analyse

Salariés allophones et formation à la langue française

La loi immigration[1] du 26 janvier 2024 permet aux salariés allophones de se former, afin d’atteindre une meilleure connaissance de la langue française, soit dans le cadre du plan de développement des compétences, soit à partir du compte personnel de formation. En application de cette loi, deux décrets, publiés au Journal Officiel du 31 décembre 2024, apportent les précisions nécessaires pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2025.      

Une personne allophone est une personne dont la langue première est une langue étrangère, dans la communauté où elle se trouve. En l’occurrence, la loi immigration du 26 janvier 2024 vise les personnes vivant en France et dont la langue maternelle n’est pas le français. Cette loi porte des mesures en faveur de l’intégration des personnes venant de l’immigration et le monde du travail n’est pas en reste. En effet, le Code du travail est modifié concernant les obligations de l’employeur en matière de formation professionnelle. A noter que des dispositions spécifiques sont prévues pour les salariés employés par des particuliers qui ne seront pas développées dans cet article. Pour être effectives, les mesures de la loi immigration, en faveur des salariés allophones, nécessitaient la publication de décret. C’est maintenant chose faite avec deux décrets (décrets n° 2024-1243 et 2024-1245), publiés au Journal Officiel du 31 décembre 2024.

Formation dans le cadre du plan de développement des compétences

Niveau de français minimum à atteindre

Pour rappel, selon le code du travail[2], l’employeur se doit de former ses salariés pour :

  • Assurer leur adaptation à leur poste de travail,
  • Veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi,

L’employeur a aussi la possibilité de proposer des actions participant au développement des compétences y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences.

La loi immigration complète le code du travail de sorte que, dans le cadre du développement des compétences, l’employeur peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret.

Ainsi, le décret[3] n° 2024-1245 du 30 décembre 2024 fixe à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence[4] pour les langues, le niveau de connaissance de la langue française à atteindre dans le cadre des formations proposées aux salariés allophones par leurs employeurs, ainsi que dans le cadre des formations engagées par les signataires du contrat d'intégration républicaine[5].

Durée maximale d’absence pour se former

Pour rappel, dans le cadre du plan de développement des compétences, les formations dites « obligatoires[6] » constituent un temps de travail effectif et donnent lieu pendant leur réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération.

Les autres formations[7] du plan de développement des compétences (aussi appelées formations « non-obligatoires ») donnent lieu pendant leur déroulement au maintien par l'entreprise de la rémunération et constituent également un temps de travail effectif. Toutefois, un accord collectif (d’entreprise, le cas échéant de branche) et à défaut d’accord, une décision de l’employeur avec accord du salarié, peut prévoir que les formations se déroulent hors temps de travail dans la limite de 30 heures par an et par salarié ou 2% du forfait jours ou heures. 

Selon la loi immigration, lorsque les salariés allophones, signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR)[8], sont engagés dans un parcours de formation linguistique, visant à atteindre une connaissance de la langue française à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence, les actions permettant la poursuite de ce parcours constituent un temps de travail effectif, dans la limite d'une durée qui a été fixée par le décret n° 2024-1243 en Conseil d'Etat[9].  

Ainsi, le décret n° 2024-1243 fixe à 80 heures maximum la durée de formation considérée comme du temps de travail effectif pour le salarié allophone signataire du contrat d'intégration républicaine. Il prévoit que la répartition des heures de formation pendant la durée du contrat de travail est définie par accord entre le salarié et l'employeur. A défaut d'accord, la durée de l'absence du salarié pour suivre les formations de son parcours linguistique ne doit pas être supérieure à 10% de sa durée hebdomadaire de travail. Ces modalités s'appliquent quelle que soit la durée ou la quotité de travail prévue au contrat[10].

Par ailleurs, ces actions de formation donnent lieu au maintien de la rémunération par l'employeur pendant leur réalisation[11].

Formation dans le cadre du compte personnel de formation

Selon la loi « immigration », lorsque les salariés allophones, signataires du CIR mobilisent leur compte personnel de formation pour financer une formation en français réalisée en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est accordée de droit, dans la limite d’une durée qui devait être fixée par décret en Conseil d’Etat[12].

Là encore, la formation en français doit viser l’atteinte d’une connaissance de la langue française à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence.

C’est le décret n° 2024-1243 qui fixe à 28 heures maximum la durée d'autorisation d'absence dont peut bénéficier le salarié allophone signataire du CIR lors de la mobilisation de son compte personnel de formation[13].

De plus, le salarié qui souhaite bénéficier d'une formation en français, financée par le compte personnel de formation et réalisée en tout ou partie durant le temps de travail, notifie à l'employeur les périodes d'absence liées au déroulement de la formation dans un délai qui ne peut être inférieur à 30 jours calendaires avant le début de l'action[14].

Entrée en vigueur

Les dispositions des deux décrets n° 2024-1243 et n° 2024-1245 sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2025.

Par conséquent, l’employeur peut proposer à ses salariés allophones des formations en français dans le cadre de son plan de développement des compétences, selon les règles exposées ci-dessus.

De même, le salarié allophone peut choisir de se former au français en mobilisant son compte personnel de formation dans les conditions mentionnées ci-dessus.

Muriel Besnard

Consultant Juridique

[1] Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2024/1/26/2024-42/jo/texte

Décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 2024 : Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[2] Article L. 6321-1 du Code du travail

[3] Décret n° 2024-1245 du 30 décembre 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2024/12/30/2024-1245/jo/texte

[4] Il s’agit du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/Rec (2008) 7 du 2 juillet 2008.

[5] Article D. 6321-1 du Code du travail

[6] Article L. 6321-2 du Code du travail : Toute action de formation qui conditionne l'exercice d'une activité ou d'une fonction, en application d'une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération.

[7] Article L. 6321-6 du Code du travail

[8] Contrat d’intégration républicaine (CIR) : article L. 413-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

[9] Décret n° 2024-1243 du 30 décembre 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2024/12/30/2024-1243/jo/texte

[10] Article R. 6321-5 du Code du travail

[11] Article L. 6321-3 du Code du travail

[12] Article L. 6323-17 du Code du travail

[13] Article R. 6323-4-1 du Code du travail

[14] Article R. 6323-4-1 du Code du travail

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