analyse
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Objet de toutes les tensions ayant abouti à la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025[1] a été définitivement publiée dans un deuxième Journal Officiel (n°0051) le 28 février 2025. Le Conseil Constitutionnel a censuré un certain nombre de mesures dans sa décision du 28 février 2025, dont une seule peut intéresser les employeurs sur les contraintes délivrées par l’Urssaf pour le recouvrement forcé des cotisations[2]. Revenons sur les mesures portées par cette loi.
Contrairement aux principes classiques d’entrée en vigueur le lendemain de la publication d’un texte au Journal Officiel, la LFSS pour 2025 précise en toute fin de loi qu’elle entre en vigueur immédiatement, conformément à la dérogation admise par l’article 1er du Code civil. Autrement dit, sauf date spécifique prévue au sein même de la loi pour un article, toutes les mesures sont entrées en vigueur le 28 février 2025, date de publication au Journal Officiel.
Allègements généraux (art 18)
Prévue par l’article 18 de la LFSS, l’une des mesures phares de cette LFSS pour 2025 est la réforme des allègements généraux de cotisations patronales.
Avant de rentrer dans le détail des évolutions, il est important de rappeler quelques éléments de contexte antérieurs à l'adoption de la LFSS pour 2025.
La notion d’ « allègements généraux de cotisations patronales » regroupe plusieurs dispositifs :
- La réduction générale des cotisations patronales(RGCP) vient alléger le montant des cotisations patronales portant sur les rémunérations inférieures à 1,6 SMIC. La valeur du coefficient de calcul est maximale pour les salariés au SMIC et diminue progressivement pour les rémunérations supérieures jusqu’à devenir nulle pour celles atteignant 1,6 SMIC.
- La réduction du taux de cotisation famille (aussi appelé bandeau famille) prévoit une baisse de la cotisation patronale d’allocations familiales de 1,8 point (soit dans le cas général, un taux réduit égal à 3,45% au lieu d’un taux plein égal à 5,25%) pour les rémunérations au plus égale à 3,5 SMIC.
- La réduction du taux de cotisation maladie (aussi appelé bandeau maladie) prévoit une baisse de la cotisation patronale maladie de 6 points (soit dans le cas général, un taux réduit égal à 7% au lieu d’un taux plein égal à 13%) pour les rémunérations au plus égale à 2,5 SMIC.
Souvent jugés trop onéreux pour les finances publiques et créateurs de « trappes à bas salaires », la LFSS pour 2024 avait adopté une première mesure de limitation de la progression des allègements pour faire face à l’augmentation du coût lié à ces dispositifs pour les finances publiques. Elle autorisait en effet le pouvoir réglementaire à figer, à compter du 1er janvier 2024, les plafonds de rémunération éligibles aux réductions de taux à leur niveau en vigueur au 31 décembre 2023 (soit 2,5 et 3,5 SMIC en vigueur au 31 décembre 2023)[3]. C’est donc sur ces bases que les taux réduits AF et maladie ont été appliqués durant toute l’année 2024.
Initialement, le PLFSS pour 2025 était beaucoup plus ambitieux et la refonte des allègements de cotisations patronales s’étalait sur trois ans, y compris dès 2024 de manière rétroactive. Le parcours chaotique du projet devant le Parlement a eu raison de cette trajectoire et l’aspect rétroactif sur l’année 2024 de la réforme a été abandonné.
Malgré tout, la LFSS poursuit cette visée pour réduire de manière significative les coûts des allègements pour les finances publiques, en deux temps : d’abord sur 2025, puis sur 2026 et au-delà.
Par ailleurs, il est à noter que la LFSS pour 2025 institue un comité de suivi de la réforme[4], missionné pour la période courant du 28 février 2025 au 31 décembre 2029. Il devra présenter avant le dépôt des PLFSS pour les années 2026, 2027, 2028, 2029 et 2030, dans un rapport rendu public, l’état des évaluations réalisées.
LFSS pour 2025, art 18, V
Pour 2025
Plusieurs paramètres évoluent pour cette année 2025, en sachant toutefois que la LFSS ne touche pas au cœur du dispositif, la RGCP, les bandeaux maladie et AF continuent de coexister.
Aménagement de la réduction générale des cotisations patronales sur 2025
Fixation du plafond de rémunération éligible par décret
A l’instar de ce qui a été fait par la LFSS pour 2024 pour les bandeaux AF et maladie, la LFSS modifie le Code de la sécurité sociale pour renvoyer à un décret à paraitre le soin de fixer la valeur du SMIC à retenir pour déterminer le seuil de 1,6 SMIC.
