Les agissements sexistes sont-ils toujours une cause de licenciement ?

M. [S] a été engagé, en qualité de technicien supérieur, le 21 septembre 1993 par l’établissement public à caractère technique et industriel Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Le 1er septembre 2016, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis devant le conseil conventionnel auquel l’employeur a soumis une proposition de mise à pied d’un mois.

Licencié pour faute par lettre du 11 octobre 2016 en raison de propos inappropriés à connotations sexuelle à l’égard de collègues féminines, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture.

La cour d’appel a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse après avoir relevé que la hiérarchie du salarié était au courant de son « humour franchouillard » ou « provocateur, maniant souvent le second degré » et ne l’avait pas sanctionné dans le passé.

Par ailleurs, dans la mesure où l’employeur envisageait initialement une mise à pied disciplinaire d’un mois lors de la séance du conseil conventionnel du CEA, le licenciement, sollicité par un représentant de la CGT, voté favorablement par le conseil conventionnel et notifié par le CEA le 11 octobre 2016, apparaissait disproportionné, alors qu’aucune sanction antérieure n’avait été prononcée antérieurement à l’encontre du salarié pour des faits similaires.

Dans cette affaire, le CEA rappelle que tout employeur a pour obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements dégradant à connotation sexuelle et attentatoire à la dignité, au besoin en procédant au licenciement du salarié auteur de tels agissements. 

Dans ces conditions, les propos à connotation sexuelle, sexistes, insultants, humiliants et dégradants d’un salarié à l’égard de collègues féminines, et ce de manière réitérée pendant plusieurs années, constituent bien une faute justifiant le licenciement, nonobstant le fait que ce comportement réitéré n’ait pas immédiatement été sanctionné ou qu’il ait pu être toléré dans un premier temps par ses supérieurs.

A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation rappelle que nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

De même, tout employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, et doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire cesser notamment les agissements sexistes.

Par conséquent, dès lors que le salarié incriminé a tenu, auprès de certains collègues de travail, des propos à connotation sexuelle, insultants, humiliants et dégradants à l’encontre de deux autres collègues de sexe féminin, indiquant notamment que l’une d’elles «était une partouzeuse», « avait une belle chatte» et « aimait les femmes», ces faits étaient de nature à caractériser, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, un comportement fautif constitutif d’une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement décidé par l’employeur.

Autrement dit, pour la cour de cassation, le fait que l’employeur n’ait pas immédiatement réagi au comportement inapproprié du salarié, en faisant preuve d’une tolérance concernant des agissements survenus dans le passé, et qu’il ait d’abord envisagé une sanction moindre, ne l’empêche aucunement de licencier pour faute le salarié qui réitère de tels propos sexistes.
_________________________________________________

Cour de cassation, civile, Chambre sociale,

12 juin 2024, n°23-14292,

Publié au bulletin
____________________________________________

Pour en savoir plus sur le Cabinet TNDA - Avocats

Tags: Sexisme Faute Licenciement