D’un seul coup d’un seul mes sourcils ont rejoint mes cheveux ! Et en même temps … j’ai poussé un énorme soupir intérieur. « Mais bon sang … Faut-il donc être infantile pour se plaindre d’un truc aussi anodin ! ».
Mais d’abord, voici le contexte de « l’affaire » …
Depuis la rentrée je suis étudiante tout en étant en activité. Donc quand je bosse, je rate des cours, et je ne suis pas la seule dans cette situation. Évidement entre copains-copines la circulation des fichiers des prises de notes a vite été rôdée comme du papier à musique. Et ça se fait à ciel ouvert dans nos différentes boucles de papotages, en joyeux méli-mélo, au milieu des recettes de pâtisseries, des horaires de la scolarité et des questions de révision.
Mais mi-novembre, coup de théâtre, il y a une (pas si petite que ça) inondation chez moi. Comme de bien entendu, je partage les photos de cette épopée domestique et de mon sauvetage « héroïque », pour expliquer mes deux jours d’absence. Tout le monde compatit un peu, cherche à me consoler et à me rassurer (j’avais raté un TD de statistiques, ma matière faible) et puis les jours passent, j’oublie, je tourne la page, je vais de l’avant …
Et voilà-t’y-pas qu’en décembre, entre deux partiels, à la machine à café, je croise un copain de 3éme année, qui me dit tout de go « Sylvie, il faut que je te parle ». Beuh ! Avouez que c’est sinistre comme entrée en matière ! Je m’attendais à un gros truc ! Forcément ! Et il enchaîne benoîtement ... « Quelqu’un s’est plaint que tu as refusé de prendre ses notes pour les cours que tu as raté »
Il a fallu que je me répète lentement la phrase dans ma tête, tellement ça me paraissait incongru …Voyons … il a bien dit que ... quelqu’un s’est plaint de moi ... à un membre extérieur … parce que j’ai refusé ... de prendre les notes ... qu’on me proposait … pour m’aider … sur les cours … que j’ai raté. J’ai regardé son visage deux fois pour être sûre qu’il était sérieux … Et c’est là que mes sourcils ont fait un bon en l’air !!
Donner et recevoir : l’art d’être en relation
Une fois revenu de mon ahurissement ; deux constats :
Première chose ... j’étais in-ca-pa-ble de me souvenir d’avoir décliné une offre de récupérer des notes pour mon usage. Il a fallu qu’une copine me remette en mémoire l’épisode « Inondation-tu-rates-des-cours » pour que je suppose que cette proposition se situait là. Et qu’elle avait sans doute été faite sur notre fil commun. Ensuite ... ben ... OK je suis du genre à parler cash, mais je ne suis ni impolie ni insensible, et si j’ai refusé une proposition d’aide, j’y ai sans doute mis les formes.
Donc je marmonnais mon agacement face cette mini-crise de cours d’école, quand les mots de Marcel Mauss se sont rappelés à mon bon souvenir !
« Refuser de prendre équivaut à déclarer la guerre ; c’est refuser l’alliance et la communion »
Si j’analyse la situation à postériori, oui, et sans y accorder une importance particulière (ce qui est à coup sûr une circonstance aggravante), en refusant ce don, cette entrée dans l’échange, dans la coopération, j’ai exprimé un rejet. Ou au minimum, un désintérêt à faire entrer la personne dans mon cercle rapproché.
Car je sais au fond de moi, que si cette personne avait attiré mon attention avant, si j’avais eu ne serait-ce que le germe d’une envie de mieux la connaître, alors j’aurais saisi cette main tendue, même sans en avoir besoin, m’en emparant comme prétexte à un rapprochement amical.
Donc ce refus de tricoter une relation plus proche était incontestablement volontaire, même s’il était seulement à l’orée de ma conscience. Implicite avant, il est devenu explicite après.
Effectivement, je n’ai pas eu envie que cette personne (je ne sais toujours pas qui, car je n’ai même pas eu la curiosité de chercher dans mon fil) s’approche de moi plus qu’elle ne le faisait déjà dans le relatif anonymat d’une boucle entre une poignée d’étudiants. On peut le prendre pas tous les bouts : oui c’était un rejet. Et au vu de la réaction du quidam, je ne le regrette pas vraiment.
Vous auriez envie vous, d’avoir dans votre cercle amical une personne assez puérile pour se plaindre à un tiers d’un événement aussi trivial ? Il n’empêche que si la « plainte » n’est pas vraiment un signe de maturité, la vexation de l’inconnu(e)-petit-rapporteur est, elle, assez justifiée.
Le don : une affaire d’inclusion, de coopération et de valorisation :
Refuser un don est absolument vexant à plusieurs titres :
- Disqualification de la valeur de ce qui est donné: le message sous-jacent est « Ce que tu partages n’a pas assez de valeur à mes yeux pour que je l’accepte »
- Rejet de la dette réciproque qui s’installe, du don/contre-donà venir : « Je devine qu’accepter serait m’engager à des renvois d’ascenseurs. Non merci ! »
- Refus de tisser une relation: « Je ne veux pas me lier à toi, reste en dehors du cercle de mes proches »
Refuser un don, c’est ainsi priver l’autre :
- D’un moment de fierté et de satisfaction de soi,
- Du sentiment d’appartenance,
- De la reconnaissance de son rôle social,
- De la validation de sa place dans le collectif,
- De la reconnaissance de sa valeur.
Aïe Aïe Aïe ! C’est rude quand même !
Avec le recul cette anecdote mérite que j’en tire une leçon pour réagir autrement à l’avenir.
D’abord parce que la coopération structure l’esprit d’équipe. Cet esprit d’équipe nous en avons besoin dans toutes les sociétés, et il mérite bien un petit effort de notre part.
Ensuite parce que ne souhaitant pas délibérément faire souffrir les autres, un rapide regard sur la balance de ce que ça m’aurait coûté face à ce que ça aurait apporté à la personne, peut me convaincre que le rapport coût-bénéfice est clairement en faveur de l’acceptation du don, même à contre-cœur.
La balance « coût-bénéfice » est souvent au cœur de la relation. On en reparlera !
D’ici là je vous souhaite un beau début d’année !
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