Ainsi, le seuil de sortie de la RGCP doit être déterminé par décret entre 1,6 SMIC applicable au 1er janvier 2024 et 1,6 SMIC de la période en cours.
LFSS pour 2025, art 18, I, 1° ; C. Séc. Soc. Art L. 241-13, I modifié
Cette modification s’applique pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025.
LFSS pour 2025, art 18, II
Info : A date, le décret n’est pas encore publié.
Inclusion de la prime de partage de la valeur dans le calcul de la RGCP
La seconde nouveauté sur 2025 concernant la RGCP est l’inclusion de la prime de partage de la valeur (PPV) dans le calcul de la réduction générale.
Comme pour la fixation du seuil de sortie par décret à paraitre, l’inclusion de la PPV s’applique aux cotisations et contributions dues pour les périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025.
LFSS pour 2025, art 18, II
Aussi, désormais, les PPV attribuées au salarié doivent être prises en compte pour :
- Le calcul du coefficient de réduction, soit en pratique avec tous les autres paramètres servant à la détermination du coefficient (absence, heures supplémentaires, etc.) ;
LFSS pour 2025, art 18, I, 3°; C. Séc. Soc. Art L. 241-13, III modifié
- Et pour la rémunération à laquelle s’applique le coefficient de réduction.
LFSS pour 2025, art 18, I, 2°; C. Séc. Soc. Art L. 241-13, II modifié
Et bien évidemment, les employeurs devront aussi tenir compte de cette PPV attribuée au salarié pour déterminer si le seuil de 1,6 SMIC est dépassé ou non.
LFSS pour 2025, art 18, I, 1° ; C. Séc. Soc. Art L. 241-13, I modifié
PPV versée ou placée ?
C’est le BOSS dans une mise à jour en date du 12 mars 2025 qui indique, en toute lettre, que cette inclusion des PPV dans le calcul de la RGCP s’applique non seulement à celles réellement versées au salarié mais également à celles affectées sur un plan d’épargne (PEE, PEI, Perco ou PERE-CO le cas échéant interentreprises, PERE-OB).
Actualité du BOSS du 12 mars 2025 ; BOSS, Epargne salariale, §170, 01/02/2025
En somme, cette mesure est globalement défavorable aux employeurs, puisque si la PPV fait passer la rémunération au-delà du plafond d’éligibilité à la RGCP, l’employeur ne bénéficie plus pour l’intéressé de la RGCP.
Même si la rémunération y inclus la PPV, reste sous le seuil d’éligibilité, la réduction de cotisation patronales sera moins intéressante. En effet, le coefficient de la réduction est moins élevé du fait de cette inclusion, et cela n’est pas compensé par l’assiette gonflée par cette même PPV auquel ce coefficient est appliqué.
Exemple :
Pour un salarié percevant une rémunération brute de 2 100€ en janvier 2025 + une PPV de 500€.
Avant la LFSS pour 2025, la réduction pour janvier 2025 aurait été de :
2 100 *( 0,3224/0,6) * [1,6 * (1801,84/2100) – 1] = 422,01€
Avec la LFSS pour 2025, la réduction pour janvier 2025 est égale à :
2 600 * ( 0,3224/0,6) * [1,6 * (1801,84/2600) – 1] = 152,51€
Et les salariés sortis ?
La LFSS n’ayant été publiée – compte tenu du chemin chaotique au Parlement – que le 28 février 2025, le BOSS a publié dans une actualité du 12 mars 2025 une tolérance pour les salariés sortis de l’effectif début 2025. Pour ceux-ci, le BOSS indique que la prise en compte des PPV au niveau de la rémunération utilisée pour calculer le coefficient, et de la rémunération à laquelle est appliqué le coefficient ne vaut pas pour les salariés dont le contrat de travail a pris fin avant le 1er mars 2025.
Actualité du BOSS du 12 mars 2025 ; BOSS, Epargne salariale, §§170 et 180, 01/02/2025
Attention, il s’agit bien ici d’une mesure de tolérance portée par l’administration[5]. La LFSS étant au-dessus de la doctrine administrative en termes de hiérarchie des normes, et prévoyant une intégration des PPV pour les périodes d’emploi débutant à partir du 1er janvier 2025 sans exception aucune, il est malgré tout possible de recalculer pour des salariés sortis avant le 1er mars 2025. Toutefois, ce n’est pas une obligation.
