analyse

CRM de rappel et DSN de substitution

Décembre 2024

Outre le remplacement et la centralisation des déclarations permettant le recouvrement des cotisations et de certaines impositions, la Déclaration Sociale Nominative (DSN) permet aussi aux organismes de protection sociale d’effectuer des contrôles métiers sur les données déclarées par les entreprises, et leur faire un retour par le biais des comptes-rendus métiers (CRM) de plus en plus normalisés[1]. Dans le cadre du décret n°2023-1384 du 29 décembre 2023[2], la procédure de fiabilisation des données DSN est (re)devenue un élément central du mécanisme de la DSN en général, et de la DSN de substitution plus spécifiquement pensée initialement par la LFSS pour 2020[3] modifiée par la LFSS pour 2024[4].

Rappelons de prime abord que le décret n°2023-1384 du 29 décembre 2023 relatif aux modalités de vérification et de correction des déclarations sociales nominatives a fait l’objet d’un article d’info d’experts dédié en février 2024[5]. Sans revenir sur la totalité de l’article publié en février 2024, la DSN de substitution a vocation à être mise en œuvre par l’Urssaf ou la MSA lorsque le déclarant n’a pas corrigé les anomalies qui lui ont été remontées via les CRM émis par les différents organismes. Ceux-ci mettent aussi à disposition des outils complémentaires pour répondre aux déclarants : SuiviDSN de l’Urssaf, DSN-Fiab de l’Agirc-Arrco, PEP’s de la caisse des dépôts et consignation, etc.

Si l’échéance d’un CRM unique remontant les anomalies de tous les organismes de protection sociale est assez lointaine – 2028 au mieux –, les travaux sont d’ores-et-déjà en cours côté organismes et GIPMDS. En parallèle de ceux-ci, le calendrier et l’exécution de la DSN de substitution s’affine.

Principe de correction des anomalies au mois le mois

Le Code de la Sécurité sociale pose le principe d’une régularisation lors de l’échéance déclarative la plus proche de l’erreur constatée dans la déclaration faite par l’employeur[6].

Bien qu’il existe un mécanisme dit « de droit à l’erreur »[7], des pénalités peuvent être appliquées par les organismes de recouvrement[8] :

Pénalités applicables en cas de manquements aux obligations déclaratives DSN

Type de manquement

Sanction

Délai

Défaut de production dans les délais

•1,5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) (soit 57,96 € en 2024) par salarié et par mois ou fraction de mois de retard (c. séc. soc. art. R. 243-12).

Montant plafonné à 150 % du PMSS (soit 5 796 € en 2024) par entreprise si défaut de production inférieur ou égal à 5 jours. Plafonnement une fois par année civile maximum.

•La pénalité est calculée en fonction de l’effectif connu ou transmis lors de la dernière déclaration produite par l’employeur.

• Cette pénalité est exclue du champ d’application du droit à l’erreur.

Omissions

Omission de salariés ou assimilés

• 1,5 % du PMSS (soit 57,96 € en 2024) par salarié et par mois ou fraction de mois de retard (c. séc. soc. art. R. 243-12).

Montant plafonné à 150 % du PMSS (soit 5 796 € en 2024) par entreprise si défaut de production inférieur ou égal à 5 jours. Plafonnement une fois par année civile maximum.

• La pénalité est calculée en fonction de l’effectif connu ou transmis lors de la dernière déclaration produite par l’employeur.

• Cette pénalité est exclue du champ d’application du droit à l’erreur (c. séc. soc. art. R. 243-10, II).

Autres omissions

• 1/3 de 1 % du PMSS (soit 12,88 € en 2024) par salarié ou pour les données d’identification de l’employeur (c. séc. soc. art. R. 243-13, I, al. 2).

• Cette pénalité entre dans le champ d’application du droit à l’erreur (c. séc. soc. art. R. 243-10, II).

Inexactitudes

Inexactitude des rémunérations déclarées ayant pour effet de minorer le montant des cotisations dues

• 1 % du PMSS (soit 38,64 € en 2024) par salarié ou assimilé (c. séc. soc. art. R. 243-13, I).

• Cette pénalité entre dans le champ d’application du droit à l’erreur (c. séc. soc. art. R. 243-10, II).

Autres inexactitudes

• 1/3 de 1 % du PMSS (soit 12,88 € en 2024) par salarié ou pour les données d’identification de l’employeur (c. séc. soc. art. R. 243-13, I, al. 2).

