Pénuries de compétences et transformation du rapport au travail : ce contexte impose de repenser la relation entre l’entreprise et ses collaborateurs. Toute entreprise veut mettre en œuvre ce qui lui permettra d’attirer, de retenir et de générer un engagement renforcé.

Le challenge n’est pas inatteignable ! Le projet mené par Auchan Italie a ainsi permis de faire passer le taux d’engagement des collaborateurs de 40 à 72% en six mois. Mais cela suppose de ne pas se tromper de diagnostic et de déployer une réponse complète.

Fadaises et billevesées

Grande démission ? Les chiffres de la DARES montrent que le pourcentage de démissionnaires (2,1% par trimestre dans les entreprises de plus de 50 salariés) est certes un peu plus élevé que dans la période précédente, mais qu’il n’est pas inédit au regard de son caractère cyclique. « La grande démission est un mythe » écrit l’Institut Montaigne.

Quiet quitting ? 77% des salariés estiment faire plus que ce qui est attendu d’eux, 21% ce qui est attendu d’eux et 2% parfois moins (source des chiffres cités dans cette chronique : enquêtes IFOP). Quant à la prétendue « grande flemme » montée en épingle par la Fondation Jean Jaurès, elle n’a fait le buzz que pendant quelques semaines dans les médias avant d’être déconstruite par le même organisme dans une autre de ses études.

Dans les prises de position actuelles sur le rapport au travail, les approximations sont nombreuses, avec des notions simplistes et non conformes à la réalité qui génèrent de l’emballement. Cela n’aide pas à poser un diagnostic pertinent et à agir efficacement sur le niveau d’engagement des collaborateurs.

Alors quel diagnostic ?

Ce que nous observons dans les entreprises que nous accompagnons est corroboré par les chiffres :

  1. Ce n’est pas le travail en lui-même qui est en cause : 84% des salariés considèrent que le travail est important, même si le refus de sacrifier sa vie extra-professionnelle a grandi.
  2. Il n’y a pas de désinvestissement des collaborateurs dans leur activité, au regard du pourcentage élevé qui estime faire plus que ce qui est attendu d’eux.
  3. Ce qui se joue chez de nombreux salariés relèverait plus d’une distanciation par rapport à l’entreprise, croissante depuis plusieurs années.

Pour valider cette hypothèse et approfondir l’analyse de ce qui se joue, la distinction entre lien affectif et dimension rationnelle est décisive.

Le lien affectif renvoie à l’attachement du collaborateur à l’entreprise et au sentiment d’appartenance. Début 2023, seuls 20% des salariés se disent fiers de travailler pour leur entreprise, contre 38% en 2005. Le lien affectif est donc en chute libre.

La dimension rationnelle est quant à elle basés sur l’équilibre perçu par le collaborateur entre sa contribution et les éléments de rétribution liés au contrat social construit par l’entreprise. Aujourd’hui, 48% des salariés estiment retirer moins de leur travail que ce qu’ils donnent. Ce chiffre était de 25% en 1993.

La crise sanitaire a certes accéléré ces évolutions. Mais elles sont plus anciennes et renvoient à des tendances lourdes qui ne peuvent être traitées par des artifices.

Lien affectif et dimension rationnelle à la baisse : l’entreprise doit donc faire face à un double défi. Sachant qu’il a été démontré que les organisations qui ont généré le niveau d’adhésion le plus élevé chez leurs collaborateurs sont celles qui ont agi à la fois sur l’un et l’autre de ces deux leviers.

Développer le lien affectif

Le lien affectif se renforce lorsque des éléments de sens sont partagés, dans un monde fortement carencé en la matière. Le besoin est largement exprimé, il va croissant depuis plusieurs années et il a encore été renforcé par la crise sanitaire.

L’entreprise peut construire la base de ce lien affectif en définissant sa mission, en construisant un projet partagé, en mettant en œuvre des valeurs fortes. Pour ne prendre qu’un exemple, le niveau de fierté des collaborateurs du groupe MAIF est élevé.

Là où la démarche pèche, c’est quand ces éléments de sens sont perçus comme relevant de la seule communication et du social washing. Comment un collaborateur pourrait-il être spontanément en confiance quand il a vu un de ses parents se faire débarquer sans ménagement par son employeur, un proche souffrir d’un manager défaillant, sa candidature rejetée sans même une réponse formelle ?

Développer le lien affectif suppose donc de partager des éléments de sens, mais aussi de renforcer la confiance et la qualité du lien. Pour cela, l’entreprise a un impératif de réciprocité dans la qualité de la relation. Du processus de recrutement au départ du collaborateur, dans les pratiques de management qu’elle promeut comme dans les décisions RH qu’elle prend, elle va devoir systématiquement faire preuve de respect, de transparence, d’équité et de reconnaissance.

Pour y parvenir, elle peut par exemple formaliser et déployer les engagements qu’elle prend quant à ses comportements vis-vis de ses collaborateurs, sous la forme d’une charte de confiance.

Agir sur la dimension rationnelle

Sur quel aspect RH l’entreprise doit-elle investir en priorité pour faciliter le déploiement de son projet stratégique ? C’est sur cet axe qu’elle doit devenir un employeur de référence, puisqu’avec cette approche, le social servira l’économique.

Elle devra également avoir traité les irritants. Le contexte actuel d’inflation avec ses conséquences sur le pouvoir d’achat fait que les décisions en matière de rémunération peuvent rapidement en devenir un. Les enquêtes font également apparaître un sentiment d’augmentation de la charge et de l’intensité du travail qui ne peut être ignoré.

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