Abaissement des plafonds de sortie de la réduction des taux des cotisations maladie et famille
Au-delà des modifications apportées à la RGCP, la LFSS pour 2025 vient également modifier, pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à partir du 1er janvier 2025, les plafonds de sortie des réductions de taux de cotisations maladie et famille.
LFSS pour 2025, art 18, III, 1° et IV, A
Info : La LFSS ne modifie pas le champ d’application des employeurs et salariés éligibles : il s’agit toujours des employeurs et des salariés entrant dans le champ d’application de la réduction générale des cotisations patronales.
Séc. Soc. art L. 241-21, L. 241-6-1, L. 241-13 ; C. trav. art L. 5422-13 ; BOSS, All. Gén., §§1390 et suivants
Autrement dit, il s’agit des salariés pour lesquels les employeurs sont soumis à l’obligation d’adhésion au régime d’assurance chômage prévu à l’article L. 5422-13 du Code du travail, que les salariés soient titulaires d’un contrat de travail à temps plein ou à temps partiel, à durée déterminée ou indéterminée.
Ainsi, pour rappel, le taux de la cotisation patronale d’assurance maladie est réduit de 7 points (soit 6% dans le cas général au lieu de 13%) pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 2,5 SMIC en vigueur au 31 décembre 2023. A compter du 1er janvier 2025, ce plafond de rémunération passe de 2,5 SMIC à 2,25 SMIC.
LFSS pour 2025, art 18, III, 1°, a) ; C. Séc; Soc. art L. 241-2-1 modifié
Quant à la cotisation patronale d’allocations familiales, le taux est réduit de 1,8 point (soit 3,45% dans le cas général au lieu de 5,25%) pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 3,5 SMIC en vigueur au 31 décembre 2023. A compter du 1er janvier 2025, le plafond de rémunération passe de 3,5 SMIC à 3,3 SMIC.
LFSS pour 2025, art 18, III, 1°, b) ; C. Séc. Soc. art L. 241-6-1 modifié
Quelle valeur du SMIC retenir ?
Jusqu’à la LFSS pour 2025, la valeur du SMIC à retenir pour apprécier le seuil de 2,5 ou 3,5 SMIC était celle en vigueur au 31 décembre 2023. C’est le décret n°2023-1329 du 29 décembre 2023 qui a fixé ces seuils à 2,5 et 3,5 SMIC applicable au 31 décembre 2023.
Comme cette valeur du SMIC à retenir est fixée par décret, un décret à paraitre doit venir fixer la valeur à retenir. A date, le décret d’application n’est pas encore paru.
Pour 2026
La LFSS pour 2025 prévoit une réforme des allègements généraux à partir de 2026, autrement dit pour la réduction générale de cotisations patronales, les bandeaux famille et maladie.
LFSS pour 2025, art 18, IV, B
A compter des périodes d’emploi courant à partir du 1er janvier 2026, les modifications suivantes sont apportées :
- Le taux réduit allocations familiales est supprimé, y compris pour les salariés du régime agricole,
LFSS pour 2025, art 18, III, 2°, b) et VIII ; C. Séc. Soc. Art L. 241-6-1 abrogé ; C. Rural, art L. 741-1 modifié
- Le taux réduit maladie est supprimé, y compris pour les salariés du régime agricole,
LFSS pour 2025, art 18, III, 2°, b) et VIII ; C. Séc. Soc. Art L. 241-2-1 abrogé ; C. Rural, art L. 741-1 modifié
- La réduction générale des cotisations patronales est reconfigurée pour s’étaler non plus jusqu’à 1,6 SMIC mais jusqu’à 3 SMIC.
LFSS pour 2025, art 18, III, 2°, c) ; C. Séc. Soc. Art L. 241-13 modifié à partir du 1er janvier 2026
Un décret à paraitre viendra fixer les paramètres techniques de ce nouvel allègement reconfiguré, en sachant qu’il appartient à ce décret de déterminer la valeur du SMIC à retenir pour apprécier le plafond de 3 SMIC comprise entre la valeur du SMIC au 1er janvier 2024 et la valeur du SMIC de la période d’emploi en cours.
La LFSS pour 2025 prévoit dans le même temps et à la même date que la valeur maximale du coefficient soit fixée par décret (sans changement) non plus à hauteur des taux des cotisations et contributions incluses dans le périmètre de la réduction générale mais dans la limite de la somme de ces taux. Autrement dit, le gouvernement pourra fixer le taux maximal de l’exonération à un niveau inférieur de la somme des taux concernés.
