« Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou » Abraham Maslow[1].

Markus Rehm, athlète allemand spécialiste du saut en longueur, est triple champion olympique et cinq fois champion du monde avec des performances supérieures à 8,70 m. Il présente la particularité d’être amputé de la partie inférieure de sa jambe droite, ce qui le fait concourir dans la catégorie T64[2]. A titre indicatif les champions de saut en longueur des Jeux olympiques entre 1896 et 2024 ont des performances inférieures à la sienne sauf Bob Beamon en 1968 à Mexico. Il doit sa qualité de sauteur à une prothèse. Cet exosquelette lui apporte la possibilité d’aller au-delà du possible pour une personne dans sa situation physiologique. Ce qu’apporte cet exosquelette à sa déficience physique est de même nature que ce que fournit l’Intelligence artificielle générative aux personnes, dont la déficience socioculturelle, dans le domaine des soft skills, est avérée.

L’exosquelette, l’intelligence artificielle générative, oui, mais quoi ?

« Isolée, l’aide se perd, mais jointe aux autres à l’heure juste, elle agit. » Goethe[3].

Par nature l’exosquelette est un dispositif mécanique externe qui agit sur son environnement pour remplacer, amplifier les capacités altérées et/ou absentes d’un individu.

L’intelligence est une fonction mentale qui permet d’organiser le réel en pensées et/ou en actes, autrement dit elle permet de rassembler des éléments d’informations éparts, différents, distincts en un ensemble cohérent opérationnel pour comprendre et agir. A ce jour le mot intelligence est souvent complété d’un qualificatif précisant le domaine d’activité. Ainsi l’intelligence devient par exemple sous la plume de Gardner[4] : linguistique, logico-mathématique, spatiale, corporelle-kinesthésique, musicale, interpersonnelle, intrapersonnelle, naturaliste à laquelle nous pouvons ajouter émotionnelle, situationnelle et artificielle.

Les travaux d’Alan Turing[5] qui permirent de décoder le système de communication nazi durant la Seconde Guerre mondiale ont ouvert la route à l’intelligence artificielle comme domaine de recherche. Ce vocable est institué en 1956[6]. A ce jour les recherches ont développée l’intelligence artificielle dite « faible », forme pratique et opérationnelle avec comme sous-domaine l’intelligence artificielle générative qui a pour compétence de : « se concentrer sur la génération de contenus ou de solutions à partir d’un modèle appris via un jeu de données »[7]. L’objectif de cette forme d’intelligence est de traiter les données selon des règles dans le but de faciliter l’analyse, le raisonnement, la prise de décision et la mise en œuvre. Encore faut-il avoir à la base des données fiables et un référentiel précis.

Les soft skills, les compétences comportementales disposent d’un référentiel précis décrit dans le « Livre blanc de la modélisation de soft skills [8]» issu des travaux de recherche de l’auteur. Les résultats obtenus par cet exosquelette intellectuel sont proportionnels à la capacité mentale de celui qui utilise les données disponibles et les règles. Markus Rehm saute aussi loin que ses capacités fondamentales lui permettent d’exploiter le potentiel de sa prothèse.

L’exosquelette, l’intelligence artificielle générative, oui, mais comment ?

« Le temps est une denrée précieuse, il faut le passer à apprendre plutôt qu’à contrôler » d’après Sénèque[9].

L’exosquelette est issu de la volonté éternelle des humains pour compenser leurs déficiences et/ou augmenter leurs performances. A ce titre il ne faut pas confondre les principes macro et les applications micro. Aristide Boucicaut[10] qui au XIXe siècle après avoir créé le Bon Marché, principe fondamental du grand magasin, a inventé la vente à distance avec un catalogue attractif. A cette époque il fallait alors une semaine pour aller de Paris à Lyon. Les applications micros qui suivirent sont la suite logique de ce principe macro tel la vente sur le net. Le commerce sur le Word Wide Web, cher à Tim Berners-Lee[11]est identique à celui du Bon Marché avec la puissance du numérique qui abolit le temps et les distances.

Les soft skills macro-compétences ont des sources originelles décrivant les préceptes, les concepts et les méthodes. Ces principes fondamentaux ont été développés depuis la nuit des temps par le génie des anciens. Cela répond à la question propre au savoir : pourquoi ? Les micro-compétences, quant à elles, sont portées par la méthodologie, l’action, pour obtenir les résultats. Cela décrit les applications à développer pour répondre aux exigences des situations à traiter selon les métiers, les organisations transverses, les situations socioculturelles, etc. Cela répond à la question propre au savoir-faire et au savoir : comment ? La responsabilité de l’acteur concerne le développement des applications micros propres à chaque situation.

