Manager : une attitude spontanément très « affirmative »

Le manager se vit naturellement comme « un sachant ». A des degrés variables, c’est inhérent à la posture d’encadrement, à ce qu’elle suppose (savoir où on va), à ce qu’elle permet (impulser une direction aussi rapidement que possible) et à ce qu’elle empêche (le doute et l’hésitation excessive).

Le manager est « un sachant » sous aux moins 5 aspects.

  1. il se figure un tableau d’ensemble de la situation de l’entreprise qui lui apporte des perceptions différentes de ses subordonnés,
  2. il possède des compétences d’encadrement (communication, motivation, gestion des conflits …) acquises par expérience et/ou formation continue,
  3. il a engrangé des compétences techniques étendues,
  4. on lui donne des objectifs qui lui servent de ligne d’horizon et qui l’obligent à toujours prévoir le coup d’après, même dans sa gestion au jour le jour,
  5. il connait bien ses collaborateurs, et ce que chacun peut, ou pas, accomplir ou apporter à l’effort collectif.

Le manager sait théoriquement où lui, et /ou son équipe, vont et comment. Il sait ce qu’il faut faire. Il sait ce qui est nécessaire ou souhaitable. Il sait qui peut et qui ne peut pas.

Cette situation lui rend difficile la pratique systématique de l’attente, de la consultation, de la modestie et du doute, quand bien même il le voudrait.

Il sait plus. Il sait différemment.

Ce qui ne veut pas dire qu’il sait tout.

Et cela veut encore moins dire que « sachant », il pourrait se mettre en surplomb et manipuler ses collaborateurs au gré de ses humeurs et de ses besoins ... Comme des pions obéissants, dans un jeu d’échec dont il serait le maître.

L’être humain ne fonctionne pas comme ça. Il ne supporte pas d’être traité comme un objet, un pion, une marionnette.

Pour mémoire, nous avons tous trois besoins psy fondamentaux pour rester motivés au travail :

  • L'autonomie : être à l'origine ou à la source de nos propres actions.
  • La compétence : se sentir efficace et capable d'effectuer des tâches avec différents niveaux de difficulté.
  • L'appartenance sociale : se sentir connecté, respecté et soutenu par l’entourage.

Un manager majoritairement affirmatif prend le risque d’être perçu comme directif et donc de ne pas combler ces besoins psychologiques incontournables.

Quel est l’intérêt du manager à pratiquer le questionnement ? Que peut-il obtenir ?

Instiller une dose de questionnement dans sa communication va lui permettre d’atteindre plusieurs objectifs :

  • Responsabiliser,
  • Cultiver l'autonomie et renforcer le sentiment de compétence,
  • Récolter de l'information,
  • Prendre le pouls sur les opinions et perceptions,
  • Mieux comprendre et connaître son interlocuteur,
  • Faire exprimer les émotions et les pensées pour diminuer les frustrations,
  • Vérifier la compréhension de part et d’autre,
  • Capter l’attention,
  • Désamorcer la résistance,
  • Convaincre et influencer en douceur,
  • Pousser à la réflexion,
  • Faire verbaliser un engagement,
  • Valoriser, motiver et pousser à l’action,
  • Ajouter de la qualité à la relation mutuelle, par une démonstration d’intérêt et de respect.

Le bon et le mauvais questionnement

Le mauvais questionnement est celui qui se fait à la mitraillette : un feu roulant de question, sans attention particulière aux réponses. Cela ressemble cruellement à un harcèlement, à un interrogatoire. Le « bénéficiaire » en ressort lessivé, rincé … et démotivé.

Un autre mauvais questionnement est celui qui ne comprend que des questions fermées, anglées ou de pure forme.

« Je peux compter sur toi ? », « ça se passe bien ? », «As-tu des questions ? », «Est-ce qu’on est d’accord ? », «As-tu des inquiétudes ?». Quel que soit le ton utilisé, on sent derrière ces questions une attitude en surplomb qui peut légitimement agacer.

La plus mauvaise des questions est : « Pourquoi as-tu fais ça ? ». Sur un ton accusateur, incrédule ou suspicieux ... on peut difficilement faire plus vexant et infantilisant. Jetez vos « Pourquoi », ils sont remplaçables en mieux, et vos interlocuteurs vous en seront reconnaissants.

Et enfin… oubliezdé-fi-ni-ti-ve-ment le pernicieux et létal « Tu veux en parler ? ». Infantilisant, irrespectueux, empli d’une commisération de bazar, phrase automatique de faux coach … je n’ai pas de mots assez durs pour dire tout le mal que je pense de cette phrase qui devrait mettre légitimement sur la défensive toute personne dotée d’un minimum de fierté et de dignité.

Le bon questionnement est basé sur :

  • Une intention stratégique claire de la part de l’émetteur (c’est primordial),
  • Des questions ouvertes,
  • De l’empathie,
  • De l’écoute, de la reformulation,
  • Une synthèse et un suivi de la conversation,
  • Un sentiment profond d’égalité et de respect envers l’interlocuteur.

Alors ? Quelle est votre intention ?

Vous voulez responsabiliser ? Dans ce cas, essayez :

« Comment vois-tu ta marge de manœuvre ?», « Que pourrais-tu te donner comme plan d’action ? », « A ton avis, de quelle manière pourrais-tu l’aborder ? »

Pour explorer, prendre le pouls ou faire réfléchir :

« Comment recevez-vous cette information ? », « Que pourrions-nous encore améliorer dans notre démarche ? » « Quel angle mort n’avons-nous pas encore exploré ? », « Selon vous, quelle serait la meilleure option ? »

Pour pousser à l’engagement :

« Qu’est-ce que tu te donnes comme plan de marche ? », « Qu’est-ce qui te manque en cet instant pour développer ton idée ? »

Il peut être aussi très utile de commencer une conversation par quelques précautions de langage. Par exemple :

« Maintenant que je t’ai parlé de ma vision de ce contrat, j’aimerais savoir comment de ton côté tu perçois la situation ? »

« Maintenant que le contrat X est derrière nous, c’est important pour moi de prendre le temps de vous entendre sur votre perception des semaines passées, dans le traitement que nous avons eu. Quel bilan auriez-vous envie de tirer ? »

Ultime conseil enfin : dépersonnalisez vos questionnements, ne les centrez pas sur vous, en tant que manager. Par exemple, au lieu de dire « Comment puis-je t’aider ? », dites plutôt « De quel genre d’aide ou d’information aurais-tu éventuellement besoin ? »

L’art de poser des questions judicieuses s’apprend. Tout comme l’art d’écouter, qui est son jumeau. Et chaque nouvelle compétence demande à la fois de la réflexion, de la théorie et de la pratique.

Pour vous lancer, il me parait important de tenir un journal des situations embarrassantes que vous avez vécues, où votre communication n’a pas eu les effets escomptés. Cela vous permettra de « refaire le film » et d’analyser ce qui a pêché.

Un autre outil très précieux sera votre répertoire de questions efficaces, que vous pourrez consulter et mémoriser. Il vous sauvera de l’embarras et de la bourde dans bien des situations périlleuses !

Tags: Questionnement Responsabilité Engagement