La loi Marché du travail du 21 décembre 2022 a créé un nouveau dispositif : la présomption de démission en cas d’abandon de poste.

Jusqu’alors, l’abandon de poste n’était pas assimilé à une démission.

La jurisprudence considère en effet de longue date que la démission ne se présume pas ; elle résulte d’une manifestation claire et non-équivoque de la part du salarié.

Ce nouveau dispositif vient à l’encontre de cette règle jurisprudentielle constante.

En pratique, le salarié qui ne se présentait pas à son poste sans autorisation préalable ni justificatif, était licencié pour faute (pouvant aller jusqu’à une faute grave) après une mise en demeure infructueuse (absence de justificatif valable / absence de reprise de poste/absence de réponse).

Il revenait donc à l’employeur de licencier le salarié pour abandon de poste, ce dernier pouvait ensuite prétendre aux allocations chômage.

En effet, le salarié licencié pour faute grave, ne perd pas ses droits à chômage.

En revanche, la démission fait en principe perdre les droits à l’assurance chômage.

Selon une estimation de l’UNEDIC, en 2022, 82 000 abandons de poste auraient ouvert un droit à l’assurance chômage. (Etude UNEDIC publiée le 13 Juin 2023).

Les abandons de poste représenteraient en 2022, 5% des ouvertures de droit. Selon ce sondage, la moitié serait réalisée avec l’accord de l’employeur.

Ce nouveau dispositif entré en vigueur le 19 avril 2023, a pour objectif de faire économiser au régime d’assurance chômage plusieurs millions d’euros par an. Il laisse cependant des questions en suspens dans son application.

1. L’abandon de poste peut désormais être assimilé à une démission

L’article L.1237-1-1 du Code du travail prévoit une présomption de démission pour les salariés qui abandonnent volontairement leur poste, et ne le reprennent passans motif légitime, en dépit d’une mise en demeure de l’employeur de justifier leur absence et de reprendre leur poste.

La présomption de démission ne concerne que les salariés en CDI.

Le salarié qui quitte volontairement son poste afin de provoquer à son encontre une mesure de licenciement, peut dorénavant être considéré sous certaines conditions, comme démissionnaire.

L’abandon de poste doit donc être volontaire : a contrario s’il est justifié par un motif légitime, la présomption de démission ne devrait pas s’appliquer (exemples ; raisons médicales, droit de retrait, droit de grève etc.)

La liste des motifs légitimes fixée à l’article R.1237-13 al 2 du Code du travail est à cet égard indicative.

Le salarié pourrait se prévaloir de diverses motivations légitimes, par exemple d’un harcèlement. La Jurisprudence devrait apporter des précisions quant à l’appréciation du motif légitime.

2. La procédure de présomption de démission

a/ Mise en demeure du salarié par l’employeur

L’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste le met en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai déterminé qui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires à compter de la présentation de la lettre.

La mise en demeure doit être adressée au salarié par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge. Articles L.1237-1-1 et R 1237-13 du Code du travail. Pour des raisons de preuve, un envoi avec accusé de réception est conseillé.

b/ Si le salarié entend se prévaloir d’un motif légitime

Pour se prévaloir d’un motif légitime, le salarié doit préciser ce motif dans la réponse à la mise en demeure – dans le délai imparti.

La justification d’un motif légitime par le salarié dans sa réponse à la mise en demeure, fait obstacle à l’application de la présomption de démission.

c/ Cas où la mise en demeure est restée infructueuse

Un salarié qui ne répond pas à la mise en demeure en invoquant un motif légitime et qui ne reprend pas son poste dans le délai fixé par l’employeur est présumé démissionnaire.

La démission du salarié n’a pas à être formalisée, elle est constatée à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur.

Le salarié est redevable d’un préavis, selon les règles de droit commun liées à une démission. Il sera privé de son droit à l’allocation d’assurance chômage.

En revanche, si le salarié reprend le travail sans justifier d’un motif légitime, il ne sera pas considéré comme démissionnaire. L’employeur conservera la possibilité de le sanctionner pour absence injustifiée.

d/ Contestation de la démission présumée

S’agissant d’une présomption de démission, celle-ci peut être renversée par une preuve contraire du salarié.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail intervenue sur le fondement de la présomption de démission peut saisir directement le Bureau de Jugement du Conseil de Prud’hommes. Celui-ci devra statuer dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

3. L’employeur peut-il opter pour un licenciement pour faute en cas d’abandon volontaire de poste ?

Dans le cadre de ses questions-réponses, le Ministère du travail a répondu à cette question par la négative.

Cette position a été critiquée par de nombreux praticiens et la doctrine, qui se sont interrogés sur le fondement légal d’une telle interdiction. L’employeur serait en effet dans une telle hypothèse, privé de son pouvoir disciplinaire…

Le Ministère du travail a finalement retiré de son site les questions-réponses, tout en confirmant son interprétation.

Cette position faute d’être formalisée, devrait cependant être dépourvue de force obligatoire.

Un recours contre le décret d’application du 17 avril 2023 est actuellement pendant devant le Conseil d’Etat.

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