Il ne s’agit plus seulement d’une petite musique, mais bien d’un phénomène qui touche largement les organisations : de nombreux collaborateurs sont en surcharge. Nous l’entendons tous dans les entreprises que nous connaissons. Les enquêtes que celles-ci réalisent auprès de leurs collaborateurs le confirment. La charge individuelle va croissant. Elle est de moins en moins supportable, loin des balivernes du quiet quitting.
Le constat
L’Institut Montaigne avance que 60% des salariés en France ont ressenti une augmentation de leur charge de travail ces cinq dernières années. Selon « l’enquête sur les conditions de travail en France », menée sur un panel de 25 000 actifs, 37% des salariés jugent leur travail insoutenable. Selon l’INSEE, le travail est 4,1% plus intense en France que dans le reste de l’Europe. Conséquence, « La dégradation des conditions de travail est aujourd’hui une évidence. Il n’y a pas de débat. » affirme le chef du département Conditions de travail et santé au Ministère du Travail.
Lorsque je suis sollicité pour traiter la surcharge de travail, le constat est très souvent qu’elle n’est pas conjoncturelle, résultant par exemple de la nécessité de faire face à une situation temporaire, mais qu’elle a un caractère durable sans avoir été jusqu’ici régulée pour autant.
Nous pouvons tous observer également que le télétravail alourdit parfois la charge de travail, à travers plusieurs mécanismes : la réduction des interactions informelles requiert du temps pour se coordonner à distance. Les outils du télétravail sont parfois défaillants ou mal maîtrisés. Lorsque l’environnement personnel de travail est peu adapté, il génère une surcharge mentale et des difficultés d’organisation. Rappelons une fois de plus, le travail à distance comme le présentiel doivent être organisés.
La nécessité d’agir
Un certain nombre d’organisations n’ont pour seule réponse que l’évitement ou la temporisation. Mais les conséquences peuvent être graves.
Une surcharge de travail durable conduit à réduire l’efficacité du collaborateur sur le moyen et le long terme, avec un impact direct sur sa performance. Elle génère un absentéisme additionnel, ainsi que des RPS, pouvant aller jusqu’au burn-out. Elle a un effet repoussoir pour les candidats et les jeunes embauchés, dans un contexte où les pénuries de compétences n’autorisent pas ces signaux négatifs.
Les voies sans issue
Posons un préalable. Lorsque l’entreprise est allée trop loin dans les logiques de rationalisation de l’activité, de réduction des moyens et de compression de ses effectifs sans pour autant réduire ses ambitions, aucune action sur la surcharge ne traitera le fond du problème. Les ressources doivent être proportionnées aux objectifs.
Certaines organisations se limiteront à tenter d’objectiver la situation, en se centrant sur la mesure de la charge de travail. Mais n’oublions pas que pour le collaborateur, l’enjeu est celui de la charge vécue, selon la distinction établie par L’ANACT entre la charge prescrite (ce que l’entreprise demande), la charge réelle (ce qui est réalisé) et la charge vécue (la représentation que le collaborateur s’en fait).
D’autres considéreront que c’est au collaborateur de trouver des solutions, notamment en s’organisant différemment. Ou bien au manager, puisque c’est à lui de répartir, de piloter et de réguler l’activité. Dans les deux cas, l’entreprise laissera les acteurs démunis. Même quand les actions à mener doivent être mises à la main du collaborateur et du manager, l’organisation se doit d’avoir structuré en amont ces pratiques et d’accompagner les intéressés.
Les dimensions à travailler
La charge de travail individuelle est la résultante de la quantité de travail à réaliser et l’efficience de l’intéressé.
La quantité de travail à réaliser dépend de décisions de l’entreprise (charge globale, priorisation, etc.), de la répartition de la charge, de la clarté dans l’attribution des responsabilités respectives, de la lourdeur du processus de décision dans l’entreprise et de la possibilité pour l’intéressé de dire non.
Son efficience est fonction de ses méthodes de travail et de celles de l’entreprise (organisation de son travail, gestion des mails, des réunions, etc.), de la maîtrise des sujets à traiter par la personne, de son engagement et de sa forme physique, de l’intensité qu’elle peut absorber sans surpression, de la culture du présentéisme, de la culture de la surqualité, de l’environnement physique de travail et de la pratique du travail hybride.
Des réalisations
Sur des axes différents, des entreprises ont à leur actif des réalisations qui ont permis de réduire fortement la charge de travail de leurs collaborateurs.
Des choix d’entreprise : la MAIF a conçu une démarche dite « de frugalité » visant à aligner le nombre de projets aux ressources effectivement disponibles.
Une démarche de priorisation et renoncement partagée par tous : un groupe du BTP a conçu et déployé une action de formation à destination de ses managers visant à généraliser une pratique de 20/80 dans l’organisation de leurs activités.
La possibilité de dire non ou de reporter : la MGEN a mis en place des ateliers managers pour généraliser la possibilité de refuser ou de différer en le circonstanciant.
Des méthodes de travail : une entreprise du secteur de la grande conso a produit avec des collaborateurs volontaires une « charte réunion », puis mis en place un référent par équipe pour sensibiliser et veiller à sa mise en œuvre effective, avec un rôle de rule keeper comparable à celui de time keeper. Elle a aussi élaboré une charte mail définissant les bonnes pratiques en matière d’envoi et de gestion des mails.
Un dépassement de la culture du présentéisme : un grand groupe de l’énergie a réduit les horaires d’ouverture de son siège pour partager la nécessité de réduire les débordements d’horaire. « Entre deux collaborateurs qui ont les mêmes résultats dans le même métier, l’un en 7 heures par jour, l’autre en 9, c’est le premier qui doit être valorisé. »
La voie la plus efficace
Les collaborateurs sont par nature ceux qui connaissent le mieux le travail réel, ses modalités et ses empêchements. Des réponses peuvent émerger des intéressés eux-mêmes, à partir d’un vaste projet les mobilisant sur la construction de réponses à une question : « Comment gagner du temps ? ».
Mise en œuvre auprès des collaborateurs du siège d’une des entités d’Unilever, cette approche a fait émerger des dizaines de propositions et a permis de réduire leur temps de travail moyen de plus de 10%.
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