« Il n'y a pas d'espoir sans crainte ni de crainte sans espoir » Spinoza.[1]

La connaissance et la raison, selon Spinoza, conduisent à l’entendement et donnent accès à une vie éthique dans le sens de l’équilibre et le respect. D’abord sur les valeurs qui guident les comportements socioculturels en fonction des responsabilités occupées ; ensuite vers une vie heureuse dans le sens de la satisfaction, du contentement durable. A ce titre nous pouvons considérer, avec un peu d’audace, que Spinoza est avec 300 ans d’avance le mentor de Shewhart[2], Deming[3], Ishikawa[4], Juran[5] brillants théoriciens de la démarche qualité moderne. Leur volonté commune, avec 3 siècles d’écarts, est de faire ce qui est attendu et de procurer un sentiment de satisfaction. En ce qui concerne les soft skills, les compétences comportementales c’est la même chose. La connaissance et la raison appliquées au comportement attendu dans le cadre de la fonction conduit à une vie éthique et heureuse dans le respect des valeurs, encore faut-il en connaitre les principes et leurs applications.

La crainte, l’espoir, l’entendement oui, mais quoi ?

« L'entendement, cette source pure de toute connaissance et de toute vérité, est capable de découvrir toutes les vérités et de surmonter toutes les erreurs » John Locke[6].

La Crainte et l'Espoir selon Spinoza

La crainte se définit comme un sentiment d’inquiétude à l’égard d’une source matérielle, personnalisée ou intellectuelle. Cette affection peut conduire à une paralysie physique ou psychique qui entrave la liberté de l’action par le l’inaction de l’esprit.

L'espoir se détermine par la confiance accordée à ce que l’on désire avec un fort coefficient de probabilité de réussite. Cette disposition psychologique procure les éléments générateurs de la réussite.

L’entendement est la capacité, la compétence à observer, comprendre et se forger une opinion sur les préceptes, les concepts et les méthodes relatives aux idées, aux actions et aux situations. Cette faculté conduit à prendre en compte le monde qui est le nôtre, à l’interpréter pour agir, réagir en conséquence.

La crainte, l’espoir, l’entendement oui, mais comment ?

« L'entendement ne puise pas ses lois dans la nature, mais les lui prescrit » Emmanuel Kant[7].

Le raisonnement de Spinoza est fondé sur le fait que l’état émotionnel provoqué par la crainte et d'espoir est issu d’une incapacité de pratiquer l’entendement de la situation rencontrée. Le corolaire de cette affirmation est qu’il est essentiel de développer sa propre capacité d’entendement. Dans « Le traité de la réforme de l’entendement [8]» il nous propose des pistes de réflexion, sous forme de concepts, sur les thèmes de l’intelligence, la connaissance, la perception, l’expérience, la mémoire. L’objectif de cette démarche est d’aboutir à la sérénité au lieu et place de la tension psychologique de la gestion de la crainte et de l’espoir. A ce jour nous pourrions évoquer la gestion du stress chére à Selye[9] La 5ème partie du traité nous propose sous le titre « De la puissance de l'entendement ou de la liberté humaine » les concepts suivants :

La puissance de l'entendement : L’entendement permet à l’intelligence de comprendre la nature, l’origine et la cause des choses, l’aboutissement est la maitrise des émotions.

La libération par la connaissance : L’entendement stimule l’accès à la connaissance qui aboutit au traitement des erreurs, à la destruction des illusions et à la décomposition de l’irrationnel.

La mobilisation des différents types de connaissances : le ouï-dire témoignage et opinion, la démarche empirique fondée sur l’expérience et les pratiques, l’usage de la raison par la déduction logique, l’intuition par la conclusion directe comme un réflex.

Spinoza propose une méthode pour développer ses aptitudes d’utilisation de l’entendement. Elle est basée sur la remise en question de ses croyances et de ses préjugés ; de l’analyse rigoureuse de ses idées et la recherche de l’authenticité par la raison et l'intuition. Cette méthode a pour but de faire progresser son entendement pour obtenir une compréhension précise et identifiable de la réalité. La finalité pour chacun permet d’exister dans sa fonction selon les préceptes de la logique et d'atteindre la sérénité.

