Lorsque l’on consulte ce que les médias racontent sur les jeunes travailleurs – ceux qui ont moins de 34 ans, et plus encore moins de 24 ans – les clichés font rage : pour les uns, ils sont fainéants, peu engagés et rétif à l’autorité ; pour les autres ils sont dans le « mouv », réactifs et sources de créativité, dans une « nouvelle conception du travail ». On peut en lire une analyse intéressante dans le très bon article de Gilles Verrier sur RH info. Quoiqu’il en soit, il est toujours bon de se rapporter à des données factuelles pour se faire une idée plus fidèle à la réalité. C’est ce que permet l’enquête annuelle d’ADP Research sur la perception des salariés, « People at Work 2024 : l’étude Workforce View », réalisée auprès de 34 612 salariés dans le monde, de tous secteurs et tailles d’entreprises, dont 15 383 en Europe ; près de 2000 en France.
Une croissance des heures supplémentaires non rémunérées
Je voudrais cette fois m’attacher à ce qui est à mes yeux un indicateur plus qualitatif que quantitatif : la pratique des heures supplémentaires non rémunérées. Comme ce n’est habituellement pas quelque chose dont on se vante, les données déclaratives de l’étude peuvent, je crois, être considérées comme assez représentatives de la réalité.
Si 59 % des salariés français déclarent – en moyenne – réaliser quelques 6 heures supplémentaires non rémunérées, c’est 80 % des 18-24 ans qui estiment effectuer gratuitement plus de 9 heures de travail par semaine ! Sic ! On a vu plus fainéant ! Ils prennent manifestement leur premier investissement dans l’entreprise très au sérieux ! Cela s’atténue assez avec les 25-34 ans, dont 69 % effectuent autour de 7 heures et demie en plus. Au-delà de 35 ans, c’est 53 % des travailleurs qui se disent concernés, dont seulement 15 % de façon significative.
Des clichés qui s’effondrent
Quand certains politiques disent que les Français ne travaillent pas assez, ils feraient bien de lire ces chiffres, qui nous classent sur le haut du tableau en Europe en nombre d’heures effectives travaillées, notamment devant les Pays Bas et l’Allemagne ; chiffres confirmés par Eurostat pour 2023 ! Comment s’étonner alors que plus de la moitié des salariés français se disent sous-payés (seule l’Argentine fait "mieux", si l’on peut dire, à 53 %), et 43 % affecté par une mauvaise santé mentale, proportion la plus importante en Europe et l'une des plus importantes au monde (l’Inde est à 48 %) ?
Le télétravail en exergue en matière d’heures supplémentaires
Autres données intéressantes concernant la productivité des salariés français : la valorisation du télétravail (pourtant en recul semble-t-il en 2024), confirmée par le baromètre Actineo sur la qualité de vie au travail en 2023, stipulant que le télétravail a permis aux utilisateurs d’améliorer considérablement leur productivité au travail. Là encore, ce n’est peut-être qu’un signal faible, mais il me semble significatif : selon « People at Work 2024 : l’étude Workforce View », en France, 67 % des télétravailleurs affirment effectuer des heures supplémentaires non rémunérées, contre 55 % des salariés qui travaillent uniquement sur site. Et les salariés exclusivement à distance travaillent en moyenne l'équivalent de 8,42 heures par semaine (7,66 heures en 2023) sans être payés, contre 5,64 heures pour ceux présents tous les jours sur site (5,06 heures en 2023).
Il est encore à noter que les télétravailleurs ne sont désormais plus que 22 % à avouer envisager de faire des heures supplémentaires non payées pour sécuriser leur emploi, une baisse significative par rapport à l’année dernière, où ils étaient 51 %.
Si depuis la crise sanitaire, les actifs français bénéficient d’une plus grande flexibilité de leur mode de travail, travailler au-delà de leurs heures de travail contractuelles sans rémunération additionnelle semble donc devenu une pratique courante. Ce n’est pas sans conséquence !
Conclusion : une vigilance nécessaire des DRH
Je laisse la conclusion à Carlos Fontelas De Carvalho, Président d’ADP France et Europe centrale : « Il devient impératif pour les services de Ressources Humaines de se doter d’un système de gestion des temps et des activités pour pouvoir mesurer précisément les horaires et le temps de travail. Cette approche garantit une prise en compte fiable des réalités vécues par chaque collaborateur, et permet de mettre en place les mesures nécessaires pour favoriser leur bien-être, préserver leur santé mentale et améliorer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ».
Dont acte !
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