Info : C’est bien le décret à paraitre qui nous donnera toute la teneur de la réforme à venir.
L’impact sur les exonérations de cotisations patronales spécifiques
Compte tenu de l’imbrication des textes entre eux et des différents renvois, la LFSS pour 2025 prévoit de neutraliser l’impact des modifications énoncées ci-avant sur les autres typologies d’exonérations de cotisations patronales spécifiques.
C’est par une rédaction somme toute obscure que la LFSS pour 2025 prévoit que les nouveaux seuils de sortie des bandeaux AF et maladie, ainsi que les nouvelles règles sur la réduction générale des cotisations patronales (PPV notamment) ne s’appliquent qu’aux salariés et employeurs bénéficiant réellement de la réduction générale des cotisations patronales.
LFSS pour 2025, art 18, IX
Par ailleurs, la LFSS pour 2025 modifie d’ores-et-déjà l’article L. 752-3-2 du Code de la Sécurité sociale (soit en pratique le texte de l’exonération LODEOM) pour que les modifications liées à la RGCP ne s’appliquent pas pour LODEOM, compte tenu des renvois de textes entre eux.
LFSS pour 2025, art 18, VII ; C. Séc. Soc. Art L. 752-3-2 modifié
Il est ainsi prévu que les réductions des taux des cotisations maladies et famille s’appliquent dans leur version en vigueur avant le 1er janvier 2025 aux bénéficiaires des réductions dégressives de cotisations patronales spécifiques cumulables avec ces réductions de taux, mais pas avec la réduction générale.
En pratique donc, il y a un maintien des règles ci-dessous antérieures à la LFSS pour 2025, pour les autres réductions dégressives de cotisations patronales spécifiques, soit :
- Les plafonds de 2,5 SMIC et 3,5 SMIC pour les bandeaux AF et maladie en fonction de la valeur du SMIC applicable au 31 décembre 2023,
- La prise en compte, pour le bénéfice des exonérations, de la valeur du SMIC en vigueur sur la période d’emploi (il ne sera pas fixé par décret à paraitre comme c’est prévu pour la réduction générale des cotisations patronales dans la réforme 2025).
LFSS pour 2025, art 18, IX
La LFSS pour 2025 habilite aussi le gouvernent à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour modifier certaines règles relatives aux exonérations dégressives de cotisations. Ces ordonnances doivent être prises dans un délai de 6 mois suivant la promulgation de la loi, soit avant le 1er septembre 2025. Le projet de loi de ratification devra ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter de la publication de l’ordonnance.
LFSS pour 2025, art 18, X
Doctrine administrative (art 18, VI)
Au travers des réformes sur les allègements généraux prévues par l’article 18, cet article vient aussi traiter de l’opposabilité des positions de l’administration auprès des cotisants en modifiant l’article L. 243-6-2 du Code de la Sécurité sociale, notamment pour tenir compte de la création du site internet du BOSS.
Faute de date d’entrée en vigueur spécifique pour cette partie de l’article 18, ces nouveautés s’appliquent dès le 28 février 2025.
LFSS pour 2025, in fine
La LFSS élargit le champ d’application du mécanisme d’opposabilité de la doctrine :
- De la législation relative aux « cotisations et contributions sociales » à celle relative aux « cotisations et contributions de sécurité sociale ou recouvrées par les organismes dans les conditions prévues au présent titre», à savoir les ressources du régime général,
- Des circulaires ou instructions « du ministre chargé de la sécurité sociale » aux circulaires et instructions « ministérielles», englobant ainsi la doctrine émanant d’autres ministères,
- Des seules Urssaf, Acoss et Caisses générales de sécurité sociale (CGSS) à l’ensemble des organismes « chargés du recouvrement» des cotisations et contributions. Selon les travaux parlementaires, cette modification permet d’inclure les cotisations et contributions de sécurité sociale calculées sur le fondement des règles du régime général mais recouvrées par la MSA.
LFSS pour 2025, art 18, VI, 1° ; C. Séc. Soc. art L. 243-6-2, I modifié
Le mécanisme d’opposabilité est aussi applicable aux cotisations des institutions et fédérations d’institutions de retraite complémentaire obligatoire, soit notamment en pratique l’Agirc-Arrco. La LFSS pour 2025 complète l’article L. 243-6-2 du Code de sécurité sociale pour y inclure l’Ircantec.
