10% des salariés français ont fait, sont en train de « vivre » ou vont faire un burn out au cours de leur parcours professionnel d’après Gaël Châtelain-Berry [1]... Oui, vous avez bien lu, 10 % !

La France se hisse ainsi à la deuxième place, juste après le Japon, sur le podium des pays les plus touchés par le burn out.

Le burn out est donc loin d’être « anecdotique » en France et représente un nombre de salariés et de candidats phénoménal. Pourtant, force est de constater que l’épuisement professionnel demeure profondément tabou au sein des entreprises et des pôles ou services recrutement. Ce sujet est, en effet, rarement abordé et traité.

Pire, nombreux sont les recruteurs - et/ou managers et opérationnels - à évincer purement et simplement du processus de recrutement les candidats ayant révélé avoir fait un burn out.

Un réel « frein » au recrutement …

La principale raison invoquée ? Les candidats ayant fait un burn out sont, à tort, perçus, comme trop « faibles », « fragiles » ou bien encore pas assez « fiables » pour être recrutés. Cela est d’autant plus vrai pour les postes à responsabilités ou de management.

Ils sont perçus comme ne sachant pas gérer le stress et encaisser les critiques et comme étant incapables de travailler sous pression et de respecter des deadlines ce qui dans notre société où la performance est reine et où le droit à l’erreur n’existe pas équivaut à un arrêt de mort, purement et simplement.

Bref, les candidats ayant été victimes d’un épuisement professionnel sont, en quelque sorte, considérés comme de véritables « bombes à retardement » et comme des candidats trop instables.

Aussi, afin d’éliminer tout risque ou à tout le moins de les minimiser, ces candidats sont délibérément écartés des processus de recrutement et bien souvent blacklistés.

C’est malheureux et regrettable mais les candidats ayant le courage et l’honnêteté de faire part de leur burn out en entretien se tirent, dans une grande majorité des cas, littéralement une balle dans le pied. Leur honnêteté, au lieu d’être valorisée, se retourne contre eux et leur porte préjudice.

Etiquetés « fragiles », ils sont stigmatisés et discriminés et auront beaucoup de difficultés à être embauchés par une nouvelle entreprise.

…qui ne devrait pas exister !

Confrontée à de nombreuses reprises durant mon expérience professionnelle à ce genre de réflexions et de comportements, je n’en reste pas moins choquée et médusée.

Cela me choque car j’estime qu’une personne ayant fait un burn out n’est pas forcément plus fragile et plus à risque qu’une autre. Cela voudrait dire que le problème est en fait cette personne et non l’environnement malsain et toxique dans lequel elle a évolué.

Certes, dans un contexte précis, avec un management nocif, ce candidat a vécu un épuisement professionnel. Mais cela ne veut pas dire que cela se reproduira dans un autre environnement plus « normal »

De nombreux spécialistes estiment d’ailleurs que le risque de rechute est très faible. Pourquoi ? Parce que les personnes ayant souffert d’un burn out en ressortent en ayant bien identifié les mécanismes qui les ont amenées à cette situation. Elles ont également appris à s’écouter davantage et à faire attention à elles. Aussi, elles seront en mesure de repérer, très en amont, les premiers signaux et pourront ainsi éviter d’être, à nouveau, prises dans un engrenage malsain.

De plus, que l’on ait ou non de l’empathie pour les personnes étant passé par cette épreuve, il est évident, au vu de l’ampleur du phénomène du burn out en France, qu’il n’est pas tenable de les laisser sur le bas-côté ad vitam aeternam et de ne pas leur donner la possibilité de se réinsérer et de remettre le pied à l’étrier.

Politique de l’autruche & consignes « officieuses »

Or l’écrasante majorité des structures a, jusqu’à présent, opté pour la politique de l’autruche à savoir elles ont décidé … de ne rien faire !

