« La forme c’est le fond qui remonte à la surface » Victor Hugo[1].
« Prenez du recul ! » cette injonction fait partie de la panoplie disponible pour mettre en œuvre les soft skills attendue par les organisations. Je l’ai entendue, vécue à de multiples occasions durant mes 50 années de carrière. J’ai de bonnes raisons de penser que je ne suis pas solitaire. Alors que dois-je faire ? Reculer sur un emplacement stratégique préparé à l’avance ? Reculer jusqu’aux arbres selon ce vieux principe ? S’agit-il en fait de traiter mes tensions, les effets de mon surinvestissement, en un mot gérer mon stress. Si l’on suit les recommandations actuellement dispensées comme la méditation ou un peu d’eau parfumée avec quelques pensées positives devraient suffire. Si Hans Selye[2] pouvait parler aujourd’hui, il nous redirait que le stress a pour origine la gestion de l’acceptation de l’écart entre l’attendu et le vécu. Si cela est accepté, c’est le stress positif : adrénaline et dopamine si cela est refusé c’est le stress négatif : Adreno Cortico Tropic Hormone HCTH avec les conséquences connues. La forme c’est l’injonction, le fond c’est le savoir.
La forme, fond et les soft skills ; oui, mais quoi ?
Une précision s’impose quand est abordé la notion des soft skills, des compétences comportementales, de quoi parle-t-on ? S’agit-il de l’origine, de la liste des caractéristiques, de termes génériques ou bien d’actions à mener ?
Les compétences comportementales font l’objet de débat nourri et proposé par les experts : acculturation, démarche sociocognitive ou liste d’intentions, semblable aux promesses que chacun édicte à l’aube de la nouvelle année avec l’intention de devenir meilleur. L’usage de la démarche abductive permet de faire le voyage intellectuel entre la réalité du terrain : la forme et la théorie fondamentale : le fond.
Culture et acculturation et démarche sociocognitive
« La culture est ce qui subsiste, quand on a oublié tout ce qu’on avait appris » Ellen Key[3]
L’acculturation en tant que processus de disparition de la culture d'origine par contact avec une autre culture est liée à l’évolution de la pensée et des valeurs. Il est question alors de la forme que doit prendre la relation entre les individus. C’est un choix de style de vie de la société dans laquelle les individus évoluent, mais les principes fondamentaux demeurent.
Le principal acteur de la démarche sociocognitive est Albert Bandura[4]. Sa théorie de l’apprentissage sociale, STL Social Learning Theory repose sur l’apprentissage par l’imitation du comportement d’autres personnes. La théorie sociale cognitive repose sur les trois paramètres : personnalité, environnement et comportement. Bandura a modéliser ce précepte antérieur au Moyen Âge édicté par Ambroise de Milan[5] : « Si tu es à Rome, vis comme les romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit ».
La forme, fond et les soft skills, oui, mais comment ?
« Le savoir est le seul outil de production qui ne soit pas sujet aux rendements décroissants » John M. Clark[6].
Il faut apprendre dans les deux acceptions du terme, apprendre soi-même et apprendre aux autre la maitrise du fond pour ensuite pouvoir s’exercer la mise en œuvre de la forme.
La maîtrise du fond
« Comment ça marche ? » Michel Chevalet[7], d’après le livre blanc, la modélisation des soft skills de l’auteur.
La modélisation permet d’identifier, de classer et d’identifier les soft skills et de différencier le fond et la forme. Le modèle de l’éducation de soi-même se définit en 7 clés. Chacune d’elles repose sur un ou plusieurs précepte, concept et méthode historique, académique ou scientifique, seule la forme évolue en fonction des situations.
Clé n° 01 Apprendre àApprendre Donner, recevoir et maitriser les enseignements, enseigner c’est apprendre deux fois. « Apprendre ce n’est pas remplir un vase, mais allumer un feu » ; Aristophane[8], soit 400 ans avant Jésus Christ
Clé n° 02 Posture Evoluer de l’apparence à la stature. Le comportement, l’attitude, les valeurs, les connaissances, les compétences et la motivation. Pour évoluer de l’apparence à la stature et développer son charisme adapté à la situation. Cela revient à appliquer la démarche sociocognitive citée précédemment.
Clé n° 03 Obtenance : Obtenir l’accord, savoir négocier en toutes circonstances. La base est l’accord obtenu à partir de la définition Aristote[9] selon laquelle la valeur d’usage, ce que fait de l’accord celui qui le donne et la valeur d’échange l’aspect économique.
Clé n° 04 Stress : Savoir générer son bon stress en toutes circonstances. Nous sommes depuis la nuit des temps sujets au stress, mais avec le vocabulaire de chaque époque : mélancolie, spleen, langueur, nostalgie, dépression, affliction avec les tourments usuels. Si Hans Selye[10] avait exercé son savoir au XVIe siècle il aurait déclaré : « Le stress sans mauvais stress, le stress est un danger qui présente des opportunités ». Alors la Princesse de Clèves[11] morte prématurément arrachée trop tôt à l’affection des siens aurait vécu plus longtemps.