• Cette pénalité entre dans le champ d’application du droit à l’erreur (c. séc. soc. art. R. 243-10, II).

Non-respect des normes DSN

Absence de conformité à la nomenclature

• 1/3 de 1 % du PMSS (soit 12,88 € en 2024) (c. séc. soc. art. R. 243-13, II).

• Cette pénalité entre dans le champ d’application du droit à l’erreur (c. séc. soc. art. R. 243-10, II).

Fiabilisation des données

Absence de correction des anomalies signalées par les organismes destinataires de la DSN

Selon l'anomalie constatée.

PMSS : plafond mensuel de la sécurité sociale. Montant des pénalités calculées par nos soins sur la base du PMSS 2024 (3 864 €).

La mise en œuvre de la fiabilisation des données : le CRM de rappel et la DSN de substitution

Les anomalies sont remontées au déclarant chaque mois, dans les CRM émis en retour des DSN envoyées.

Si toutefois le déclarant ne corrige pas tout ou partie de ses anomalies sur l’échéance déclarative la plus proche, dans le cadre de la procédure détaillée par le décret n°2023-1384 du 29 décembre 2024, il est prévu que l’Urssaf (ou la MSA) émette un CRM dit de rappel. Si on globalise le retour des organismes sous le vocable « CRM de rappel », il est à noter malgré tout que seule l’Urssaf émettra un CRM de rappel répondant à la norme NEOReS, la MSA émettra quant à elle une lettre d’observation, comportant les mêmes informations, sans que celle-ci ne soit sous le format technique NEOReS.

Ce CRM de rappel sera émis au titre d’une année N en mars N+1 : il comportera toutes les anomalies répertoriées de l’année passée n’ayant pas été corrigées par le déclarant. Ce récapitulatif annuel est un préalable à la mise en œuvre de la DSN de substitution.

Pour autant, toutes les anomalies remontées dans ce CRM de rappel ne feront pas l’objet d’une DSN de substitution. A date, la matrice des contrôles Excel des CRM 119 et CRM 120 émis par les Urssaf[9] a été modifiée pour y ajouter une colonne indiquant si le contrôle en cause pourra ou non faire l’objet d’une DSN de substitution. Toutes les anomalies remontées dans le CRM de rappel seront bien identifiées (sous une rubrique dédiée) de leur caractère substituable ou non.

Le contenu du CRM de rappel a été publié dans le guide API disponible sur le site net-entreprise[10]. Comme pour l’émission d’un CRM « classique », il y aura un CRM de rappel à maille établissement ou par fraction DSN s’il y a un fractionnement des DSN. Pour les anomalies pouvant faire l’objet d’une substitution, le CRM de rappel comportera les valeurs de correction, identifiées comme étant susceptibles d’être modifiées en l’absence de correction par l’employeur.

Années 2024 et 2025 : phase de test

Le GIPMDS a publié une actualité pour déterminer le calendrier d’émission de ce CRM de rappel.

Les premiers CRM de rappel seront émis par l’Urssaf en mars 2025 au titre de l’année 2024 (anomalies remontées dans les CRM 120 de février 2024 à janvier 2025). Le GIPMDS indique également qu’à ce stade, l’absence de correction des anomalies restituées via le CRM de rappel ne fera pas l’objet d’une DSN de substitution en automatique. Celle-ci pourra être mise en œuvre automatiquement, à partir de l’année 2026 (portant sur les données 2025).

L’émission du CRM de rappel en 2025 sur les données 2024 ne se fera que pour l’Urssaf, la MSA ayant un calendrier différent (voir ci-après).

Malgré tout, même s’il n’y a pas de caractère automatique à l’envoi de la DSN de substitution, l’Urssaf peut, dès 2025, en émettre une pour faire suite à un redressement dans le cadre d’un contrôle sur place ou sur pièce réalisé par les inspecteurs ou contrôleurs du recouvrement.  

Années 2026 et suivantes : le grand saut vers la substitution

Mars 2026 marquera l’avènement de l’automatisme entre l’émission du CRM de rappel sur les données 2025 non corrigées et l’émission d’une DSN de substitution en l’absence d’opposition de la part du déclarant. C’est aussi en 2026 que la MSA émettra pour la première fois la lettre d’observation (soit son CRM de rappel) sur les données 2025 non corrigées. Elle entrera alors directement dans la phase d’automatisme de la DSN de substitution en l’absence de correction des données par le déclarant.

