Quel est le déterminant des priorités RH de l’entreprise ? Elles découlent parfois en premier lieu d’une volonté de répondre aux attentes des collaborateurs ou aux demandes ponctuelles des dirigeants. Elles peuvent aussi s’aligner sur ce qui émerge du débat public.

Ces approches ont toutes la même conséquence : positionner les RH comme un coût. Le social et l’économique sont alors contraires. Tout euro additionnel dépensé en RH viendra amputer les résultats de l’entreprise. Une telle conception reste très présente chez les dirigeants d’entreprise, au-delà des discours obligés.

De nombreux DRH savent qu’investir en RH peut rapporter gros. Mais pour obtenir l’adhésion des décideurs et les budgets qui correspondent, en rester au stade des principes est insuffisant. Le retour sur investissement doit être démontré.

De la conviction à la démonstration

Il est bien sûr possible de mettre en évidence que non traitées, certaines situations concrètes vécues par les collaborateurs peuvent entraîner un désengagement dont les manifestations (absentéisme, turn-over, difficultés de recrutement accrues, etc.) entraîneront une destruction de valeur. De même, l’équation démontrée par de multiples études selon laquelle l’épanouissement au travail génère de l’engagement, celui-ci impactant directement la performance, pourrait sembler suffisante. Mais la difficulté du chiffrage nous ramène là-aussi sur le terrain de la conviction individuelle.

Démontrer le retour sur investissement de budgets RH suppose d’avoir identifié au préalable les priorités RH qui vont permettre de générer une croissance du chiffre d’affaires et du résultat. Or l’entreprise crée ainsi de la valeur quand elle réussit l’implémentation effective de la stratégie qu’elle a définie : en renforçant ses facteurs de différenciation sur ses marchés, en faisant vivre son business model et en déployant ses axes stratégiques de développement. Avec, en arrière-plan de ces composantes de la stratégie, la matérialisation de sa raison d’être lorsqu’elle a été formalisée. S’il se révélait possible de mettre en évidence, voire de quantifier la contribution des projets RH prioritaires à la mise en œuvre de cette stratégie, la démonstration serait faite.

Pourtant rares sont les organisations qui mettent en œuvre une démarche structurée de déclinaison de leurs choix stratégiques en priorités RH. Il est vrai que l’exercice n’est pas simple et suppose un savoir-faire particulier, peu partagé. « Nous avons déjà suffisamment à faire en RH. Si en plus il faut s’occuper de stratégie ! » affirmait le DRH d’un grand groupe du secteur du tourisme.

Une illustration

Un groupe du secteur de l’agroalimentaire a récemment formalisé son ambition RH et les projets RH en découlant, puis œuvré à la validation des budgets requis pour mettre en œuvre ces projets. L’entreprise avait défini il y a quelques mois son projet stratégique. L’approche a tout d’abord consisté à croiser chaque élément de ce projet stratégique avec les différentes dimensions RH, de manière à pouvoir ainsi identifier celles sur lesquelles il fallait « miser » plus particulièrement pour permettre la matérialisation effective de la stratégie du groupe. À l’issue de cette première étape, menée en interviewant les dirigeants et en associant son équipe, le DRH disposait d’une ambition RH alignée sur la stratégie, détaillant les contributions apportées par les RH à la mise en œuvre de celle-ci.

Le budget requis pour mettre en œuvre cette ambition RH dans son intégralité était plus que significatif. La seconde étape a donc consisté à préparer la validation par l’organe de direction des moyens nécessaires. Pour cela, quatre scénarios alternatifs ont été élaborés. Pour chacun, ce sont certes les investissements requis qui ont été quantifiés. Un travail mené en coopération avec la Direction Financière a également permis de modéliser de façon détaillée les impacts de chacun des projets RH sur le chiffre d’affaires et le résultat de l’entreprise. 

Le premier scénario prévoyait un maintien en l’état, sans investissements RH additionnels, avec des risques de différentes natures dont la matérialisation aurait détruit de la valeur et dégradé de façon significative le résultat.

Le deuxième scénario, de nature défensive, se limitait à traiter ces risques majeurs. Il supposait pour cela des investissements déjà significatifs, notamment en matière de conditions de travail sur les sites de production. Mais il ne créait pas de valeur pour autant et ne générait pas de retour sur investissement.

C’est entre les deux derniers scénarios que les dirigeants ont débattu et arbitré. Le troisième, version intermédiaire, prévoyait la mise en œuvre de l’ambition RH en 5 ans, avec un impact fort sur le chiffre d’affaires (croissance additionnelle de 5% par an) et sur le résultat additionnel généré. Le dernier, planifiait un déploiement sur 3 ans et permettait à l’entreprise de devenir un employeur de référence. Avec un coût additionnel de 12%, il permettait de porter la croissance du chiffre d’affaires à 10%.

Trois leviers ont conduit le Comité Exécutif à valider cette dernière version de l’ambition RH et les budgets correspondants. Tout d’abord une volonté forte de voir la stratégie effectivement mise en œuvre. Ensuite la logique imparable de déclinaison de cette stratégie en projets RH à laquelle ils avaient contribué. Enfin le sérieux de l’approche de quantification budgétaire associée, cautionnée par le contrôle de gestion.

Un impératif pour les DRH

Plus encore en France que dans d’autres pays, l’opposition entre économique et social a conduit à cantonner de nombreux DRH au seul champ des ressources humaines, quitte à les y enfermer. Mais si les transformations du travail font potentiellement du levier humain le premier facteur de création de valeur demain, la démonstration économique doit prendre le relais de la seule conviction.

Cela suppose que les DRH sortent plus qu’aujourd’hui de leur zone de confort, en développant un savoir-faire et des approches structurées en matière de stratégie d’une part, de contrôle de gestion d’autre part. C’est à cette condition qu’ils disposeront des moyens nécessaires à la matérialisation de cette ambition.

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