Dans cette série d'articles dédiée à la gestion des données en ressources humaines (la data RH), nous explorons les difficultés et les opportunités qu’a entraînées la digitalisation massive des processus RH au cours des 30 dernières années.
Aujourd’hui, nous souhaitons aborder le concept de la " digitalisation du dernier kilomètre ".
C’est une analogie que nous utilisons pour sensibiliser les professionnels RH à l’importance d’obtenir une maîtrise fine de la donnée dans tous les recoins de leur organisation, même si cela peut sembler coûteux ou chronophage au départ.
Cet effort s’avérera toujours rentable, car, comme nous l’avons souvent souligné dans cette série d’articles, des données de mauvaise qualité coûtent cher (très cher) tout au long de leur cycle de vie.
Cette analogie s’inspire du concept logistique du "dernier kilomètre ", qui désigne l’étape finale de la livraison des colis au client. C'est la phase la plus coûteuse et la plus complexe à prévoir et organiser car elle nécessite un service très personnalisé qui demande souplesse, efforts et une gestion minutieuse des imprévus.
Autrement dit, plus on approche du dernier kilomètre, plus le coût par colis augmente, en raison de la dispersion des destinations et de l’importance croissante des interactions humaines.
De la même manière lorsque on aborde la digitalisation des données et processus, les systèmes d'information en ressources humaines (SIRH), SaaS ou non, gèrent très efficacement les tâches standardisées, mais ne parviennent que difficilement à adresser les spécificités ultra-personnalisées de chaque organisation ou individu.
Ces spécificités, mal adressées, ont pu être négligées lors de la collecte des besoins en amont d'un projet, on a aussi pu sous-estimer leur impact dans certains cas. Elles peuvent également apparaître plus tard et déstabiliser un SI qui fonctionnait jusqu'alors correctement, par exemple dans le cadre d'une fusion/acquisition, qui impliquent de nouvelles contraintes ou des modifications dans l'environnement applicatif (nouveau SI).
Le "dernier kilomètre" de la collecte de données représente donc les efforts nécessaires pour capturer des données auprès de populations spécifiques ou dans les situations non standards et toujours aller chercher l'amélioration continue.
Ce problème n’est pas exclusif aux RH et concerne tout type de données, mais dans ce contexte, la digitalisation du dernier kilomètre concerne des personnes et va avoir des impacts concrets sur leur quotidien.
Pour illustrer cela par un exemple simple, dans toute organisation, il existe souvent un ou plusieurs groupes de collaborateurs internes ou externes qui n’entrent pas dans les procédures standard à un moment donné :
Pour autant, ces intervenants nécessitent le même niveau de service et de sécurité que les autres collaborateurs dans de nombreux domaines, ne serait-ce que pour pouvoir travailler (accès réseaux, habilitations, gestion du matériel, formations sécurité…).
Dans ce contexte, la non-maîtrise du « dernier kilomètre » peut avoir de graves conséquences : perte de temps, échanges de mots de passe, copies locales, accès à des données sensibles, accidents…
Le dernier kilomètre coute cher et demande parfois de changer la méthode.
Nous avons déjà largement discuté des coûts cachés induits par les données de mauvaise qualité, même en petites quantités : Qu'est-ce que des données RH de bonne qualité ?
Une donnée de mauvaise qualité coûte en moyenne 10 fois plus cher à traiter qu'une donnée de bonne qualité.
Par ailleurs, on observe fréquemment un écart entre le succès apparent de l’initiative de digitalisation et le ressenti des équipes les plus opérationnelles.
En identifiant les causes internes ou externes à l’origine des quelques pourcents de données difficiles à fiabiliser (inférieur à 3% selon nos constatations), on remarque souvent que ce sont également les plus chronophages à traiter (dossiers complexes, incomplets, erronés ou même inconnus).
Cette limite semble souvent incompressible et les décideurs RH peuvent être tentés de s’en accommoder par manque de solutions.
En fait, il faut souvent de changer de stratégie et de chercher à dépasser le simple cadre de l’outil informatique pour développer des solutions spécifiques, techniques ou non-techniques et s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue et pérenne dans le temps.
Ces actions, bien que coûteuses et chronophages, constituent un investissement rentable pour atteindre la qualité des données requise et, surtout, économiser énormément de temps pour toutes les équipes.
Travailler sur les derniers pourcentages de données à fiabiliser s’avèrera donc payant mais demandera une approche plus fine et adaptée à chaque difficulté, par définition difficiles à anticiper.
La valorisation du dernier kilomètre
Nous avons abordé l'aspect « collecte et traitement » des données ainsi que les difficultés liées à la fiabilisation des derniers pourcents de données, c’est-à-dire au début du cycle de vie des données.
Cependant, cette analogie s'applique également à la phase de valorisation des données, lorsqu'il s'agit d'extraire de l'information et de la diffuser aux bons acteurs.
Dans l'article En finir avec les indicateurs inutiles, nous avons abordé la difficulté de produire des analyses à la fois précises, utiles et compréhensibles pour l'ensemble des clients internes.
La plupart des tableaux de bord génériques apportent peu d'informations utiles.
Et même lorsque les data-analystes conçoivent des indicateurs ou des tableaux de bord RH à destination des métiers, de nombreux indicateurs ne parviennent pas totalement à remplir leur objectif, d'autant que chaque collaborateur au sein de l'écosystème RH va avoir des attentes spécifiques vis-à-vis des données.
Alors que les Jeux Paralympiques viennent de s’achever, il est intéressant de faire un point sur la problématique d'inclusion digitale.
Alors soyons clair, actuellement, trop de logiciels professionnels restent complexes à utiliser , voire inaccessibles aux personnes en situation de handicap.
Petites tailles de police et faible contraste, absence de navigation au clavier, manque de support pour les lecteurs d'écran, vidéos sans sous-titres ou transcription, utilisation de couleurs, formulaires web complexes sans instructions claires, animations excessives, contenu clignotant, absence d'alternatives textuelles pour les contenus non textuels…
Aborder la "digitalisation du dernier kilomètre" implique de repenser nos outils numériques pour assurer que chaque collaborateur, quel que soit son rôle, puisse les utiliser efficacement.
Cela signifie concevoir des technologies qui non seulement répondent aux besoins variés de tous les utilisateurs mais qui éliminent également les barrières à l'accessibilité.
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Références :
Qu’est-ce que la logistique du dernier kilomètre ? (descartes.com)
https://bigmedia.bpifrance.fr/news/demain-le-dernier-kilometre-une-necessaire-mutualisation
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