LFSS pour 2025, art 18, VI, 2° ; C. Séc. Soc. art L. 243-6-2, II modifié
Il avait été introduit au sein de l’article l. 243-6-2 la référence, au 1er janvier 2019, d’un site internet présentant l’ensemble des instructions et circulaires relatives à la législation applicable en matière d’allègements et de réductions de cotisations et contributions sociales mises à disposition des cotisants. Ce point a été modifié pour prendre en compte la création effective du site du BOSS[6] au 1er avril 2021. Ainsi, le texte prévoit la publication sur le site du BOSS de l’ensemble des instructions et circulaires relatives à la législation applicable en matière de cotisations et contributions de sécurité sociale et autres contributions recouvrées par les organismes de recouvrement (Urssaf, MSA, CGSS, organismes de retraite complémentaire légalement obligatoire (Agirc-Arrco ou Ircantec)).
LFSS pour 2025, art 18, VI, 3° ; C. Séc. Soc. art L. 243-6-2, III modifié
Autrement dit, la doctrine publiée sur le site du BOSS est opposable à une grande majorité des organismes de recouvrement, allant ainsi vers une unification de l’interprétation des règles.
Info : Pour rappel, l’opposabilité des interprétations portées par les organismes de recouvrement permet à un cotisant, lors d’un contrôle ou d’un contentieux, d’invoquer comme moyen de défense ces documents.
Ainsi, il est désormais prévu que lorsqu'un cotisant a appliqué la réglementation relative aux cotisations et contributions de sécurité sociale (ou celles recouvrées dans les mêmes conditions) selon l'interprétation admise par une circulaire ou une instruction ministérielle publiée dans les règles, les organismes chargés du recouvrement ne peuvent demander à réaliser une rectification ou, lors d'un contrôle, procéder à aucun redressement pour la période pendant laquelle le cotisant a appliqué l'interprétation alors en vigueur, en soutenant une interprétation différente de celle admise par l'administration.
En pratique, si le cotisant a appliqué une interprétation ou tolérance publiée sur le site du BOSS, l’Agirc-Arrco, par exemple, ne peut pas demander à corriger selon sa propre interprétation.
Travailleurs occasionnels – demandeurs d’emploi (TO-DE) (art 8)
Depuis la LFSS pour 2019, le dispositif « travailleurs occasionnels – demandeurs d’emploi (TO-DE) » du régime agricole étaient en sursis. La LFSS pour 2019 prévoyait le maintien de l’exonération « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) » jusqu’au 31 décembre 2020. A compter du 1er janvier 2021, cette population basculait dans le droit commun de l’allègement général de cotisations patronales (AGCP). L’article 16 de la LFSS pour 2021 puis l’article 8 de la LFSS pour 2023 ont prévu un report de ce basculement de l’exonération TO-DE vers la réduction générale des cotisations patronales au 1er janvier 2026.
LFSS pour 2021, n°2020-1576 du 14 décembre 2020, art 16 ; LFSS pour 2023, n°2022-1616 du 23 décembre 2022, art 8 ; LFSS pour 2019 n°2018-1203, art 8, III modifié
La LFSS pour 2025 abroge le 4° du III de l’article 8 de la LFSS pour 2019 qui actait la bascule vers la réduction générale des cotisations patronales du régime TO-DE. Désormais, cette exonération de cotisations patronales pour l’emploi des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi du régime agricole est pérennisée.
LFSS pour 2025, art 8, II ; LFSS pour 2019 n°2018-1203, art 8, III, 4° abrogé
Par ailleurs, la LFSS apporte deux modifications à cette exonération TODE :
- Elle apporte une base légale à la hausse de 1,20 SMIC à 1,25 SMIC du plafond de la rémunération mensuelle pour prétendre à l’exonération totale des cotisations et contributions dues au titre des périodes d’emploi courant depuis le 1er mai 2024. En pratique, pour rappel, ce relèvement avait été annoncé par le BOSS dans une actualité en date du 30 avril 2024[7].
LFSS pour 2025, art 8, I, 2°; C. Séc. Soc. Art L. 741-16, I modifié
En somme, depuis le 1er mai 2024, l’exonération de cotisations est totale pour les rémunérations mensuelles inférieures ou égales à 1,25 SMIC, dégressive pour celles comprises entre 1,25 SMIC et 1,6 SMIC et devient nulle pour les rémunérations mensuelles égales ou supérieures à 1,6 SMIC.
