La maitrise de la donnée est devenue un enjeu stratégique à tous les niveaux de l'entreprise.
Après 30 ans de digitalisation des processus à travers des SIRH toujours plus performants et plus interconnectés, tous les domaines des Ressources Humaines sont concernés.
La complexité des écosystèmes SIRH et le durcissement des règlementations Européennes (RGPD) et internationales imposent désormais aux décisionnaires RH d’avoir une vision claire sur leurs données pour adopter une stratégie solide face aux défis actuels et futurs, dont l’exigence de s’adapter en permanence aux évolutions technologiques ne peut plus être négligée.
Ces évolutions techniques s'accompagnent également d'une élévation des exigences du client interne qui est de plus en plus au cœur des processus RH.
Cependant, naviguer dans cet océan numérique n'est pas sans défis, et pour ne pas subir et garder leur rôle d’acteur majeur dans la dynamique du changement, les DRH doivent aujourd'hui (re)trouver la maitrise de leur environnement technique et des données qui y transitent.
C'est donc de la sensibilisation, de la pédagogie, de la vulgarisation technique que nous vous proposons à travers cette série d'articles : pour mieux comprendre les enjeux, les contraintes et les opportunités offertes aujourd’hui par les technologies et armer les Ressources Humaines à faire face à ces nouveaux défis
Article #1 : DRH, le Data Revolution Hero
Ce premier article de notre série a pour objet de rappeler quelques généralités et d’introduire les articles suivants qui entrerons plus dans le concret avec des cas d’usages et des contributions d’experts qui ont accepté de participer à ce projet.
Commençons par un retour en arrière
Dans le premier service RH que j'ai intégré il y a une vingtaine d'années, trônait dans le bureau de la Direction des Ressources Humaines une grande armoire forte qui ne s'ouvrait qu'avec un code. C'est dans cette grande armoire que se trouvaient tous les dossiers collaborateurs, les contrats de travail, les avenants, les attestations de la médecine du travail, tous les échanges avec le collaborateur ou les managers à son sujet, les entretiens d'évaluation… en fait, seules les données de paie étaient à l'époque déjà "digitalisées" et toutes les autres informations se trouvaient dans les « dossiers collaborateurs » de cette grande armoire, dont seuls les RH connaissaient le code.
Depuis, j’ai accompagné de nombreux professionnels RH et éditeurs de solutions SIRH dans des contextes variés, pour la mise en place de SIRH ou d’outils de reporting, des problèmes d’interfaces complexes… et partout les fameux dossiers collaborateurs papier de l’armoire forte, à la seule main des RH, se sont retrouvés catapultés, dispatchés dans le cloud et petit à petit une barrière technologique s'est dressée entre les professionnels RH et leurs données.
En effet, après 20 ans de digitalisation presque à marche forcée de tous les processus RH, la promesse technologique se traduit souvent dans le quotidien des RH par des heures passées à retraiter les données dans des fichiers Excel qui arrivent de partout, des outils qui se multiplient mais qui communiquent encore mal entre eux.
Pour des raisons historiques et techniques sur lesquelles nous reviendrons, les SIRH se sont souvent développés par à-coups, selon l’évolution des besoins et des solutions : un SIRH pour la paie, un SI de gestion des temps, un SI pour le recrutement, un SI pour la formation, un outil interne d’onboarding, un outil de reporting … et de plus en plus, les eco-systèmes SIRH sont souvent des constellations complexes de Systèmes interconnectés qui utilisent et génèrent tous des données en masse.
Nous constatons régulièrement que le dialogue entre les équipes techniques et les équipes métier manque de fluidité et dans les pires cas, il peut même être conflictuel. Ce sont des métiers très différents et entre les contraintes des uns et les besoins des autres, il y a souvent un décalage qui peut nuire au résultat final, voire passer à côté du besoin, mal exprimé ou mal compris.
Enfin, difficile aujourd'hui de savoir (vraiment) où sont ses données, qui y a accès et pour quoi faire.
Et cela était tout simplement inenvisageable il y a 20 ans.
Ainsi, les professionnels RH peuvent parfois se sentir perdus dans cet environnement technique omniprésent, sans cesse en évolution, entre les outils Saas, les outils internes, les initiatives locales, les bases de données, les outils de « ticketing » et les portails collaborateurs… et des interlocuteurs techniques toujours plus nombreux et toujours plus spécialisés, des concepts techniques et un vocabulaire qu'ils maitrisent peu ou mal qui ont pourtant de lourdes incidences sur leur quotidien.
L’arrivée de l’intelligence artificielle avec son lot de nouvelles opportunités mais également de nouveaux risques, va encore bouleverser le monde des RH. Nous dédierons un article entier à ce sujet.
Penser DATA RH
Pour aborder cette complexité, il revient de revenir à l’élément fondamental qu’est la donnée. D’où vient-elle, à quoi nous sert-elle, où, pour qui, pour quoi faire.
Nous vous invitons ainsi à changer de paradigme pour adopter une vision globale de votre écosystème SIRH sous le prisme des données qui y transitent, selon leur cycle de vie propre et centrées autour de vos collaborateurs, ce que nous englobons dans l’expression « DATA RH ».
La Data RH, c’est ainsi toutes les données utilisées et générées par les ressources humaines et les SIRH pour réaliser leurs tâches.
Elles forment un ensemble de données massif, multi sources, multi format, hétérogène, souvent difficile à structurer et à gérer de manière cohérente sur tout le périmètre de l’organisation.
