Janvier 2025
A l’automne 2024, les partenaires sociaux se sont remis autour de la table des négociations avec succès puisque 3 accords nationaux interprofessionnels (ANI) ont été conclus le 14 novembre 2024 : un accord en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, un accord relatif à l’évolution du dialogue social et un troisième sur l’assurance chômage. Ces accords sont valides car ils ont été signés par des organisations représentant plus de 30% des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel. Celui relatif au dialogue social a créé la surprise car il ne faisait pas partie de la feuille de route présentée par le gouvernement. Nous sommes toujours dans l’attente de savoir si le futur gouvernement acceptera de procéder à une transposition législative et réglementaire de cet accord national interprofessionnel.
Afin d’assurer le renouvellement des mandats, depuis les ordonnances Macron de 2017 et la mise en place du comité social et économique (CSE), le nombre de mandats successifs exercés par un salarié au CSE est limité à trois[1]. Toutefois cette pratique empêche les représentants au CSE de capitaliser sur les compétences et expériences acquises au cours de ces mandats. Or, les sujets essentiels tels que l’organisation du temps de travail, la rémunération, la formation, la santé et la sécurité des salariés qui nécessitent l’avis des membres du CSE impliquent une bonne compréhension des informations communiquées par l’employeur. Sans compter que de nouveaux sujets émergent tels que les défis de la transition écologique ou l’intelligence artificielle. C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux, signataires de l’ANI sur l’évolution du dialogue social, le 14 novembre 2024, rappellent l’importance d’associer les instances représentatives du personnel à la mise en œuvre des politiques relatives à l’emploi et au travail des salariés, et demandent à lever la limite aux 3 mandats successifs.
Rappel des règles actuelles
Le nombre de mandats successifs au CSE limité à 3…
Selon l’article L. 2314-33 du Code du travail, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour 4 ans.
A noter qu’un accord de branche, de groupe ou d’entreprise peut, selon le cas, fixer une durée de mandat comprise entre 2 et 4 ans[2].
Depuis les ordonnances Macron de 2017, le nombre de mandats successifs est limité à 3.
Cela signifie que la limitation du nombre de mandats successifs n’a commencé à s’appliquer que pour les mandats d’élu au comité social et économique, et donc, à partir de la mise en place du premier comité social et économique. Elle ne s’est pas appliquée rétroactivement aux mandats des élus des anciennes institutions représentatives du personnel.
Les mandats des délégués du personnel, des membres élus du comité d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de la délégation unique du personnel ou de l’instance regroupée arrivant à échéance après la publication de l’ordonnance n’ont pas été pris en compte dans le décompte du nombre de mandat successifs si ces élus sont devenus par la suite membres du comité social et économique. Ainsi, si un salarié avait été élu délégué du personnel ou membre du comité d’entreprise, conformément aux dispositions en vigueur avant la publication de l’ordonnance, son mandat n’a pas été pas pris en compte dans le calcul du nombre de mandats successifs. Le décompte a débuté à compter du premier mandat de membre du comité social et économique.
Le nombre maximal de mandats successifs s'applique également aux membres du comité social et économique central et aux membres des comités sociaux et économiques d'établissement.
Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. En revanche, ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.
… sauf exception
Le nombre de mandats successifs est limité à 3, excepté :
- Pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
- Pour les entreprises dont l'effectif est compris entre 50 et 300 salariés, si le protocole d’accord pré-électoral[3]en stipule autrement. Dans ce cas, la clause du protocole est à durée indéterminée sauf précision contraire. Si le protocole est muet sur la durée de la dérogation, celle-ci s’applique tant qu’un nouveau protocole ne la remet pas en cause[4].
De même, la limitation à 3 du nombre de mandats successifs s’applique également aux membres du comité social et économique central et aux membres des comités sociaux et économiques d’établissement, sauf dans les entreprises ou les établissements de moins de 50 salariés et sauf si le protocole d’accord préélectoral en stipule autrement dans les entreprises ou établissements dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés.
A noter que dans les entreprises de moins de 50 salariés, le protocole d'accord préélectoral ne peut pas déroger à cette règle en fixant tout de même une limite au nombre de mandats successifs[5].
Ce que prévoit l’ANI du 14 novembre 2024
Suppression de la limitation du nombre de mandats successifs au CSE[6]
Les partenaires sociaux mettent en avant l’importance de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l’expérience et les compétences acquises, dans un objectif d’amélioration de la qualité du dialogue social.
Ainsi, ils s‘interrogent sur la pertinence de la limitation du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
Par conséquent, les organisations signataires demandent la suppression, dans le Code du travail, de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
La valorisation des parcours syndicaux[7]
Par ailleurs, conformément à l’agenda social paritaire autonome, les organisations signataires s’engagent à ouvrir en 2025 une négociation sur la valorisation des parcours syndicaux.
Entrée en vigueur soumise à conditions[8]
L’article 2 de l’ANI du 14 novembre 2024 sur le dialogue social relatif à la suppression, dans le code du travail, de la limite du nombre de mandats successifs nécessitera une transposition législative simultanément à celle de l’ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des salariés expérimentés et conformément à l’article 5 de ce dernier accord. Pour rappel l’article 5 met en place un comité de suivi de la transposition de l’accord par les pouvoirs publics afin de s’assurer et, le cas échéant, de défendre une transposition fidèle de ces accords dans les textes législatifs et réglementaires.
Muriel Besnard
Consultant Juridique
[1] Article L. 2314-33 du Code du travail
[2] Article L. 2314-34 du Code du travail
[3] Accord prévu à l’article L. 2314-6 du Code du travail
[4] Article R. 2314-26 du Code du travail
[5] Rép. Mouiller n° 03267, JO 17 janvier 2019, Sénat quest. p. 338
[6] Article 2 de l’ANI du 14 novembre 2024
[7] Article 1 de l’ANI du 14 novembre 2024
[8] Article.3 de l’ANI du 14 novembre 2024