- Elle neutralise les effets de la réforme des allègements généraux prévue par l’article 18 de la LFSS pour 2025 (cf ci-avant), en cristallisant au 1er janvier 2024 la rédaction de l’article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale. Ainsi, le champ des cotisations et contributions sociales concernées par le dispositif TO-DE restera inchangé.
LFSS pour 2025, art 8, I, 1° ; C. Séc. Soc. Art L. 741-16, I modifié
Actions gratuites (art 19)
L’article 19 de la LFSS pour 2025 modifie l’article L. 137-13 du Code de la sécurité sociale fixant le taux de la contribution patronale assise sur le gain d’acquisition des actions gratuites.
En effet, par principe, le gain d’acquisition résultant pour un salarié de l’attribution d’actions gratuites par son employeur est exclu de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, sous réserve d’une obligation déclarative de la part de son l’employeur (C. Séc. Soc. art L 242-1, II, 6° et L. 214-14). En contrepartie – et sauf exception limitativement énumérée – ce gain d’acquisition est soumis à une contribution patronale spécifique due sur la valeur des actions à la date d’acquisition par le salarié bénéficiaire, et exigible le mois suivant cette date.
La LFSS pour 2025 ne change nullement les conditions de déclenchement ou les employeurs assujettis à cette contribution patronale sur les actions gratuites. Elle fait seulement évoluer le taux de cette contribution patronale de 20% à 30%, et ce à compter du 1er jour du mois suivant la date de publication de la loi. Autrement dit, à partir du 1er mars 2025.
LFSS pour 2025, art 19 ; C. Séc. Soc. Art L. 137-13, II, 2° modifié
Info : Dans une publication BOSS du 12 mars 2025, l’administration a confirmé l’absence de référence, pour l’entrée en vigueur de ce nouveau taux, à la date d’attribution des actions prises par l’assemblée générale. C’est en effet la date de l’acquisition définitive des actions qui va déterminer l’application du taux de 20% ou 30%.
Autrement dit, des actions attribuées avant le 1er mars 2025 et dont l’acquisition définitive se fait postérieurement au 1er mars 2025 se verront appliquées le taux de 30% pour la contribution patronale sur le gain d’acquisition des actions gratuites.
Et côté déclaratif ?
Par mail du 14 mars 2025, l’Urssaf CN nous a indiqué que le CTP 268 devra être utilisé pour déclarer la contribution patronale au taux de 30% pour les actions gratuites acquises à compter du 1er mars 205.
Le CTP 551 permettant de déclarer la contribution au taux de 20% sera fermé à la date d’effet du 28 février 2025, en sachant qu’il sera utilisable pour régulariser les périodes antérieures au 1er mars 2025.
Mesures relatives aux apprentis (art 22 et 23)
Les mesures relatives aux apprentis ont fait l’objet d’une contestation auprès des Sages du Conseil Constitutionnel, sans que ceux-ci ne décident pour autant de censurer les nouveautés prévues dans la LFSS pour 2025.
Deux articles modifient le régime social applicable à la rémunération des apprentis, il s’agit des articles 22 concernant l’assujettissement à CSG des rémunérations versées aux apprentis et 23 concernant le seuil d’exonération applicable aux apprentis. En somme, le régime est durci.
LFSS pour 2025, art 22, I, 1° et 2°, VI et 23 ; C. Séc. Soc. Art L. 136-1-1 et C. Trav. art L. 6243-2 modifiés
Ces nouveautés s’appliquent aux contrats d’apprentissage conclus à partir du 1er mars 2025, premier jour du mois suivant la publication de la loi au Journal Officiel, étant précisé tout de même qu’un décret à paraitre doit fixer réellement le seuil de l’exonération salariale.
LFSS pour 2025, art 22, VI et 23, II
En somme, à partir des contrats d’apprentissage conclus dès le 1er mars 2025, le régime social applicable à la rémunération des apprentis se décline comme suit :
- L’exonération salariale applicable mensuellement à la rémunération versée à l’apprenti ne peut excéder un plafond égal à 50% du SMIC (contre 79% du SMIC antérieurement à la LFSS pour 2025). Un décret à paraitre doit venir modifier-remplacer le pourcentage fixé par l’article D. 6243-5 du Code du travail.
- La rémunération versée à l’apprenti sera assujettie à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité pour sa fraction au-delà de 50% du SMIC. Jusqu’à la LFSS pour 2025, la rémunération versée aux apprentis n’était pas assujettie à la CSG-CRDS sur revenus d’activité.