Clé n° 05 Management Faire faire et obtenir. Sun Tzu[12] 5e siècle av. J.-C. propose une des versions les plus anciennes des règles de management. Depuis cette époque les princes, les gouvernants, les religieux, les militaires nous proposent différentes versions de l’exercice de gouvernance, du commandement, en un mot du management. A ce titre Mispelblom Beyer[13] démontre le parallèle de l’évolution de l’exercice du commandement militaire et du management civil au XXe siècle, ce qui permet de conclure que « Le management est l’activité du professionnel de la performance des autres », dit Philippe Gabillet[14], cela a existé, existe et existera.
Clé n° 06 Art oratoire : maitriser son charisme par la rhétorique. La base en est la dialectique et ses composants dont Zénon d’Elée[15] en est l’inventeur, Platon[16], Socrate[17], Démosthène[18] ont fait le reste. Même si Harvard University considère la chose comme « la méthode grecque ». L’antiquité grecque nous propose un instrument plus que jamais d’actualité comme le définissait La Rochefoucauld[19] « L’éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu’il faut ».
Clé n° 07 Qualité : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… Dieu dit alors : que la lumière paraisse ! Et la lumière parut. Dieu constata que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité ». Il s’agit sans doute du premier contrôle qualité dans le sens ou la qualité consiste à « supprimer l’écart entre l’attendu et le vécu pour provoquer un sentiment de satisfaction ». Le client est alors à côté de l’opérateur et le contrôle est constant, et cela jusqu’à la fin du XIXe siècle. Ford[20] sous la recommandation de Taylor[21] créa la fabrication à la chaine. Le client n’est plus à côté de l’opérateur pour contrôler la conformité de sa demande. Le système qualité moderne vit le jour et Deming[22] en fit la popularité en participant activement à la reconstruction industrielle du Japon dès 1946.
Chaque clé prend ses sources dans le passé qui a construit le présent et prépare le futur.
L’origine et l’évolution
« La nécessité est la chose la plus forte, puisqu’il n’y a rien dont elle ne vienne à bout » Thalès[23].
Par nécessité, l’armée américaine en 1972 sépara les « Compétences liées à l’emploi impliquant des actions affectant les relations humaines de celles affectant des matériels et des techniques » ; ainsi naquit l’appellation « soft skills ». Depuis cette date le vocabulaire s’enrichit de mots aussi variés qu’imprécis. Le schéma suivant expose une liste non exhaustive de cette situation devenue compliquée.
Une réflexion pour passer du compliqué au complexe s’impose.
La rencontre avec Newton[24]
« La meilleure façon de comprendre est quelques bons exemples » Newton
En 1666 Newton a démontrer la décomposition de la lumière blanche[25] et créer le cercle éponyme de couleur. Le schéma le représente avec les couleurs primaires : bleu (cyan), rouge (magenta) et jaune ; les couleurs secondaires nées du mélange des couleurs primaires : vert (bleu et jaune), orange (jaune et rouge) et violet (rouge et bleu).
Pour mémoire les couleurs tertiaires sont obtenues par mélange des primaires et des secondaires. L’intensité, la valeur tonale des couleurs est créée par l’adjonction de blancs pour éclaircir ou de noir pour assombrir. La combinaison de ces paramètres conduit à la création de sa propre palette.
La rencontre avec Aristote[26] et le modèle edsm7c
« La métaphore, est le transport (epiphora) à une chose d’un nom qui en désigne une autre, transport du genre à l’espèce ou de l’espèce au genre, ou de l’espèce à l’espèce ou d’après le rapport d’analogie » Aristote.
La modélisation permet d’évoluer d’un système compliqué vers un système complexe pour conduire commodément son étude et son exploitation afin d’identifier et d’en mesurer les composants. L’edsm7c, Education de Soi-Même en 7 Clés modélise les paramètres usuels des soft skills.
Aristote met à disposition la métaphore et l’analogie, cela autorise la comparaison, la ressemblance entre les deux situations : les soft skills et l’edsm7c. Le schéma suivant présente le modèle edsm7c suivant le cercle des couleurs de newton.
Il est possible de créer le comportement de son choix par l’assemblage des clés primaires de l’edsm7c : Posture – Obtenance – Qualité ; les clés secondaires : Art oratoire – Management – Stress ainsi que les paramètres tertiaires Vécu, Attendu, Faire faire, Obtenir, Rhétorique, Charisme. Le degré d’intensité est obtenu par la clé Apprendre à apprendre au niveau souhaité : 1 Ignorant, 2 Débutant, 3 Confirmé, 4 Expert, 5 Maitre.
La rencontre Newton, Aristote, edsm7c et les soft skills
Les soft skills, les compétences comportementales, telles qu’exprimées usuellement, dans la métaphore du cercle chromatique sont positionnés dans le schéma suivant.