L’utilisation de l’intelligence artificielle doit être bornée selon son potentiel et ses applications. Le potentiel et les limites de l’Intelligence artificielle fût-elle générative sont décrite « … L’IA n’imite pas plus le raisonnement humain que les avions ne volent en battant des ailes. La construction d’un avion s’inspire des lois de l’aérodynamique bien au-delà de celles qui régissent le vol d’un oiseau… Les techniques d’apprentissage automatisé reposent généralement sur des améliorations de formules mathématiques grâce à des applications itératives de modèles, sur un très grand volume de données… [12]». Le bornage de l’intelligence artificielle en général et générative en particulier serait bien inspiré par l’éclairage historique du meilleur et du pire des inventions de Nobel[13]. Il a découvert, par sérendipité, la double maitrise, la manipulation et la puissance, de la nitroglycérine sous la forme de la dynamite avec l’usage d’un simple détonateur. Le meilleur est la simplification, la sécurité et l’efficience de la production dans les carrières et les mines. Le pire est l’usage et l’exploitation militaires avec son cortège de désolation. Il en est de même pour l’intelligence artificielle générative comme instrument de diagnostic sous toutes ses formes et comme producteur de fausses nouvelles par la génération de textes, de vidéos falsifiées.

Nous sommes devant un choix, tel Janus, ce dieu romain à deux visages, le passé et l’avenir ces deux portes qu'il nous faut pousser, le choix de l’évolution, le choix de la stagnation. Accepter la puissance de l’évolution ou le refuser comme du temps des chemins de fer au XIXé siècle gain de temps ou affres médicaux supposés.

Conclusion

« La confusion a maintenant fait son chef-d’œuvre[14] » Shakespeare[15].

L’exosquelette socioculturel a comme vertu d’amplifier la connaissance, la compétence ainsi il est alors possible d’éviter de confondre le Festin des dieux de Jan van Bijlert[16] avec La cène de Léonard de Vinci[17]. Il est évident que si le seul outil que l’on possède est sa culture chrétienne, toutes les situations ressemblent à la bible[18].

L’intelligence artificielle générative appliquée à la modélisation des soft skills présente toutes les capacités potentielles destinées à remplacer, développer, créer les résultats attendus. Il devient alors possible de pallier à toutes les exigences des rencontres sociales, professionnelles pour pallier aux insuffisances socioculturelles. Pour contredire Maslow nous pouvons affirmer que les outils mis à dispositions pour devenir son propre mentor sont innombrables face à la liste illimitée de problèmes et que les solutions sont infinies.
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[1] Abraham Harold Maslow,1908 – 1970 psychologue américain.

[2] T64 Amputation de membres inférieurs, classification paralympique Paris 2024

[3] Johann Wolfgang von Goethe, 1749 - 1832 à Weimar, homme lettre allemand, né de la ville libre de Francfort

[4] Howard Gardner, 1943- , psychologue américain.

[5] Alan Mathison Turing, 1912 - 1954 à Wilmslow, mathématicien, cryptologue britannique.

[6] Conférence de Dartmouth

[7] Science et univers n°23 p35

[8] Décrit dans l’article Rhinfo de mai 2024 : https://www.fr.adp.com/rhinfo/articles/2024/05/le-drh-la-forme-le-fond-et-les-soft-skills.aspx et téléchargeable gratuitement sur le site http://edsm7c.com/

[9] Sénèque, Lucius Annaeus Seneca, 4 av. J.-C - 65 ap. J.-C. Philosophe romain.

[10] Aristide Boucicaut, 1810 – 1877, homme d'affaires français.

[11] Tim Berners-Lee, 1955 - , informaticien britannique. Président fondateur du World Wide Web Consortium.

[12] Manifeste pour une intelligence artificielle comprise et responsable, Jean-Paul Aimetti, Olivier Coppet, Gilbert Saporta, Manifeste pour une intelligence artificielle comprise et responsable, Cent Mille Milliards, deuxième édition 2024, 10 €, 122 p.

[13] Alfred Bernhard Nobel, 1833 – 1896 industriel chimiste suédois *

[14] Macbeth, acte 2, scène 3.

[15] William Shakespeare, 1564-1616, homme de lettre anglais

[16] Jan Hermansz. Van Bijlert / Van Bylert, Van Bylaert / Giovanni Bilardo 1597 ou 1598 – 1671 peintre néerlandais, le tableau 1635-1640 est exposé au musée Magnin à Dijon. 

[17] Léonard de Vinci, Leonardo di ser Piero da Vinci dit Leonardo da Vinci), 1452 – 1519 peintre italien, La Cène, L'Ultima Cena, Le Dernier Repas » peinture murale 1495-1498 couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan.

[18] Débat suite à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Le Figaro du 29 07 2024 JO de Paris 2024 : quand les autorités catholiques confondent le banquet de Bacchus avec le dernier repas du Christ lors de la cérémonie d’ouverture (lemonde.fr)

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