Info : La date d’entrée en vigueur prévue par les articles 22 et 23 « aux contrats conclus à partir du 1er mars 2025 » signifie bien que deux régimes social applicables aux rémunérations versées aux apprentis vont coexister :
- celui antérieur à la LFSS pour 2025 (exonération salariale jusqu’à 79% du SMIC et pas de CSG-CRDS) dès lors que le contrat aura été conclu avant le 1er mars 2025 et jusqu’à son terme ;
- celui posé par la LFSS pour 2025 (exonération salariale jusqu’à 50% du SMIC et assujettissement à la CSG-CRDS pour la fraction de revenu au-delà de 50% du SMIC, étant toutefois précisé qu’à date nous sommes toujours en attente du décret à paraitre) dès lors que le contrat aura été conclu à partir du 1er mars 2025.
Effectif (art 25)
La LFSS pour 2024 a modifié les modalités de calcul de l’effectif sécurité sociale, à compter d’une date fixée par décret à paraitre et au plus tard à compter du 1er janvier 2026, pour les groupements d’employeurs, avec pour objectif les principes suivants :
- L’effectif du groupement d’employeur ne tient pas compte des salariés mis à disposition auprès d’entreprises utilisatrices, hormis pour la cotisation accident du travail-maladie professionnelle où ils sont pris en compte ;
- En parallèle, l’effectif de l’entreprise utilisatrice comptabilise les salariés mis à disposition par un groupement d’employeur, à proportion de leur temps de travail, hormis pour la cotisation accident du travail-maladie professionnelle de cette entreprise utilisatrice où ils ne sont pas pris en compte.
LFSS pour 2024, n°2023-1250, art 21 ; C. Séc. Soc. Art L. 130-1 modifié
La LFSS pour 2025 fait un retour arrière sur ce pan de la LFSS pour 2024. Ainsi, la LFSS pour 2025 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2025, les salariés des groupements d’employeurs sont déterminés comme suit :
- Les salariés mis à disposition d’un ou plusieurs membres du groupement d’employeurs sont exclus de l’effectif sécurité sociale du groupement, sauf en ce qui concerne la tarification ATMP où ils sont comptabilisés,
- Les salariés mis à disposition d’un ou plusieurs membres du groupement d’employeurs sont aussi exclus de l’effectif sécurité sociale de l’entreprise utilisatrice, en sachant que l’exclusion concerne aussi la tarification ATMP de l’entreprise utilisatrice où ils ne sont pas pris en compte.
LFSS pour 2025, art 25 ; Loi n°2023-1250 du 26 décembre 2023, art 21 modifié
Autrement dit, la LFSS pour 2025 supprime le transfert d’effectifs vers les entreprises utilisatrices, en ayant pour conséquence que les salariés mis à disposition d’une entreprise utilisatrice ne seront comptabilisés ni dans l’effectif du groupement d’employeurs (sauf pour la tarification ATMP) ni dans celui de l’entreprise utilisatrice.
Mesures diverses
La LFSS pour 2025 modifie aussi un certain nombre de pans, qui ne seront toutefois pas développés ici :
- Service civique et volontariat associatif (art 17) : Le service civique permet à une personne volontaire d’effectuer une mission d’intérêt général auprès d’une personne morale agréée de droit public ou privé sans but lucratif (associations notamment). Jusqu’à la LFSS pour 2025, aucune précision n’était apportée pour définir le régime social des indemnités de subsistance (équipement, logement, transport) versées en pratique en plus de l’indemnité mensuelle. Désormais, il est explicitement indiqué que cette indemnité de subsistance est exonérée de cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle (CSN, art L. 120-19).
- Rente ATMP (art 90) : A compter du 1er juin 2026 au plus tard (date à fixer par décret à paraitre), les modalités de calcul des indemnités versées en rente ou en capital en cas d’incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle seront révisées pour y intégrer la réparation du déficit fonctionnel permanent (c’est-à-dire les incidences du dommage sur la sphère personnelle de la victime après consolidation, y inclus notamment les souffrances physiques et morales endurées), impliquant que cette réparation ne pourra plus être demandée à l’employeur en cas de faute inexcusable.