Ce descriptif de la modélisation, livré à titre d’exemple apporte une réponse simplifiée des pratiques décrites par l’edsm7c à mettre en œuvre pour développer les compétences comportementales attendues. La modélisation se conjugue à l’infini pour gérer les situations à traiter.
Conclusion
« Pour moi, le fond et la forme sont aussi distincts que le lièvre et sa sauce. Est-ce que le lièvre nait en civet ? » Roger Martin du Gard[28].
Si vous avez besoin d’utiliser un marteau, une hache, une raquette… il vaut mieux connaitre le précepte de l’effet de couple et celui de l’énergie cinétique. Ainsi vous tiendrez l’instrument par le bout pour avoir un effet de levier maximal et en accélérant pour bénéficier de la formule : ½ de MV² soit ½ de la masse multiplié par le carré de la vitesse. Votre geste devient alors efficient.
La volonté politique des personnes en charge de la responsabilité du développement des soft skills repose sur l’éducation aux préceptes, aux concepts et aux méthodes pour faire comprendre pourquoi les soft skills existent. L’étape suivante conduit à mettre en œuvre les méthodologies, les actions pour obtenir les résultats attendus.
De même que la connaissance de la théorie du cercle chromatique de Newton est à la base à la création de toutes les palettes artistiques, la modélisation des soft skills conduit à la création des compétences comportementales attendues par chacun d’entre nous. L’évolution des « Attributs personnels qui permettent à quelqu’un d’interagir efficacement et harmonieusement avec d’autres personnes[29] », de ses soft skills, de ses compétences comportementales est à ce prix. Sa vie, qu’elle soit personnelle, professionnelle, sociale, intime, doit sans cesse être orienté vers l’efficience au fil des jours afin de devenir son propre mentor.
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Nota Bene : Pour satisfaire la recommandation de Gandhi[30] « L’éducation est l'outil de base pour le développement de la conscience et la reconstitution de la société ». Le livre blanc "La modélisation des soft skills" est téléchargeable gratuitement ICI.
[1] Victor Hugo, 1802 -1885, homme de lettre, français [1]
[2] Hans Selye, 1907 – 1982 médecin hongrois, créateur du précepte du stress[2]
[3] Ellen Karolina Sofia Key, 1842 – 1926, femme de lettres suédoise
[4] Albert Bandura 1925 – 2021 Psychologue canadien
[5] Ambroise de Milan, 339 – 397, homme d’Église romain.
[6] John Maurice Clark, 1884-1963, économiste américain
[7] Michel Chevalet, 1939, journaliste scientifique français
[8] Aristophane, 445 - 375 av. J.-C poète grec.
[9] Aristote 384-322 av. J.-C. philosophe grec
[10] Hans Selye 1907-1982 endocrinologue canadien d’origine autrichienne et hongroise, fondateur des études sur le stress
[11] La Princesse de Clèves 1678, roman de Madame Marie-Madeleine de La Fayette
[12] Sun Tzu 544-496 av. J.-C. général chinois, auteur de l’art de la guerre.
[13] Frederik Mispelblom Beyer 1950 professeur « Vers une mitigation du commandement et ses conséquences » 2004.
[14] Philippe Gabillet, 1958, professeur de psychologie et de management, conférencier, coach de dirigeants français.
[15] Zénon d'Élée, 490 – 430 av. J.-C. philosophe grec
[16] Platon, 428/27 – 348/47 av. J.-C. philosophe
[17] Socrate, 470/69 – 399 av. J.-C. philosophe
[18] Démosthène, 384 – 322 av. J.-C. orateur grec
[19] François VI, deuxième duc de La Rochefoucauld, prince de Marcillac, 1613-1680 Pair de France homme de lettres, français
[20] Henry Ford, 1863 – 1947, industriel américain
[21] Frederick Winslow Taylor, 1856 – 1915 ingénieur américain.
[22] William Edwards Deming, 1900 – 1993, statisticien américain
[23] Thalès de Milet, dit Thalès, vers 625-620 av. J.-C. - vers 548-545 av. homme de lettres et savant grec.
[24] Isaac Newton, 1642-1727, homme de sciences britannique.
[25] « Lettre de M. Isaac Newton, professeur de mathématiques à l’université de Cambridge, contenant sa nouvelle théorie sur la lumière et les couleurs », Philosophical Transactions of the Royal Society, 80, 19 février 1671/72, p. 3075
[26] Aristote 384-322 av. J.-C. philosophe grec
[27] Alexandre Guitry, dit Sacha Guitry, 1885- 1957 artiste et homme de lettres français
[28] Roger Martin du Gard, 1881 – 1958, homme de lettres français
[29] Définition des softs skills ». La conférence de l’U.S. Continental Army Command and U.S. Army Defense School, 1972.
[30] Mohandas Karamchand Gandhi 1869 - 1948, homme d’état indien.
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