Elles laissent donc les recruteurs, en première ligne, mais également les managers, opérationnels et différentes parties prenantes du recrutement se débrouiller tout seuls. Livrés à eux-mêmes, mal formés et informés pour aborder et traiter ce sujet délicat, les recruteurs font comme ils peuvent … et souvent mal. Ils optent, en effet, très souvent pour la minimisation des risques et rejettent ces candidatures.

Et ça, c’est dans le meilleur des cas. D’autres organisations, quant à elles, préconisent « officieusement » à leurs recruteurs de détecter le plus tôt possible ces profils considérés comme particulièrement à risque et de les écarter soigneusement.

Ces deux manières « d’aborder » cette problématique me semblent totalement inopérantes et, surtout, elles ne sont clairement pas au niveau de cet enjeu de société !

Responsabilité sociétale & politique volontariste

Premier maillon de la « chaine de l’emploi », il est grand temps que les entreprises (et les recruteurs) assument enfin leur forte responsabilité sociétale sur ce sujet et qu’elles se retroussent les manches !

Elles ne peuvent plus feindre de ne pas voir l’ampleur de cette problématique et de ses impacts et ne doivent plus laisser perdurer des situations inacceptables et des non-dits.

Elles doivent, au contraire, prendre le sujet à bras le corps et mettre en œuvre des politiques claires, structurées, volontaristes et assumées sur le recrutement et l’intégration de personnes ayant vécu un épuisement professionnel afin de ne plus leur fermer systématiquement la porte et de leur permettre de retrouver une place dans le monde du travail.

Ce sont les entreprises et les directives qu’elles donnent à leurs recruteurs qui feront, entre autres, avancer la société sur le sujet. Ce sont, en effet, les recruteurs qui décident ou non de retenir un profil et de lui donner la possibilité de poursuivre le processus de recrutement et de défendre ses chances pour un poste. Ils sont extrêmement bien placés pour faire bouger les lignes et peuvent, de manière très concrète, contribuer à faire évoluer les mentalités sur le burn out.

Aussi, il est essentiel que les organisations veillent à bien former leurs recruteurs sur l’épuisement professionnel afin qu’ils dépassent leurs préjugés potentiellement discriminatoires et qu’ils discernent au mieux les compétences ainsi que le réel potentiel d’un candidat au-delà d’un épisode de burn out. Ils doivent cesser de réduire ces personnes à cet épisode mais, au contraire, leur permettre de rebondir.

Enfin, et de manière très cynique d’ailleurs, les entreprises ont tout à gagner à mettre en œuvre une réelle politique de recrutement et d’intégration des profils ayant souffert d’un épuisement professionnel et à communiquer dessus. Cela leur permettrait de se démarquer et de soigner leur politique de RSE et leur marque employeur par la même occasion.

Conclusion

Si le burn out n’est pas une spécificité française, la France est tout particulièrement touchée par ce fléau. Pourtant, nombreuses sont les organisations françaises à ne s’être pas encore posé la question du recrutement de candidats ayant fait un burn out plus ou moins récemment et à n’avoir donc rien mis en œuvre.

Entreprises et recruteurs, cessez donc de faire l’autruche et prenez enfin à bras le corps ce sujet encore tabou ! Il est de votre rôle de montrer la voie et de veiller à la bonne réinsertion de ces personnes éprouvées par une expérience malheureuse.

Par pitié, cessez de les réduire à un épisode de burn out qui ne les définit pas !

Candidats, je suis au regret de vous conseiller, en l’état actuel des choses, de ne pas parler de votre burn out lors des processus de recrutement même si vous estimez, à juste titre, que vous n’avez pas à en rougir ou à en avoir honte. Cela reste malheureusement encore un tabou en France et le mentionner en entretien peut vous porter préjudice et vous exclure de la course pour le poste que vous convoitez.

Références

[1] Source Gaël Châtelain-Berry |https://www.gchatelain.com/single-post/le-manager-premier-rempart-contre-le-burn out

Tags: Burn out Responsabilité sociétale