- Mutualisation des coûts des maladies professionnelles différées (art 20) : la réforme des retraites de 2023 a acté le principe d’une mutualisation du coût des maladies professionnelles entre les employeurs embauchant des seniors, pour dépasser les réticences éventuelles de certaines entreprises à embaucher des salariés âgés par crainte d’une répercussion sur leur tarification ATMP. Des arrêtés devaient être pris. La LFSS pour 2025 étend cette mutualisation à l’embauche de salariés bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (BOETH). Un décret à paraitre est nécessaire.
- Mesures anti-fraude (art 26) : la LFSS comporte quelques mesures visant à lutter contre la fraude :
- L’employeur est informé en cas de fraude d’un assuré aux indemnités journalières maladie ou ATMP (art 26, III, 1°). Cela dit, les conséquences sur l’indemnisation complémentaire éventuellement versée par l’employeur restent assez floues, en tout cas non documentées dans le texte ou les travaux parlementaires. D’autant que la Cour de Cassation considère que les dispositions subordonnant l’indemnisation de la maladie à la condition que l’absence soit prise en charge par la sécurité sociale n’impliquent pas nécessairement la perception pour le salarié d’une prestation de la part de la caisse d’assurance maladie (Cass. Soc. 14 octobre 1998, n°96-40.682 P ; Cass. Soc. 24 juin 2020, n°18-23.869 F-PB).
- Un décret à paraitre doit déterminer et renforcer les conséquences du contrôle réalisé pour le compte de plusieurs organismes (art 26, III, 2° et IV).
- Le droit de communication est étendu aux directeurs et directeurs comptables et financiers des Urssaf, pour l’obtention de documents ou d’informations auprès de personnes physiques ou morales ayant entretenu des relations professionnelles avec le cotisant dans le cadre des actions de contrôle et de lutte contre la fraude (art 26, III, 3°).
- Pour mieux contrôler les prélèvements sociaux dus par les entités étrangères sans établissement en France, la LFSS pour 2025 prévoit que les pièces déposées au registre national des entreprises (RNE) en vue d’une immatriculation, d’inscription modificative ou de radiation d’une entreprise étrangère sans établissement en France doivent être validés par une Urssaf désignée par le directeur de l’Urssaf caisse nationale (art 26, I, 2°).
- Jeunes entreprises innovantes (JEI) (art 22, V) : Est réhaussé le seuil de dépenses consacrées à la recherche et développement pour qualifier une entreprise de JEI de 15% à 20% à compter du 1er mars 2025. En parallèle, la LFSS adapte également la fourchette du niveau de dépenses de R&D pour l’éligibilité au statut de JEC (jeunes entreprises de croissance) pour qu’elles représentent entre 5% et 20% des charges fiscalement déductibles.
Elodie Puiroux
Responsable Veille légale et DSN
[1] Loi n°2025-199 de financement de la sécurité sociale pour 2025 du 28 février 2025, JO du 28, n°0051, disponible au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2025/2/28/2025-199/jo/texte
[2] Décision du Conseil Constitutionnel n°2025-875 DC du 28 février 2025, JO du 28 février 2025, n°0051
[3] Précisément, l’article 20 de la LFSS pour 2024 (n°2023-1250 du 26 décembre 2023) prévoit que la rémunération maximale permettant de bénéficier des réductions de taux des cotisations patronales d’assurance maladie et d’allocations familiales est fixée par décret à un montant qui ne peut être inférieur à 2,5 et 3,5 SMIC applicable au 31 décembre 2023, sans pouvoir descendre en dessous de 2 fois le SMIC en vigueur sur l’année concernée. C’est le décret n°2023-1329 du 29 décembre 2023 qui a fixé ces seuils à 2,5 et 3,5 SMIC applicable au 31 décembre 2023.
[4] Ce comité est composé de deux députés et de deux sénateurs, et à parts égales, de représentants des administrations compétentes et des représentants des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales. Le comité est placé auprès du Premier ministre et présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre. Un décret à paraitre fixera la composition, les missions et modalités de fonctionnement du comité.
[5] La remarque sur le BOSS est la suivante : « Cette règle de détermination de l’assiette de la réduction et de son coefficient ne s’applique pas aux salariés dont le contrat de travail a pris fin avant le 1er mars 2025 », ce qui semble finalement assez directif.
[6] Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale, au lien suivant https://boss.gouv.fr/portail/accueil.html
[7] Voir au lien suivant : https://boss.gouv.fr/portail/accueil/actualites-boss/2024/avril/relevement-du-plafond-to-de.html ainsi que sur le site de la MSA : https://www.msa.fr/lfp/web/msa/employeur/exonerations-travailleurs-occasionnels