Nombreux sont ceux qui nous prédisaient que les jeunes salariés, spontanément adeptes de grégarité simple et de bonheur de travailler ensemble, se précipiteraient dès que possible, après plus de deux ans de pandémie, confinements et autres distanciations forcées, sur les locaux conviviaux d’entreprises accueillantes ! Que le télétravail et le soi-disant sentiment d’isolement professionnel et social qui lui serait inhérent, ajouté aux difficultés personnelles de mise en œuvre, aurait eu raison des velléités de flexibilité et de souplesse d’organisation qui sèment le désordre au travail. Sic !
Qu’en est-il dans les faits ?
Cette introduction est évidement un peu caricaturale et ironique… mais la posture qu’elle dénonce n’en est pas moins décalée d’avec la réalité. C’est du moins ce que montre l’enquête « People at Work 2022 : l'étude Workforce View » , réalisée par ADP Research Institute auprès de plus de 32 924 actifs dans 17 pays, dont près de 2 000 en France. Elle révèle que le 100 % présentiel constitue désormais un motif de démission pour plus de la moitié (53%) des 18-24 ans. On pourra faire l’objection qu’il ne s’agit que de déclaratif, et que ces jeunes sont plus prudents que ça… sauf qu’ils sont déjà 23 % à l’avoir fait effectivement, et que le mouvement n’a pas l’air de se stopper ! Les recruteurs et les managers qui font face au problème sont bien placés pour le savoir ; et le phénomène gagne d’autres tranches d’âge : 58% des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises, selon l’enquête Besoins en Main d’œuvre 2022 de Pôle Emploi avec une hausse de 13% des difficultés par rapport à 2021. Situation pour le moins inédite.
Une évolution du sens du travail
En fait, c’est probablement moins un phénomène générationnel qu’un phénomène humain : nous avons pris conscience que nous n’avons qu’une vie, et nous ne voulons plus la perdre à tenter de la gagner à n’importe quel prix… ni surtout à n’importe quelles conditions de travail. Les jeunes sont peut-être simplement plus réactifs, parce que moins installés. Ce sont en effet, toutes tranches d’âge confondues, tout de même 36 % des répondants de l’étude qui seraient prêts à démissionner si leur organisation leur imposait le 100 % présentiel ; et seuls 38 % des salariés français sont “à l’aise” avec l’idée de retourner au bureau à temps plein. Cela me semble significatif d’une évolution de fond dans les mentalités et le rapport au travail. On retrouve un signe de cette tendance dans la note de la fondation Jean Jaurès basée sur une enquête IFOP, rapporté par Cadre Emploi : « en demandant aux Français, en 1990, quelle part le travail occupait dans leur vie, ils étaient 60% à la juger “très importante”. En 2022, à la même question, ils répondent de la même manière à 24% seulement . » Comme l’écrit Sylvia Di Pasquale, auteur de l’article : « 36 points d’écart, ce n’est plus une différence, c’est un gouffre. »
Une attente forte de flexibilité
La flexibilité désirée concerne le lieu de travail, mais aussi les horaires et la souplesse d’organisation. Pour 27 % des 18-34 ans, selon l’Enquête d’ADP, la flexibilité des horaires est l’élément le plus important dans un emploi. Certes, il est clair que cela ne touche pas tous les secteurs d’activité, mais seulement ceux où une proportion de télétravail – ou d’adaptation organisationnelle – est effectivement possible pratiquement, ce qui couvre aujourd’hui en France près de trois quarts des emplois, selon l’Insee . En tous cas, cela devient dans ce cas un critère décisif pour attirer et retenir les talents.
Des entreprises encore en décalage
On le sait : la France est un vieux pays féodal. Mais ceux qui pensent encore qu’il n’est pas bon de “laisser rêver le petit personnel” pourraient bien cette fois en être pour leurs frais ! Quand on apprend que début 2022, seules 19 % des entreprises françaises avaient adopté une politique officielle de travail flexible, il est difficile de ne pas s’interroger. Surtout que toutes les modalités d’organisations hybrides sont possibles, et que même lorsqu’on pense qu’il est important de conserver plusieurs jours de travail en présentiel, il devrait être possible de construire une culture d’entreprise plus ouverte, « en créant un environnement qui valorise les points forts de chacun afin d’améliorer l’autonomie et la confiance entre les entreprises et les salariés », comme le dit Carlos Fontelas De Carvalho, Président d’ADP en France et en Suisse.
Dans la guerre des talents que nous vivons, l’enjeu est juste… vital !
Pour poursuivre la réflexion, vous pouvez télécharger l’intégralité de l’enquête.
People at Work 2022 : l'étude Workforce View
Téléchargez le rapportNewsletter RH info
INSCRIVEZ-VOUS !People at Work 2022 : l'étude Workforce View
Téléchargez le rapport