Comment l’arbre du changement cache la forêt de la transformation
« Il n'y a pas de synonymes. Il n'y a que des mots nécessaires » dit Jules Renard ; C’est une juste sagesse en ce qui concerne le changement et la transformation.
Changer, c’est faire évoluer les structures (processus, outils, procédures…) alors que transformer, c’est modifier les modes de fonctionnement, les comportements. Les méthodes et les outils pour travailler sur le changement sont dès lors différents des outils et méthodes pour travailler sur la transformation. Les professionnels formés à la conduite du changement ne sont pas forcément formés pour travailler sur les conditions de la transformation, loin s’en faut.
Voici une fable pour illustrer l’erreur fatale consistant à prendre le changement pour la transformation :
Za et Zé forment un couple depuis plusieurs années. Za travaille à une heure du domicile conjugal et a pris l’habitude, depuis plusieurs mois, de rentrer extrêmement tard le soir. Zé, ne supportant plus de voir Za rentrer aussi tard, décide de trouver un appartement à 15 mn du lieu de travail de Za afin que ce dernier puisse rentrer très rapidement après le travail. Zé trouve alors un agent immobilier, visite des appartements puis choisit un bel appartement dont il confie l’aménagement à un architecte d’intérieur très prisé dans la région. Zé ne voulant rien laisser au hasard, commande des meubles d’Italie, des tapis d’Inde tissés à la main, des vases de Grèce.
Les travaux durèrent au total trois mois avec des ouvriers et des décorateurs travaillant main dans la main et fiers d’un tel chantier.
Les travaux finis, le couple déménage dans ce nouvel havre de paix mais patatras ! Zé constate au bout d’une semaine que Za continue de rentrer très tard, voire au milieu de la nuit.
Zé, effondré et désespéré, fait appel à Zi, un professionnel du changement et de la transformation. Ce dernier tient beaucoup à l’appellation « professionnel du changement et de la transformation » car pour lui, changer n’est pas synonyme de transformation et qu’il a eu la chance d’acquérir une grande expertise sur les deux sujets. Zi décide de s’entretenir longuement avec Za et Zé, séparément et ensemble mais aussi avec leurs amis proches pour dit-il, de prendre le temps qu’il faut pour comprendre les « raisons des effets » c’est-à-dire la « pensée de derrière ».
Voici au bout de quelques semaines d’enquête, l’analyse de Zi de la situation :
Je cite :
« Zé, aveuglé par son désir de trouver rapidement une solution au problème de son couple, a pris le changement pour la transformation en pensant qu’il y avait un lien de causalité entre le fait que Za rentre tard et la distance entre son entreprise et le domicile. Zé n’a raisonné qu’à partir des conséquences sans approfondir sa connaissance des causes profondes. En effet, il est tellement plus simple de décréter un changement, en l’espèce, trouver un autre appartement et déménager ».
Zi a fini par comprendre grâce à l’analyse menée que Za ne se retrouve plus dans son couple car la routine a distendu les relations avec Zé. Dans ce cas, changer d’appartement a peu d’impact sur la situation à traiter : ce qu’il faut, c’est travailler sur les modes de fonctionnement du couple c’est à dire sur sa transformation. Et cela ne se décrète pas.
Zi conseille alors à Zé et à Za de « travailler sur l’environnement capacitant à même de leur permettre de se reconnaître de nouveau dans leur couple (capacité à surprendre l’autre en sortant de la routine, capacité à communiquer pour anticiper les problèmes, capacité à partager des diagnostics communs etc…). C’est donc un travail profond et de longue haleine qu’il leur propose de faire.
Morale de l’histoire :
- La transformation ne se décrète jamais car comme l’amour, elle ne se prescrit pas. On ne peut que travailler sur les conditions qui la permettent après une analyse sérieuse des modes de fonctionnement. Ainsi l’intitulé « direction de la transformation » est questionnable comme pourrait l’être une direction de l’amour.
- Aucune solution sur étagère (ou non) ne permet de transformer une organisation car la transformation n’est pas un problème technique ou mathématique à résoudre. La transformation est toujours organique donc intimement liée aux dynamiques sociales et nous savons au moins depuis Héraclite, « qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».
- Vouloir transformer avec des méthodes instrumentales qui réduisent le réel au visible, c’est souffler dans un violon. Ainsi, aucune diapositive ne peut donner à voir « la transformation ».
- Souvent pour changer, il faut transformer mais l’inverse n’est pas forcément vrai d’où la nécessité de faire appel dans les organisations, à des professionnels ambidextres capables de travailler, à la fois, sur les changements et sur les conditions de la transformation.
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