On peut être un « mauvais manager » sans le vouloir et sans le savoir car dans le domaine des relations humaines et sociales, le faux est toujours attrayant car il se drape dans les habits confortables du dit « bon sens ». Ainsi, auréolé de croyances et donc enclin aux erreurs logiques, le manager fera de son mieux mais hélas dans le mauvais sens. C’est pourquoi, la première aptitude d’un manager, est d’être capable de séparer « les faits des fables » pour rependre la célèbre expression de Hume.

Les erreurs logiques et les fables qui empêchent le manager de travailler à bon escient c’est à dore de commercer avec le réel sont nombreux, en voici quelques-uns :

  • « Ce qui est efficace est vrai or ce qui est vrai est juste, donc ce qui est efficace est juste » (Jacques Le Mouël) : erreur fatale lorsqu’on sait que le maximum d’efficacité justifie toujours le minimum de liberté donc le minimum d’équité et de sentiment de justice, deux conditions fondamentales pour qu’un travailleur puisse se reconnaître dans ce qu’il fait et préserver sa santé. Ce sophisme permet aussi de comprendre l’état d’esprit des septembriseurs de l’organisation, ces managers toxiques qui n’éprouvent aucun remort quant à leurs actes car pour eux, être efficace, c’est être juste.
  • La compétence est l’ingrédient de la performance donc il faut former les collaborateurs afin qu’ils « performent » : c’est penser que l’environnement est neutre, que la performance globale est la somme des performances individuelles. C’est ignorer que le meilleur chirurgien, dans le désert, ne fait pas de miracle. Le germe produit selon la teneur du terrain (Valéry).
  • L’intelligence, c’est à dire la capacité à résoudre des problèmes, est la qualité essentielle pour être un bon manager : être intelligent, c’est résoudre des problèmes mais c’est surtout en formuler par le truchement de l’imagination et de la sensibilité : sentir, c’est produire disait Valéry à juste titre. Tout manager dont le travail ne consisterait qu’à résoudre des problèmes peut être remplacé par une machine.
  • L’humain n’aimant pas le changement, de la qualité de la conduite du changement à partir d’une analyse formelle des impacts, dépend la réussite du projet : c’est oublier que la résistance au changement, c’est souvent le fruit de l’incapacité des donneurs d’ordre à analyser l’écart entre le travail prescrit et le travail réel et les modes de fonctionnement associés. Pas étonnant donc que l’investissement massif en « conduite du changement » ne produise souvent que de maigres résultats.
  • Pour être efficace, il faut définir un plan d’action et le mettre en œuvre : ce raisonnement qui peut sembler logique a un angle mort. Une action n’est pas un acte d’où la succession de plans d’actions sans prise réelle sur l’organisation. En effet, comme le dit Emmanuel Mounier, « une action n’est valable et efficace qui si d’abord elle a pris mesure de la vérité qui lui donne son sens et de la situation historique, qui lui donne son échelle en même temps que ses conditions de réalisation ». On comprend donc la fameuse phrase de Yves Clôt « les plans d’actions laissent souvent les actions en plan ».
  • La confiance n’exclut pas le contrôle : il n’y a pas plus faux que ce pont aux ânes bien ancré chez le français. Revenons au Larousse : la confiance, c’est le « sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un d'autre, à quelque chose ». La confiance exclut donc de fait le contrôle sinon, ce n’est plus de la confiance mais tout autre chose qu’il faut nommer autrement. Néanmoins, la confiance n’exclut pas de dialoguer chemin faisant pour déterminer avec les parties prenantes à l’action (par exemple les personnes sous son autorité), l’évolution nécessaire des conditions de réussite de l’action. Ce qui est différent de la posture de contrôle. L’enjeu pour le manager, c’est d’accepter sa vulnérabilité qui, paradoxalement, peut l’immuniser contre les tentations tyranniques du tout contrôle. Il semblerait d’ailleurs qu’un grand adepte du contrôle soit à l’origine de cette fausse vérité : Lénine.

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