10 pièges à éviter

Les biais cognitifs s’invitent dans notre quotidien managérial, influençant la manière dont nous percevons nos collaborateurs, analysons les situations et prenons des décisions. Selon Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie et pionnier des recherches sur les biais cognitifs, « notre cerveau est une machine à sauter sur les conclusions ». En effet, notre cerveau, bien qu’efficace pour traiter un grand nombre d’informations, est limité dans sa capacité à gérer la complexité de certaines situations. Résultat ? Des raccourcis mentaux, ou biais cognitifs qui aident notre cerveau à fonctionner plus vite mais qui, bien souvent, biaisent notre jugement.

En matière de management, ces biais se manifestent partout : dans l’évaluation des performances, l’attribution de projets ou de ressources, la promotion des collaborateurs, voire lors des échanges informels.. Ces biais, bien qu’inconscients, influencent directement la qualité de nos décisions et compromettent parfois l’équité du management.

Même si ces biais sont fermement ancrés dans notre façon de penser, il est cependant possible de les atténuer pour améliorer notre objectivité globale. Dans cet article, nous allons décortiquer les 10 biais particulièrement présents dans le management, en montrant comment ils se manifestent et comment atténuer leur impact pour des décisions plus justes et éclairées.

Les biais cognitifs et leur impact en management

Le biais de similarité fait partie des plus fréquents. Il est naturel de se sentir en affinité avec les personnes qui nous ressemblent, que ce soit par les centres d’intérêt, l'origine, ou le parcours. Un manager, inconsciemment, pourra privilégier ceux avec qui il partage des similarités, les jugeant plus « naturels » dans les interactions. Cette préférence, bien qu’intuitive, peut compromettre l’équité : en favorisant ceux qui lui ressemblent, il risque d’écarter d’autres profils tout aussi compétents, nuisant ainsi à la diversité. Travailler avec des critères standardisés, appliqués uniformément, aide à limiter cette inclination naturelle et à recentrer l’évaluation sur des critères objectifs.

Avec le biais d’ancrage, notre cerveau accroche facilement à la première information qu’il reçoit, parfois de manière irrationnelle. En entretien annuel, par exemple, un manager peut se focaliser sur un seul événement (une erreur notable, par exemple), négligeant le reste de la performance annuelle du collaborateur. Le résultat ? Une évaluation injuste, qui affecte la motivation du collaborateur. Pour contrecarrer cette tendance, il est utile d’établir des points d’évaluation réguliers tout au long de l’année, ce qui permet de prendre en compte l’ensemble des contributions et non un moment isolé.

Le biais de confirmation, lui, nous pousse à privilégier tout ce qui renforce notre première impression. Un manager ayant un a priori négatif sur un collaborateur pourrait chercher des comportements qui confirment cette idée initiale, même si ce dernier améliore ses performances. Ce biais peut entraîner des jugements faussés. Demander des avis extérieurs, via des feedbacks à 360° par exemple, et s’appuyer sur des données concrètes permettent de limiter les biais de jugement.

L’effet de halo nous incite à étendre l’appréciation d’une qualité à d’autres domaines. Un collaborateur ayant brillamment réussi un projet est alors vu comme excellent dans d’autres compétences, même si celles-ci ne sont pas directement liées à ses précédents succès. Le risque ici ? Favoriser quelqu’un dans un poste ou une fonction pour laquelle il n’est pas réellement qualifié. Pour contrer cet effet, il est judicieux de structurer les évaluations en dissociant les critères : isoler les performances par compétence aide à avoir une vue plus équilibrée et réaliste.

Autre piège courant, le biais de récence. En évaluation, il arrive souvent de privilégier les performances récentes, oubliant celles de début d’année. Ce biais peut déséquilibrer l’évaluation en donnant une image partielle des accomplissements du collaborateur. Pour y remédier, un suivi régulier et une documentation écrite des performances permettent de prendre du recul et d’avoir une vue globale plus juste lors de l’évaluation annuelle.

Le biais de stéréotype nous incite à attribuer des caractéristiques à une personne selon un groupe auquel elle appartient. Un manager pourrait ainsi sous-évaluer les compétences d’une collaboratrice pour un poste de leadership en raison de stéréotypes de genre. Ce biais, en plus de nuire à la diversité, peut restreindre injustement les perspectives de carrière de certains collaborateurs. Pour l’atténuer, sensibiliser les managers aux stéréotypes par des formations et établir des critères standardisés d’évaluation permet de juger la performance sur des bases plus objectives.

Avec l’effet de contraste, notre perception d’une personne est influencée par celle qui la précède. Dans une série d’entretiens, un manager pourrait être tenté d’évaluer un collaborateur par rapport à celui qu’il a vu juste avant, ce qui biaise le jugement. En structurant les évaluations avec des échelles de notation précises et en se basant sur des critères objectifs, on limite la tentation de comparer les individus entre eux.

Le biais de complaisance nous pousse à attribuer nos succès à nos compétences et nos échecs à des facteurs externes. Un manager, par exemple, pourrait se flatter de ses compétences de leader pour les succès de son équipe, tout en rejetant la faute des échecs sur le marché ou sur d’autres équipes. Ce comportement limite la responsabilisation. L’auto-évaluation et les feedbacks réguliers de pairs ou d’autres collaborateurs peuvent amener à un regard plus équilibré et réaliste.

Difficile d’échapper au biais d’excès de confiance. Dans le feu de l’action, certains managers surestiment leurs propres capacités ou pensent pouvoir prédire les performances futures d’un collaborateur sur la simple base de leur intuition. Ce biais mène parfois à des décisions prises sans données concrètes. S’appuyer sur des critères mesurables et des outils d’évaluation aide à prendre du recul et à éviter de surévaluer ses propres intuitions.

Enfin, l'effet de simple exposition influe parfois de manière insidieuse sur les perceptions. Un collaborateur que l’on voit souvent – lors des pauses-café ou des réunions informelles – peut finir par être perçu comme plus performant ou plus fiable, simplement parce qu'il est davantage dans le champ de vision du manager. Ce biais peut désavantager ceux qui, plus discrets ou moins visibles, se voient relégués en arrière-plan malgré des compétences égales. Pour compenser cet effet, ancrer les évaluations dans des résultats concrets et s'assurer d'inclure tous les collaborateurs dans les moments de discussion importants aide à juger sur des critères de performance et non de visibilité.

Conclusion

Le management est une activité exposée aux biais cognitifs qui influencent chaque interaction et chaque décision, souvent sans que l’on s’en aperçoive. En comprenant ces biais et en appliquant des méthodes pour les limiter, nous pouvons avancer et tendre vers un management plus objectif et juste. Bien que l’élimination totale des biais reste illusoire, les reconnaître et mettre en place des garde-fous nous aide à prendre des décisions plus équilibrées, pour le bien de tous.

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