NDLR : Pendant le mois d’août, nous publions à nouveau quelques-uns des textes les plus lus de l’année écoulée.
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Vous vous souvenez peut-être de cette série télévisée, « X-Files : aux frontières du réel », qui avait fait de cette affirmation la trame de son suspens : « La vérité est ailleurs ». D’accord, le parallèle est un peu osé. Mais il faut bien dire qu’avant la Covid, les salariés français qui envisageaient et réclamaient une flexibilité significative de leurs horaires et de leur(s) lieu(x) de travail faisaient effectivement figure… d’extraterrestres ! Pour avoir moi-même connu et pratiqué le télétravail à haute dose depuis 23 ans, je peux témoigner que le regard porté sur moi au début par mes collègues portait autant d’étonnement et d’attrait… que de critique et de méfiance ; à l’évidence, je n’étais pas comme eux : comme s’ils voyaient E.T. ! Mon parisien de patron d’alors, comme je travaillais depuis la Haute-Marne, m’imaginait dans un lointain pays de l’est ! Et je lui répondais invariablement : « tu peux être rassuré, ce qui est sûr c’est que je ne suis pas à l’ouest ! ».
De nouveaux indices indéniables !
Aux dernières nouvelles, tirées de l’étude ADP « People at Work 2023 : l’étude Workforce View »[1], il semble que les travailleurs “aliens” se multiplient, suite aux trois ans de crises qui ont révolutionné les représentations du travail. Tenez-vous bien :
- Un tiers des travailleurs français (33 %) seraient prêts à déménager à l’étranger tout en continuant à travailler pour leur employeur actuel ; 12 % d’entre eux ont déjà sauté le pas.
- 50 % des jeunes de 18-34 ans songent à déménager à l’étranger pour obtenir de meilleures opportunités professionnelles.
- 31 % des salariés français affirment avoir la possibilité de télétravailler depuis n’importe quel lieu au sein de l’hexagone, et 26 % depuis l’étranger.
- Près d’un collaborateur français sur 5 (19 %), pense que la possibilité de travailler à distance depuis n’importe quel endroit dans le monde devrait devenir la norme au sein de leur secteur d’activité d’ici les 5 prochaines années (à noter qu’ils sont 28 % dans le monde à le penser). Les travailleurs évoluant dans la finance, dans l’informatique et les télécommunications sont même respectivement 34 % et 30 % à établir cette prédiction.
Ce ne sont donc pas seulement les représentations du travail qui sont en train d’évoluer, mais aussi les pratiques !
Des entreprises qui peinent parfois à trouver leurs marques
Comment les entreprises réagissent-elles ? Elles sont parfois prises dans une incertitude sur la pérennité des intentions de leurs salariés, comme sur une politique claire à adopter. Certaines font du yoyo avec le travail à distance, comme le montre ce très bon article de Marie-Sophie Zambeaux sur RH info. Sa conclusion est lucide : il faudrait « mener une réflexion en profondeur sur l’organisation du travail et l’articulation présentiel/distanciel. Un trop grand nombre d’entreprises ne se sont pas encore attaquées aux réels problèmes soulevés par le télétravail et se sont contentées d’actions cosmétiques. » Les chiffres de l’étude ADP confirment cette inertie : 24 % des salariés déclarent ne disposer d’aucune information de la part de leur entreprise sur la flexibilité horaire possible ; et 30 % sur la flexibilité géographique.
Certes, ce n’est pas le cas de tout le monde, et ils sont tout de même assez nombreux à être satisfaits de la flexibilité horaire (45 %) ou géographique (44 %) qui leur est offerte. Et néanmoins près d’un tiers (32 %) des collaborateurs français déclarent que leur employeur ne leur fournit pas le matériel nécessaire pour travailler à distance.
Tout ceci nous montre à quel point l’avenir se cherche, même dans l’incertitude. Parmi ceux qui envisagent de déménager à l’étranger tout en conservant leur emploi actuel, 25 % supposent qu’ils ont cette possibilité grâce à la politique de flexibilité de leur entreprise. Une flexibilité qui leur permet de travailler depuis n’importe quel endroit au sein de l’hexagone (31 %), mais aussi depuis l’étranger (26 %). D’autres supposent qu’une telle possibilité est envisageable car leur emploi ne nécessite pas qu’ils se trouvent en un lieu spécifique (27 %) ou parce qu’ils ont constaté que certains de leurs collègues l’avaient fait (26 %). L’âge semble également être un facteur central pour les projets de déménagement. Quand 56 % des salariés de 18 à 24 ans seraient prêts à déménager tout en gardant leur emploi, ils ne sont que 14 % des plus de 55 ans à l’envisager ou l’avoir déjà fait. La moitié des jeunes de 18-34 ans (50 %) songent à déménager à l’étranger pour obtenir de meilleures opportunités professionnelles, un chiffre qui tombe à 31 % des travailleurs âgés de plus de 45 ans.
Un enjeu dans la guerre des talents
Il semble assez probable que la flexibilité et la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée constitue désormais un enjeu pour la captation et la rétention des talents.
Les recruteurs se plaignent du peu de candidats pour les postes qu’ils proposent, mais selon une étude de juin 2023 menée par OpinionWay pour Indeed, 78 % d’entre eux en France ne mentionnent pas systématiquement le nombre de jours de télétravail dans les offres d’emploi et 22 % d’entre eux ne l’ont même jamais mentionné dans leurs annonces.
Le travail à distance et l’organisation hybride du travail doivent faire l’objet d’une réflexion construite. Comme le dit Carlos Fontelas De Carvalho, président d’ADP en France et en Suisse : « Je crois que la culture d’une entreprise et le sens du collectif se feront avant tout dans le dialogue, en se basant sur la confiance du management, l’autonomie accordée aux collaborateurs et la responsabilité de tous. Ce triptyque constitue l’un des meilleurs moyens pour attirer et retenir les talents ».
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[1] Le rapport « People at Work 2023 : l’étude Workforce View » étudie les comportements des salariés face au monde du travail actuel, ainsi que leurs attentes et espoirs vis-à-vis de leur futur environnement de travail. ADP Research Institute a interrogé 32 612 actifs dans 17 pays, dont 1 912 en France.
People at Work 2023 : l'étude Workforce View
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