L’exemple pratique, le plus répandu, est la croyance de l’origine génétique de certaines facultés comportementales, tel le charisme, la négociation, le management et bien d’autres. La double approche scientifique et académique conduit à la conclusion que les gènes en question n’ont toujours pas été identifiés malgré les travaux en 1865 de Gregor Mendel[10] sur les lois de l'hérédité, en 1953 de James Watson[11] et Francis Crick[12] sur l'ADN et depuis sur le séquençage du génome humain. Cette première connaissance acquise et validée il reste à comprendre l’origine des facultés objet de croyances. La réalité est plus triviale, il s’agit de l’apprentissage le plus souvent par osmose du milieu fréquenté et la personnalité de l’individu. A force d’observer les effets que l’on produit sur les autres le charisme s’acquière. Si l’on vie dans un milieu de commerce la vente s’apprend et si l’on est au contact de ses patrons, le management livre ses secrets.

L’entendement des soft skills peut supprimer le duel inutile entre crainte et espoir pour le remplacer par la connaissance. ». L’éducation par le milieu socioculturel, la formation initiale, l’apprentissage professionnel, le mentorat par une autorité reconnue trouvent une ressource d’informations opérationnelles dans le « Livre blanc, la modélisation des soft skills [13]» ainsi que dans les articles précédents de l’auteur rassemblés dans le livre « Devenir son propre mentor, mieux utiliser les soft skills [14]. L’entendement des soft skills étant acquis, les moyens pratiques étant en place, la maitrise des compétences comportementales s’enchaine pour satisfaire les exigences de la ou des fonctions dont on a la charge.

Conclusion

« L'entendement, bien qu'il soit limité, a la capacité de connaître certaines vérités avec certitude » René Descartes[15].

L'entendement renvoie à cette capacité de l'intelligence qui conduit à la compréhension, à la perception des situations de manière limpide et distincte. L'entendement est primordial pour accéder à la connaissance rationnelle et intuitive, qui sont observées comme les formes dominantes de savoir chez Spinoza. Nous pouvons considérer cette aptitude comme majeure et indispensable à l’efficience des compétences comportementales, celles qui depuis 1970 sont définies par soft skills comme « Attributs personnels qui permettent à quelqu’un d’interagir efficacement et harmonieusement avec d’autres personnes »[16]
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[1] Baruch Spinoza, 1632 – 1677, philosophe hollandais, "Éthique" œuvre posthume.

[2] Walter Andrew Shewhart 1891 – 1967, statisticien américain, théoricien de la gestion de la qualité moderne.

[3] William Edwards Deming, 1900 – 1993, statisticien américain, théoricien de la gestion de la qualité moderne.

[4] Kaoru Ishikawa, 1915 – 1989, ingénieur japonais, théoricien de la gestion de la qualité moderne.

[5] Joseph Moses Juran, 1904 – 2008, ingénieur roumain et américain, théoricien de la gestion de la qualité moderne.

[6] John Locke, 1632 – 1704, philosophe britannique. 

[7] Emmanuel Kant, 1724 – 1804, philosophe prussien (allemand). 

[8] Tractatus de Intellectus Emendatione 1665-1670

[9] Hans Selye nom canadien de János Selye, 1907 – 1982, autrichien – hongrois, canadien, médecin, chercheur et inventeur du mot stress.

[10] Johann Gregor Mendel, 1822 – 1884 généticien autrichien,

[11] James Dewey Watson, 1928 –, généticien américain, prix Noble de physiologie et de médecine en 1962.

[12] Francis Harry Compton Crick 1916 – 2004, biologiste britannique, prix Noble de physiologie et de médecine en 1962.

[13] Le livre blanc est disponible gratuitement sur le site http://edsm7c.com

[14] Devenir son propre mentor, mieux utiliser les soft skills VA Edition 2025 https://www.va-editions.fr/devenir-son-propre-mentor-c2x41506616

[15] René Descartes, 1596 – 1650, homme de sciences et de lettres français.

[16] D’après la publication de Jennifer Parlamis , Ph.D. Social and Orgaizationnal Psychologie university of San Francisco School of Management Journal of Management Inquiry: Sage Journals (sagepub.com) Getting to the CORE: Putting an End to the Term “Soft Skills”