Parler de son travail en termes de « métier » ne qualifie en fait qu’une compétence générique ; pour comprendre "ce que fait" quelqu’un dans une entreprise, il est indispensable de cerner son « rôle », bien au-delà de son intitulé officiel, parfois un peu creux.
Un « rôle » – bien plus qu’un emploi ou une fonction – représente l’ensemble des correspondances et des relations, des influences et des attentions qu’un professionnel doit entretenir avec les autres pour exercer et développer son métier et les responsabilités qui lui sont liées. Cela s’appuie fondamentalement sur une logique contractuelle, au sens professionnel du terme.
La loi du plus fort ne sert pas la performance
Mais cela ne s’établit pas spontanément ou intuitivement de façon constructive ; ce serait un tort de le croire. Tout groupe humain laissé dans l’absence de règles claires et partagées a tendance à s’autoréguler sur une base parfaitement arbitraire : la loi du plus fort. Les fonctions de chacun se définissent alors, de fait, par leur degré de soumission à l’ordre tribal : c’est la domination du leadership mal compris. Mais cette hiérarchie-là, n’amène pas l’homme à son accomplissement. Pour que chacun puisse donner sa pleine mesure, il a besoin d’un espace où il ne soit pas asservi à l’arbitraire, à la stricte dépendance, ni même à la seule subordination. En outre, les qualités de l’intelligence et de la culture ne sont jamais celles qui sont exploitées par la loi du plus fort. Or l’entreprise, dans son souci de tirer parti au maximum de la « ressource humaine », se doit de permettre à chacun de donner cette pleine mesure et de la développer. Comme le disait Théodore Roosevelt : « Le bon dirigeant est celui qui se laisse entourer par les meilleurs et se retient d’interférer dans leur travail. »
La délégation, outil majeur de la logique contractuelle
L’outil principal qui permet de susciter et d’établir ce développement est la « délégation ». Cette dernière ne répond pas seulement à la nécessité de répartir les tâches pour arriver plus efficacement et plus rapidement à une fin ; elle ouvre également une véritable gestion des potentiels individuels et collectifs de l’entreprise. Pour résumer, on pourrait décrire ses objectifs de la manière suivante :
Organiser le travail
Nulle activité complexe ne peut être assurée par une seule et même personne, ni d’ailleurs par un seul et même acteur professionnel. Ce dernier doit par conséquent diviser le travail en confiant à d’autres des responsabilités et des pouvoirs. La délégation permet alors au collaborateur de disposer d’un mandat clair auprès de tous les autres professionnels de l’entreprise.
Structurer des responsabilités
La délégation est une division du travail qui induit de la collaboration et de la solidarité. Elle structure en effet des rapports de complémentarité, en s’appuyant sur une bonne compréhension du rôle de chacun. Elle permet ainsi de diminuer sensiblement les éventuels rapports de force et d’instaurer une synergie professionnelle bénéfique à tous, où chacun donne parce que chacun reçoit.
Partager le pouvoir
Les missions et objectifs étant clairement définis et compris, la délégation ne doit pas être vécue comme une indépendance, mais comme une autonomie au sein d’une « co-responsabilité ». A cette fin, disposer de règles communes et rigoureuses est le moyen le plus sûr d’une crédibilité renforcée et d’une gestion des rapports professionnels moins arbitraire et plus motivante.
Faire émerger les potentiels
C’est à l’œuvre qu’on reconnaît les compétences, mais c’est en confiant une responsabilité qu’on discerne les capacités et le talent de quelqu’un. Cela permet d’initier une évolution et la formation d’une valeur ajoutée pour l’individu… comme pour l’entreprise.
Les règles du jeu de la délégation
Mais la délégation comporte également un certain nombre de règles du jeu qu’il importe de respecter. Celui qui délègue doit ainsi nécessairement :
- Savoir, avant toute chose, si la délégation légalement possible… et si de plus elle est autorisée par sa propre hiérarchie ; certaines missions ou objectifs ne peuvent pas – ou ne doivent pas –, en effet, être délégués ou subdélégués.
- Connaître le degré de responsabilité qui lui reste dans ce qu'il a transmis et sa façon de l'assumer ; une simple délégation de pouvoir, en effet, ne transfère pas au délégataire l’entière responsabilité de l’opération.
- Être sûr des compétences du délégué pour les responsabilités transmises.
- Expliquer en quoi consistent ces responsabilités en définissant leurs limites et éviter des abus involontaires (ou volontaires) possibles.
- Fixer avec le délégué le degré de "contrôle" éventuel qui sera exercé sur son activité.
- Préciser dans quelle mesure on accepte d'aider le délégué dans ses tâches.
- Sanctionner au besoin par des avantages, quels qu'ils soient, le supplément possible de travail demandé (allègement ou suppression d'autres obligations, paye, etc.).
De plus, il existe entre délégant et délégué toute une gamme de sentiments personnels, au premier rang desquels la confiance réciproque est implicitement nécessaire. Le délégant doit être au fait, en lui-même, des motifs qui le poussent à donner ou partager une responsabilité qui était la sienne : s'il s'agit par exemple pour lui de se "débarrasser" simplement de quelque chose qui l'ennuie, ou qu’il n’a pas le temps de faire, il sera honnête de l'expliquer au délégataire. S'il s'agit véritablement d'un partage, ce dernier le sentira très bien et la communication entre les deux personnes s'en trouvera confortée.
En permettant de structurer un « rôle », la délégation est en définitive l’outil essentiel du management. Nous pourrions dire, pour paraphraser un dicton célèbre : « Montrez-moi comment vous déléguez, je vous dirai quel manager vous êtes ! »
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NDLR : Vous pouvez lire également https://www.fr.adp.com/rhinfo/articles/2023/11/comment-faire-un-bilan-de-son-annee-professionnelle.aspx
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