En effet, à compter de mars 2026, lorsqu’un CRM de rappel aura été émis avec des données pouvant faire l’objet d’une substitution, s’ouvrira pour l’employeur une phase contradictoire : soit il s’oppose à la substitution, soit il corrige les données.

S’il corrige les données, la correction devra se faire au plus tard lors de la seconde échéance déclarative suivant la notification du CRM de rappel.

S’il s’oppose à la substitution, cette opposition devra également parvenir à l’Urssaf au plus tard lors de la seconde échéance déclarative suivant la notification du CRM de rappel.

L’objectif pour les organismes est que le déclarant corrige de lui-même ses déclarations, la DSN de substitution étant le dernier recours pour rétablir les droits des individus. Un dialogue s’instaure nécessairement entre l’entreprise et son organisme de recouvrement, ce dernier pouvant lui expliquer les anomalies remontées.

Lorsque l’employeur s’oppose aux anomalies remontées dans le CRM de rappel devant faire l’objet de la DSN de substitution, l’Urssaf ou la MSA vont instruire le dossier en priorité. S’il s’avère que les anomalies sont justifiées, l’organisme de recouvrement émettra une DSN de substitution en mai 2026 pour la première fois.

En somme, le CRM de rappel émis en mars N+1 sur les données N pourra donner lieu à une DSN de substitution en mai N+1, dès lors que la contestation des anomalies par le déclarant a échoué ou s’il n’a pas corrigé les anomalies entre mars et mai N+1. Le GIPMDS a également prévu d’informer les déclarants des données qui auront été substituées par l’émission d’un nouveau CRM, en sachant qu’une interlocution sera nécessairement en cours entre le déclarant et son organisme de recouvrement. Le contenu de ce CRM post-substitution est encore à l’étude par le GIPMDS et les organismes.

A date, le champ de la DSN de substitution est assez restreint, à savoir les bases assujetties plafonnées et déplafonnées ayant un impact sur les droits retraite (de base et complémentaire) des individus.

A terme, le champ de la DSN de substitution a vocation à s’élargir, il s’agit donc des premières informations pratiques sur le sujet.

Elodie Chailloux

Responsable Veille légale et DSN

[1] C’est-à-dire répondant à la norme retour organismes dite NEOReS, disponible au lien suivant : https://www.net-entreprises.fr/declaration/norme-et-documentation-neores/

[2] Décret n°2023-1384 du 29 décembre 2023, JO du 31

[3] Loi de financement de la sécurité sociale n°2019-1446 du 24 décembre 2019, JO du 27, art. 18, II, 3°

[4] Loi de financement de la sécurité sociale n°2023-1250 du 26 décembre 2023, JO du 27, art 13, I, 13°

[5] Disponible au lien suivant : https://www.fr.adp.com/ressources/documentations/articles/e/dsn-de-substitution.aspx

[6] C. Séc. Soc. art R. 243-10, I

[7] C. Séc. Soc. art R. 243-10, II. Pour certaines erreurs, l’employeur peut échapper aux majorations de retard et aux pénalités prévues par la réglementation si l’une des deux conditions suivantes est remplie :

- Soit la déclaration est rectifiée et le versement de l’éventuel complément de cotisations est adressé au plus tard lors de la première échéance déclarative suivant celle de la déclaration et du versement initiale.

- Soit le montant des majorations et pénalités qui seraient applicables est inférieur au plafond mensuel de la sécurité sociale ou le versement régularisateur est inférieur à 5% du montant total des cotisations initiales.

Il est à noter que ce droit à l’erreur ne joue pas en cas d’omission de salariés dans la déclaration ou d’inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées.

[8] Le tableau reproduit est tiré du dictionnaire Paie de Social-Expert, sous l’étude « Déclaration sociale nominative »

[9] Disponible au lien suivant, dans sa version en date du 5 novembre 2024 : https://www.net-entreprises.fr/declaration/norme-et-documentation-neores/. Pour rappel, elle détaille pour chacun des contrôles joués les données en jeu et permettant la mise en œuvre du contrôle.

[10] https://www.net-entreprises.fr/declaration/api-dsn/ Le CRM de rappel Urssaf porte le numéro 124. Le numéro n’est pas encore déterminé pour la MSA.

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