Les entreprises se plaignent de difficultés à recruter. Elles déplorent aussi l’infidélité des embauchés.

Doit-on en conclure que les « nouveaux » salariés sont « par nature », difficiles à séduire d’abord, puis ensuite… particulièrement volages ?

Ou doit-on constater que les salariés font des choix rationnels et maximisateurs en fonction de leurs constats ?

Or, qu’ont constaté les travailleurs depuis des dizaines d’années ?

Que les entreprises sont elles-mêmes infidèles et ingrates, et qu’un salarié vieillissant est un salarié dont on va chercher à se débarrasser plus ou moins élégamment, quels qu’aient été ses bons et loyaux services passés.

Les jeunes observent et voient ce qui arrive « aux anciens » dans les entreprises. Ils ont aussi l’exemple de leurs parents sous les yeux. Comment peut-on exiger d’eux une fidélité, une loyauté, que globalement, les entreprises ne délivrent pas ? (Même s’il y a bien entendu de nombreuses exceptions)

Si les jeunes sont devenus cyniques vis-à-vis du monde du travail, qui leur a appris ?

A l’heure où « la quête de sens », semble plus ou moins turlupiner les esprits, qu’est-ce que cette massive absence de cheveux gris dit des entreprises ?

Quelle info délivre-t-elle aux (plus ou moins) jeunes qui arrivent en poste, si ce n’est l’absence de perspective et de reconnaissance ?

Ils le savent : « Cette personne débarquée, ce sera toi demain ! Ne t’investis pas dans une entreprise qui n’investit pas elle-même sur toi ! »

Et ce n’est pas seulement une impression : le taux d’emploi des 55-64 ans en France est de 56%, alors qu’il est de 71,8 % en Allemagne. ( Dares )

Cette manière qu’ont les entreprises françaises de se séparer des seniors contribue à ruiner la confiance que l’employé voue à son employeur.

Or, nous savons que la confiance est le moteur implicite de nos sociétés. Kenneth Arrow « Nobel » d’économie, affirmait même : " Virtuellement tout échange commercial contient une part de confiance, comme toute transaction qui s’inscrit dans la durée. On peut vraisemblablement soutenir qu’une grande part du retard de développement économique d’une société est due à l’absence de confiance réciproque entre ses citoyens." (…) Ce constat n’est pas surprenant, car la confiance favorise l’efficacité des entreprises . (…) Ils sont plus réactifs, mieux à même de s’adapter à l’environnement et d’innover. Ils facilitent l’adoption de méthodes efficaces : décentralisation des décisions, organisation horizontale des relations de travail, travail en équipe, valorisation de l’esprit d’initiative et d’innovation."

Nous savons aussi par ailleurs que les pratiques de gestion de carrière font partie des « pratiques organisationnelles vertueuses ».

Il est temps d’additionner deux et deux. Il est temps que les entreprises donnent d’autres signaux, en embauchant et /ou maintenant en poste les seniors. Seniors qui, au-delà de rassurer les juniors, ont potentiellement une foule de caractéristiques intéressantes. Parmi lesquelles :

Maturité et clarté dans les choix de carrière :

Au fil du temps qui passe, les salariés se connaissent eux-mêmes de mieux en mieux. Ils sont conscients de leurs priorités, de leurs besoins et leurs valeurs. Parfois ils ont même déjà ré-évalué leurs choix professionnels et se trouvent devant les recruteurs après une bifurcation de carrière qui dénote une forte motivation et une grande détermination. Dit autrement, un salarié au mitan de sa vie pro et perso a de bonnes chances de se montrer très stable, puisqu’il est au cœur d’un cycle de maturation professionnelle et non à son tout début.

Compétence, sagesse et stabilité émotionnelle:

Les cabosses de la vie ont cela de bon qu’elles nous poussent à nous montrer au fil du temps : plus empathiques, patients et aptes à relativiser les hauts et bas du quotidien. Bien entendu, il serait fallacieux de généraliser excessivement, mais de manière empirique nous constatons qu’une forme de sagesse s’installe en nous avec les années. Ayant traversé quelques tempêtes, (dont parfois « simplement » l’éducation des enfants) la résilience est là, et nous gérons mieux nos émotions, nous communiquons plus efficacement, nous prenons moins la mouche …. Et d’une manière générale, nous avons cumulé des « compétences douces » et des expériences transverses particulièrement précieuses… (dont un éventuel carnet d’adresse)

Apport de diversité pour soutenir la créativité et l’intelligence collective

La cohabitation des profils et des générations permet des échanges de perspectives enrichissants. Les angles morts des uns seront comblés par les curiosités des autres. Chacun pouvant contribuer avec ses richesses et ses forces propres. Quoi de plus valorisant et de gratifiant que de transmettre et de partager savoir-être et savoir-faire, y compris de manière horizontale, quand c’est tour à tour entre le plus jeune et le plus âgé, dans un sens comme dans l’autre ?

Démontrer que l’on investit sur les salariés sur le temps long

Les seniors présents dans l’entreprise vont témoigner des formations auxquelles ils ont eu accès, des opportunités qu’on leur a offertes, des passerelles existantes, du soutien reçu et de la solidarité dans les coups durs … Preuves incarnées qu’il est possible de faire confiance et de s’en trouver gagnant sur la durée, ils seront les meilleurs ambassadeurs de la marque employeur.

En une phrase comme en cent : les seniors en entreprises démontrent des perspectives. Des vraies.

Et dans un contexte ou le recrutement est concurrentiel, les entreprises doivent plus que jamais offrir ce type de profondeur de champ, pour séduire d’abord, retenir ensuite.

Elles doivent démontrer qu’elles sont fiables et qu’elles s’engagent, afin pour elles de recevoir en retour … fiabilité et engagement.

Donner et recevoir : un cycle éternel et une spirale vertueuse.

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