Lorsque les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose-t-il à une retenue sur salaire ?

Au cours de l’année 2016, des salariés personnel navigant commercial (PNC) de la société Air France ont exercé leur droit de retrait. Dans les courriers des salariés ayant exercé leur droit de retrait, il n’a été fait référence à aucun motif.

L’employeur a alors procédé à une retenue sur leurs salaires.

 Le syndicat Union syndicale d’Air France (UNSA-SMAF) et le Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) ont saisi le tribunal judiciaire afin qu’il soit fait interdiction à la société de pratiquer à l’encontre du personnel navigant commercial exerçant son droit de retrait une retenue sur salaire en l’absence de décision judiciaire déclarant abusif ou non fondé le droit de retrait.

La cour d’appel a débouté les syndicats de leurs demandes.

Pour les syndicats, aucune retenue sur salaire ne peut être opérée par l’employeur à l’encontre du salarié qui s’est retiré d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé 

En effet, dès lors que la loi donne au salarié le droit d’apprécier lui-même l’existence d’un danger grave et imminent justifiant qu’il se retire, il en découle que l’employeur ne peut effectuer d’office une retenue sur le salaire du personnel qui a exercé son droit de retrait tant que le droit de retrait n’a pas été reconnu illégitime par le juge.

En considérant que la société Air France était en droit de pratiquer à l’encontre de tout le personnel navigant commercial exerçant son droit de retrait une retenue salariale en l’absence de décision judiciaire déclarant abusif ou non fondé le retrait litigieux, les syndicats considèrent que la cour d’appel a violé l’article L. 4131-3 du code du travail. 

Dans cette affaire, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Aux termes de l’article L. 4131-3 du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.

Pour la Cour de cassation, il résulte de ces dispositions que lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien fondé de l’exercice de ce droit par le salarié.

Autrement dit, aucune disposition ne fait obligation à l’employeur de saisir le juge avant de décider de retenir une partie de la rémunération du salarié en cause.

Dès lors c’est à bon droit que la Cour d’appel a rejeté la demande des syndicats tendant à faire interdiction à l’employeur de pratiquer à l’encontre de tout personnel navigant commercial exerçant son droit de retrait, une retenue sur salaire en l’absence de décision judiciaire déclarant abusif ou non le retrait litigieux.
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Cour de cassation, civile, Chambre sociale,

22 mai 2024, n°22-19849,

Publié au bulletin
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Tags: Droit de retrait Salaire Législation