« Pour être performant, l’essentiel est de bien s’entendre » : voilà un cliché de la vie en entreprise, qui est objectivement totalement faux, car la réussite d’une équipe dépend d’abord de la compétence et de la coordination de ses membres.

Pourtant, bien s’entendre étant synonyme de confort relationnel permanent. On pourrait donc considérer que c’est un « mieux » du point de vue émotionnel. Mais cela est vrai uniquement si l’on regarde la situation à partir de notre petit cœur qui sur l’instant, aspire à la paix et veut éviter les conflits.

Car du point de vue de l’efficacité et même du confort émotionnel à long terme, ce n’est pas « mieux ».

En revanche, ce qui est « bien » du point de vue de l’efficacité, c’est le challenge, la contradiction, les points de vue qui s’affrontent, le parler vrai, la circulation de l’information, le feedback sincère, le frottement des expériences, l’esprit critique, la compétition parfois (mais pas toujours) ... toutes choses qui peuvent amener des frictions à court, moyen ou long terme.

Alors pourquoi restons-nous bloqués dans des situations où nous privilégions la paix sociale, alors qu’une discussion vigoureuse serait plus saine et porterait de meilleurs fruits ?

  • Le conformisme :

Aller à contre-courant de ce qui se fait dans notre entreprise ou notre collectif ne va pas de soi. L’ego aidant, nous sommes nombreux à nous rêver en iconoclastes, alors que nous sommes majoritairement moutonniers. La nature humaine est ainsi faite : nous sommes des animaux sociaux. Le groupe est important pour nous. Être regardé de travers, tenu à l’écart ou « banni » est très difficile à vivre. C’est dangereux. C’est coûteux. Voilà pourquoi nous maintenons souvent nos comportements dans les limites de ce que notre groupe considère comme acceptable. C’est tout simplement le poids social qui pèse sur nous.

  • Le goût du statu quo :

Comme le dit la sagesse populaire « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », et si nos situations actuelles nous gênent parfois aux entournures en raison des non-dits et des tabous, elles ont au moins le bénéfice de la familiarité, du connu. En sortir apportera à coup sûr une dose d’inconfort, d’incertitude, de nécessaire adaptation. Le changement, même espéré, nous fait d’abord percevoir le risque de la perte.

  • Le dogmatisme :

Nous avons parfois une mauvaise perception de ce qu’est la bienveillance. Être bienveillant ce n’est pas être permissif ou systématiquement approbateur. Signaler à quelqu’un qu’il est dans l’erreur, cela peut lui être extrêmement bénéfique. La nuance est dans le tact pour dire les choses.

De même, juger l’autre n’est pas nécessairement une mauvaise idée. (Car si nous ne jugeons rien alors cela implique que tout se vaut). Il faut simplement distinguer le fait de « juger », c’est-à-dire d’avoir une opinion, une appréciation de valeur, d’une part, et le fait de « condamner » d’autre part.

Nous avons tous des croyances plus ou moins conscientes. Il n’est pas simple de « penser contre soi », et de se mettre en observateur de l’aspect absurde et/ou limitant de ses convictions personnelles ou collectives.

  • Le manque d’outils pour faire autrement :

Sortir du consensus mou, oui, mais comment ? Même si on sent, même si on voit, que le maintien d’une entente factice dans l’équipe ne donne pas de bons résultats, ce constat ne nous donne pas pour autant le mode d’emploi pour en sortir. Nous sommes perdus parfois devant l’ampleur de la tâche, par où commencer ? A qui parler en premier ? Sur quel ton ? Sous quel angle ? A quel moment ? Je propose pour ma part de commencer simplement en posant des questions ouvertes pour « tester l’eau de la piscine ».

  • La peur, les peurs :

Nous pouvons être inquiets à juste titre de l’impact sur l’autre qu’une attitude nouvelle, plus franche, plus spontanée, pourrait avoir. (Et aussi des conséquences pour soi qui pourraient revenir en boomerang)

Peur de blesser, peur de fâcher, peur de choquer, peur de rompre la relation, peur du ridicule … la liste de nos peurs est sans fin. Il n’y a pas vraiment de manière simple de traiter ces peurs. Peut-être en parler à une personne de confiance, tout simplement. Les affronter et prendre ses responsabilités.

  • La positivité toxique :

Certaines personnes, certaines organisations, privilégient à outrance « le positif ». En témoigne cet adage totalement contre-productif qui a fait florès dans les organisations : « Ne m’apportez pas des problèmes, apportez-moi de solutions ». Une injonction bien à même de tuer dans l’œuf la lucidité et les élans des lanceurs d’alertes, qui ne sont évidemment pas toujours en mesure de savoir comment résoudre les dysfonctionnements qu’ils constatent. Faut-il bâillonner les vigies qui ne peuvent pas arrêter les bateaux ivres ? La positivité toxique, c’est aussi cette injonction à aller bien et/ou à se concentrer sur qui va bien. Elle artificialise les relatons et nous isole dans nos émotions et nos pensées. A terme, cela tue la créativité et l’efficacité.

  • Le manque d’exemplarité côté hiérarchie

Imaginons qu’il existe des organisations avec des chaînes hiérarchiques adeptes du « pas de vague », ou des compromis déraisonnables, ou de la poussière sous le tapis, ou du déni… ça ne peut pas exister ! Si ? ça existe ? Mince alors ! J’avoue, je ne vois pas de solution simple à une situation pareille. Faire bouger les pratiques dans une organisation où la hiérarchie est rétive, cela me parait héroïque.

En conclusion : sortir du pseudo-confort du consensus stérile est l’affaire de tous.

Oui, individuellement, chacun d’entre nous peut être tenté de ne pas s’affirmer et de sacrifier la vérité des faits sur l’autel de la paix sociale. Et pour d’excellentes raisons si nous savons que notre carrière sera impactée par tout mouvement « en dehors des clous ». Mais le coût individuel et collectif est trop grand !

Managers et organisations : ne tirez pas sur les messagers et encouragez le parler vrai et le feedback sincère. Vous récolterez de l’information, augmenterez la confiance et verrez la différence en matière de résultat.

N’oubliez pas : le réel se venge toujours quand on tente de le mépriser !

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