Ce sont évidemment les données du salarié qu'il apporte avec lui en entrant dans l’organisation (et les systèmes) et qui vont s’enrichir et évoluer tout le long de sa carrière.
Ce sont également les données propres à l'entreprise, certaines indépendantes des individus comme l'organisation, les informations juridiques et certaines coconstruites avec le collaborateur comme les évaluations, formations, les sondages…
Enfin, elles peuvent provenir de sources extérieures, des données publiques comme les grilles de salaires, les indices, les formulaires Cerfa ou même la météo, sans oublier les réseaux sociaux et les sites de recrutement.
Elles répondent à des contraintes de sécurité et règlementaires du fait de leur caractère personnelles, confidentielles et souvent stratégiques.
Enfin, elle se modélisent en général autour du collaborateur, ce qui rend difficile d’appliquer directement des outils et des méthodes issues du domaine financier par exemple et leur modèle transactionnel.
La vision centrée sur le Système d’information uniquement, c’est-à-dire l’outil, qui a prévalu jusqu’à présent ne suffit plus à adresser toutes les problématiques émergeantes : Référentiels, interconnections, API, micro-services, reporting global.
Nous remarquons d’ailleurs régulièrement qu’il persiste une croyance qui veut qu'en modernisant son SI, en changeant l’outil, on va améliorer automatiquement la qualité de ses données et leur valeur mais c'est tout sauf évident car quel que soit l’outil, une carence de maitrise de la donnée sera toujours handicapante.
Beaucoup de projets innovants et prometteurs sur le papier sont retardés voire abandonnés faute de données de qualité suffisante et c'est toujours dommage de s'en apercevoir une fois le projet engagé.
En outre, je constate que les décisionnaires RH ont une vision parfois erronée de la qualité réelle de leurs données et peuvent avoir du mal à en mesurer des conséquences, notamment le temps passé à redresser les données par leurs équipes mais également les erreurs, la perte de confiance et les désagréments quotidiens que tout cela engendre.
Des données à très haute valeur ajoutée : Les référentiels RH
Toutes les données RH ne se valent pas.
Par exemple, les compétences d’un collaborateur sont des données qui ont de l’importance depuis le recrutement et elles seront utiles à connaitre durant toute sa carrière dans multiples circonstances et certainement plusieurs outils.
Mais il y une information qui a encore plus de valeur, c’est ce que chacune de ces compétences représentent pour votre organisation et à un ce poste. C’est-à-dire une compétence « référencée », dont vous connaissez la définition dans votre contexte et pouvez en mesurer l’importance pour aujourd’hui et demain dans votre stratégie.
Les référentiels RH concernent en général l’emploi, les postes, les compétences, les collaborateurs, les formations, mais également l’organisation, le pilotage, les entités juridiques, la hiérarchie… ils sont souvent d’ailleurs partagés avec d’autres services de l’entreprise comme l’ERP* ou le CRM*.
Ils ont une importance capitale pour le bon fonctionnement de l’écosystème RH car ils sont le canevas de votre organisation, et uniquement la vôtre, sur lequel vont pouvoir se sourcer toutes les applications et collaborateurs pour comprendre les données de la même manière. Chaque entreprise doit ainsi travailler sur ces référentiels propres pour augmenter la valeur des données collectées.
A contrario, une mauvaise maitrise des référentiels RH est systématiquement néfaste. En me basant sur mon expérience, 80% des problèmes que j’ai rencontré étaient liées à des référentiels non homogènes, désynchronisés ou concurrents entre les applications.
Traiter avec autant de soins les données collaborateurs que les collaborateurs eux-mêmes.
Enfin, il s’agira pour nous de revenir sur les bases d’une gestion éthique et règlementaire de la DATA RH qui seront au cœur des enjeux futurs avec l’émergence de l’IA.
De bien des manières, les datas représentent nos collaborateurs à travers tous les outils que nous mettons en place. Il n'est pas rare que les RH ne connaissent les salariés d'une grande entreprise que via ce qu'elle en sait de son dossier collaborateur.
En entrant dans notre organisation, les collaborateurs nous prêtent leurs données personnelles et nous font confiance pour les traiter avec sérieux, éthique et confidentialité, de même que toutes les données qui seront coconstruites tout au long de leur carrière dans l’entreprise.
La multiplication des interlocuteurs, des sous-traitants et tout le flou qui entoure le "cloud" dans sa globalité rendent les menaces de fuite ou d’erreurs de diffusions, de manquement à la règlementation (RGPD) à la fois plus présentes et plus abstraite. Sans oublier ce qu'on appelle le shadow IT, c’est-à-dire tout ce qui échappe à la marche conforme de traitement de données telle que la politique interne le demande (échanges de clés usb, partages de fichiers…).
Dans cette série d’article, nous allons donc également beaucoup parler d'éthique et de sécurité, et notamment à travers les règlementations RGPD et les problématiques de gouvernance de la donnée.
Une gouvernance Data RH efficace avec des rôles et des responsabilité précis, compris et connus autour des enjeux data apportera à la fois une amélioration substantielle de la qualité et de la valeur des données, améliorera significativement la sécurité et la conformité en découlera naturellement.
Dans le prochain article, nous reviendrons sur les 30 dernières années de technologies et de nouveautés pour comprendre comment cela a radicalement changé nos façons de travailler, les nombreux services rendus mais également les nombreux écueils rencontrés.
N'hésitez pas à réagir si ce sujet vous parle et partager vos expériences et vos questionnements.
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