télétravail par semaine, etc.).
  • Soit 2,50 euros par jours de télétravail effectués, dans la limite de 55 euros par mois

Si l’entreprise souhaite aller au-delà de ces montants, la fourniture de justificatifs redevient nécessaire pour prétendre à l’exonération.

En cas de contrôle, les entreprises concernées devront être en mesure d’indiquer à l’Urssaf la liste des salariés en télétravail et le nombre de jours de télétravail qu’ils ont accompli.

Une nouveauté initiée par l’URSSAF et précisée par le BOSS

Tout d’abord, en début février 2021, le site Internet du réseau des URSSAF avait précisé et diffusé une tolérance relative aux frais de télétravail. En effet, l’URSSAF admettait que l’employeur puisse rembourser ces frais par une allocation forfaitaire lorsque cela été prévu par une convention collective de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe. Toutefois l’exonération ne s’appliquait que dans la limite des montants prévus par l’accord collectif, dès lors que l’allocation était attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés.

Cette tolérance n’avait pas été reprise dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), lors de sa mise en ligne du 1er avril 2021, sans doute parce qu’aucune limite de montant n’était fixée. On en déduisait que ces allocations conventionnelles ne pouvaient être exonérées que dans la limite des allocations forfaitaires de frais de télétravail de droit commun.

Lors d’une mise à jour du 25 juin 2021, la Direction de la sécurité sociale a introduit cette tolérance dans le BOSS, en l’assortissant d’une limite spécifique.[10] 

Ces allocations forfaitaires conventionnelles sont ainsi exonérées à hauteur du montant prévu par l’accord collectif :

  • Soit dans la limite de 13 € par mois par journée de télétravail par semaine (13 € par mois pour un jour de télétravail par semaine, 26 € par mois pour deux jours par semaine, 39 € par mois pour 3 jours par semaine, etc.) ;
  • Soit, en cas d’allocation fixée par jour, dans la limite de 3,25 € par jour de télétravail dans le mois.
     

Toutefois dans les deux cas, la limite mensuelle d’exonération de l’allocation forfaitaire est fixée à 71,50 €.

Une fois de plus, si le remboursement de l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de cotisations et contributions sociales ne pourra être admise que sur la base des justificatifs produits à l’occasion des contrôles.

Points de vigilance pour les accords d’entreprise et d’établissement

On remarque que la limite d’exonération des allocations forfaitaires conventionnelles prévues par une convention collective, un accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe, est plus élevée que celle de droit commun.

En revanche, sans changement par rapport à la tolérance URSSAF de début février 2021, les accords d’entreprise ou d’établissement ne figurent pas dans la liste des accords collectifs permettant de bénéficier de la limite d’exonération attachée aux allocations conventionnelles.

En l’état actuel du BOSS, si des accords d’entreprise ou d’établissement prévoient des allocations forfaitaires, elles ne seront exonérées que dans la limite de droit commun des allocations forfaitaires de frais de télétravail.

En outre, si un accord d’entreprise prévoit une allocation forfaitaire plus élevée que ce qui est prévu dans un accord de branche, l’exonération ne pourra s’opérer que sur le montant prévu dans l’accord de branche.

Dans tous les cas, l’exonération n’est admise par le BOSS que si l’allocation forfaitaire est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés (que ce soit par semaine ou en décompte journalier). Une allocation forfaitaire mensuelle indépendante du nombre de jours télétravaillés n’est pas exonérée.

Tableau récapitulatif du régime social des allocations forfaitaires de télétravail

Limite d’exonération (1)

Texte ou source de l’allocation forfaitaire

Allocation forfaitaire prévue par convention collective, accord professionnel ou interprofessionnel ou accord de groupe

Autres cas (2)

En fonction du nbre de jours de télétravail par semaine

13 € par mois par jour de télétravail par semaine

10 € par mois par jour de télétravail par semaine

En fonction du nbre de jour de télétravail par mois

3,25 € par jour de télétravail

2,50 € par jour de télétravail

Limite d’exo mensuelle maximale

71,50 € par mois

• Le BOSS ne prévoit pas expressément de limite mensuelle maximale pour une allocation calculée en fonction du nombre de jours de télétravail par semaine

• 55 € par mois pour une allocation en fonction du nombre de jours télétravaillés par mois

(1) Au-delà des limites, exonération possible mais sur la base de justificatifs des dépenses.

(2) Par exemple, décision de l’employeur, accord d’entreprise ou d’établissement, charte de télétravail.

























Précisions sur le régime fiscal des allocations forfaitaires de télétravail

L’administration fiscale ne s’était pas officiellement prononcée sur ces allocations forfaitaires.

Bien évidemment le remboursement des frais réellement engagés par le salarié étant par définition considérés comme des frais professionnels sont exonérés d’impôts.

De ce fait, il y avait fort à parier que les allocations forfaitaires seraient également exonérées fiscalement.

C’est effectivement ce qu’a annoncé le Ministre de l’Economie dans un communiqué du 04 mars 2021. Il affirme en effet que, pour l’année 2020 :

  • Les allocations forfaitaires sont réputées exonérées dans la limite de 2,50€ par jour de télétravail à domicile, soit une exonération de 50 € pour un mois comprenant 20 jours de télétravail.
  • L’allocation spéciale forfaitaire est présumée exonérée dans la limite annuelle de 550 €.

En pratique cette limite annuelle à 550€ correspond à 11 mois d’indemnité forfaitaire à 50€. Ainsi l’administration fiscale prend en compte que le salarié a, a minima, un mois de congé.

Il faut retenir, qu’en dépit de ces plafonds, il n’en reste pas moins que ces allocations forfaitaires sont avant tout des frais professionnels ; de ce fait, si le salarié apporte des justificatifs attestant des frais occasionnés par son activité en télétravail, l’exonération fiscale demeure acquise à hauteur des frais justifiés.

A ce jour, cette exonération fiscale est limitée aux revenus de l’année 2020 mais il semble qu’elle ait vocation à être pérennisée, il conviendra alors de s’informer sur les futures actualités sur le sujet.

Si cette exonération fiscale se trouve effectivement pérennisée, il sera légitime de se poser la question de la tolérance prévue en cas d’indemnité forfaitaire prévu par certains types d’accords collectifs. En effet, on pourra se demander si l’exonération fiscale limitée actuellement à 550 € par an sera réévaluée pour tenir compte de cette tolérance administrative.

  Axelle TANGUY

Juriste en Droit social

 

[1] Article L.1222-9 du Code du travail

[2] Cass. soc., 25 févr. 1998, n° 95-44.096, n° 985 P + B + R

[3] Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

[4] Cass. soc. 21 mai 2008 n°06-44044 BC V n°108

[5] ANI du 19 juillet 2005 – Article 7

[6] BOSS, FP, 1170

[7] Arr. 20 déc. 2002 art. 6 : JO, 27 déc. mod. par Arr. 25 juill. 2005 : JO, 6 août

[8] BOSS – Frais professionnels, n°1760

[9] BOSS , FP, 1810

[10] BOSS, Frais professionnels, § 1810, 25/06/2021