Dans le domaine de la biologie, la symbiose « désigne l’association durable et réciproque profitable entre deux ou plusieurs organismes » (dictionnaire historique de la langue française). Ce principe de symbiose est-il applicable à l’univers du management dans les organisations publiques et privées ? C’est le point de vue défendu dans cet article qui constitue pour nous une première réflexion sur ce concept.
La décision de partager, ce qui constitue pour nous une première réflexion, a été déclenchée par un travail de recherche en cours. Il vise à identifier différentes formes de management symbiotique, à comprendre leurs principes de fonctionnement ainsi que leurs forces et leurs faiblesses. Cette recherche est conduite, pour le moment, dans deux pays : le Bénin et la France. Cette réflexion trouve ses bases dans une autre recherche, il y a 8 ans maintenant. Elle portait sur les évolutions potentielles du management dans les années à venir. Nous remercions Patrick Bouvard de nous permettre de partager cette réflexion en cours et restons bien évidemment seuls responsables de son contenu.
La symbiose dans le vivant : d’une logique purement compétitive à une logique coopérative / compétitive
Le 24 octobre 2024 était diffusé sur France 5 le documentaire « La face cachée des champignons ». L’un des biologistes de ce documentaire rappelait que le monde du vivant (dans toutes les dimensions qu’il recouvre) a été longtemps vu comme lieu de compétition là où il y a aussi coopération. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les matières vivantes qui prennent le dessus sur les autres qui survivent, ce sont aussi celles qui coopèrent. L’un n’empêche pas l’autre.
Certaines variétés de champignons vivent en symbiose avec beaucoup de végétaux, notamment les arbres dans les forêts. Dans ce cas précis, le champignon apportent (notamment) aux arbres les minéraux comme le phosphore, le soufre ou encore le silicium dont ils ont besoin. Les arbres, quant à eux, apportent (notamment) aux champignons des glucides dont ils ont besoin. Notons, comme l’indique Marc-André Selosse, biologiste et professeur senior à l’institut Universitaire de France, que la symbiose est « la coexistence durable de deux organismes, à bénéfice mutuel » (1). « Co-existence durable » implique que les « organismes vivent ensemble la majeure partie de leur cycle de vie ». « Bénéfice mutuel » implique que cette co-existence soit bénéfique pour l’un comme pour l’autre de ces organismes, contrairement au parasitisme.
De manière tout à fait intéressante également, le documentaire mettait en avant que des recherches sont actuellement en cours pour améliorer les rendements de production de certains végétaux comme le maïs en utilisant le principe de symbiose permis avec certaines variétés de champignons. Autrement dit, certaines variétés de champignons pourraient donc potentiellement être la voie de recours aux traitements chimiques.
Ce principe de symbiose existe t’il uniquement chez les végétaux ? Non, on le retrouve également dans le monde animal. De nombreuses alliances se lient à ce niveau aussi. Ainsi les pluvians, oiseaux vivants en Afrique, viennent nettoyer les dents des crocodiles en mangeant les résidus coincés après un repas du mammifère, lui évitant des infections dentaires. On la retrouve aussi au niveau de l’être humain, de manière quotidienne, où de nombreuses bactéries situées dans notre intestin nous permettent de digérer.
Le management symbiotique : contours provisoires théoriques et pratiques
Selon le dictionnaire de l’économie sociale de A à Z, le terme management recouvre trois acceptations :
- « La première concerne l’ensemble des connaissances mobilisables pour assurer la direction d’une entreprise ou d’une organisation »,
- « Dans la deuxième acceptation, le management se réfère à l’application des connaissances à la direction d’une organisation »,
- « Enfin, troisième acceptation, le terme management peut désigner l’équipe dirigeante des organisations, et parfois, par extension toute la ligne hiérarchique ».
C’est la deuxième acceptation que nous retenons à ce stade de notre réflexion (et de manière provisoire). Par extension, le management recouvre, pour nous, les valeurs, les connaissances, les principes, les techniques, les outils, et plus globalement les modes de fonctionnement mis en œuvre pour diriger une organisation.
Sur cette base, que recouvrirait le management symbiotique ? Pour nous toujours, le management symbiotique tendrait à une forme de reconnexion du fonctionnement d’une organisation (à travers ses valeurs, ses principes, ses techniques, ses outils et ses modes de fonctionnement), dans une logique d’association durable et mutuellement bénéfique, avec :
- Son environnement écologique,
- Son environnement humain (notamment interne à l’organisation),
- Son environnement socio-culturel (notamment avec les formes de connaissances et de savoir-faire au niveau régional, national et/ou supranational),
- Son environnement technique et numérique,
- Son environnement économique,
- Et son environnement géostratégique.
Dans l’un des cas d’étude en cours, un couple franco-béninois a créé une association au Bénin, il y a plus de 20 ans maintenant. Elle nous semble recourir à plusieurs principes du management symbiotique. Cette association a permis de créer une ferme, une école et un atelier. L’école et l’atelier forment des jeunes béninois, notamment, sur l’agro-écologie et sur des pratiques de production à partir de matières vivantes issues du jardin (calebasse et éponges). Ces produits sont revendus sur le marché local et en France. Selon les premiers entretiens menés, cette association a permis à plusieurs jeunes, aujourd’hui adultes, de devenir autonomes et de développer eux-mêmes leur propre activité. Il y a pour nous management symbiotique car cette production est en reconnexion (et respect) de la nature, des personnes qui appartiennent à cette association (en leur permettant notamment de vivre, voire de devenir autonome), de son environnement socio-culturel (des savoir-faire locaux sont remis à l’honneur), des techniques et du numérique (le numérique est notamment utilisé, de manière assez classique, comme moyen de diffusion des activités et connaissances) et économique (il permet une production agricole et de biens).
Retrouvons-nous en France des formes de management symbiotique ? Oui. L’organisation mentionnée ci-dessus nous paraît, à ce stade, la plus emblématique de ce qu’est pour nous le management symbiotique. Nous espérons avoir l’occasion dans les années à venir de continuer à partager les réalisations concrètes autours de cette notion de management symbiotique.
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- Le livre de Marc-André Selosse s’intitule « La symbiose : structures et évolutions, rôle écologique et évolutif »
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