ADP a fait paraitre au mois d’avril dernier la 7ème édition de son enquête annuelle « People at Work 2022, l’étude Workforce View », qui explore les attitudes des salariés par rapport au monde du travail actuel, ainsi que leurs attentes et leurs espoirs concernant l'environnement de travail du futur.
Elle a été réalisée par ADP Research Institute auprès de 32 924 salariés dans le monde, de tous secteurs et tailles d’entreprises, dont 15 683 en Europe et 1951 en France. Son intérêt réside également dans la comparaison avec les années antérieures successives. Une telle comparaison permet en effet de dégager les tendances et les évolutions utiles, après deux ans de pandémie et de bouleversements, à tous les professionnels de la fonction RH – mais aussi aux dirigeants et aux managers –, en s’appuyant sur des données descriptives. Cette édition 2022 fait apparaitre des lignes de force très intéressantes : vous trouverez un lien de téléchargement en fin d’article.
Les données à relever sont nombreuses et variées, et notre intention n’est pas de les aborder toutes ici aujourd’hui. Il y faudra plusieurs articles d’analyse, que vous retrouverez sur RH info au fil de leur parution.
A la lecture attentive, de grands paradoxes se font jour à mes yeux – toute analyse restant évidemment subjective – et ce sont eux que je souhaiterais évoquer pour commencer, en me concentrant sur les chiffres relatifs à la France. Nous ne manquerons évidemment pas, par la suite, de nous comparer au reste du monde.
1. Paradoxe entre satisfaction et désir de changement
85 % des actifs français déclarent être globalement satisfaits de leur poste actuel. Et ils se disent plutôt optimistes pour les 5 ans à venir. C’est assez remarquable et étonnant pour être souligné !
Et pourtant, seul 20 % d’entre eux pensent que leur secteur est sûr et n’envisagent pas de changer d’emploi/de domaine d’activité. Le paradoxe est violent !
Ce qui explique sans doute au moins en partie que 57 % des salariés ont envisagé une réorientation professionnelle au cours de l’année 2021. Certes, il ne s’agit que d’intentions, mais c’est tout de même très révélateur : dans les actes, 18 % affirment essayer de se réorienter activement… sachant que 15 % ont déjà changé. Selon les secteurs, un tel turn over peut se révéler vraiment problématique ; la guerre des talents n’est plus un vain mot.
2. Paradoxe entre désir de flexibilité et travail supplémentaire
64% des salariés français aimeraient plus de flexibilité dans leurs horaires de travail, et 57 % accepteraient même une baisse de salaire si elle impliquait un meilleur équilibre travail/vie privée. C’est étonnant lorsqu’on sait par ailleurs que le salaire arrive en première position des motivations pour 67 % d’entre eux.
Et pourtant, le nombre d’heures supplémentaires non rémunérées s’établit à une moyenne de 6h00, mais monte à 7,22h chez les 18-34 ans et à 7,88h pour les 18-24 ans. Comment peut-on penser qu’une telle situation pourra se prolonger plus longtemps ? Les conséquences risquent fort de ne pas se faire attendre !
3. Paradoxe entre engagement et stress au travail
Le point précédent manifeste pour moi que, malgré un fort désir de changement et d’évolution des modes de travail, une grande majorité de salariés restent engagés. Il est ici intéressant de croiser ces chiffres avec ceux du baromètre Swile réalisé cette année, qui révèle que 63 % des salariés français sont bel et bien engagés ! J’avais d’ailleurs réalisé un article et un webinar sur le sujet avec Jérémie Sicsic.
Et pourtant, Le stress au travail a atteint des niveaux préoccupants et concerne 64 % des salariés au moins une fois par semaine. Plus problématique encore, en termes de conséquences : 40 % des travailleurs pensent que leur travail pâtit d'une santé mentale en détresse. Là encore, il faut être bien conscient que ce n’est pas tenable sur la durée !
4. Paradoxe entre souhait de télétravail et souhait de retour au bureau
36% des actifs français songeraient à rechercher un nouveau poste si on les obligeait à retourner sur leur lieu de travail à temps plein sans que cela ne soit nécessaire ; c’est assez peu (sic !) si l’on se compare, mais 53 % des 18-24 ans le déclarent clairement, contrairement aux suppositions de certains qui pensaient que les jeunes actifs attendaient désespérément de retourner sur leur lieu de travail : cela me semble significatif d’une accélération de l’évolution des mentalités dans cette tranche d’âge !
Et pourtant, les actifs ne sont que 21 % – notamment les parents – à dire que le travail à distance a facilité leur vie, contre 41 % qui estiment que ça l’a rendu plus difficile. A croire que le télétravail en France accuse encore un retard significatif de bonnes pratiques. Pour le coup, il est intéressant de noter sur ce point la différence avec les chiffres “monde”, où 46 % des travailleurs pensent que le télétravail a facilité leur vie, et 25 % affirment qu'il l'a rendue plus difficile… Cherchez l’erreur !
5. Paradoxe entre désir de sécurité et exigence sociale et sociétale
Il est clair que le contexte actuel pousse les actifs à augmenter leur sécurité d’emploi – les données qui précèdent en attestent. 47 % des travailleurs la considèrent désormais comme une priorité. Chiffre qui arrive en deuxième position derrière un bon niveau de salaire, comme nous l’avons déjà évoqué : 67 %.
Et pourtant, 66 % des salariés envisageraient malgré tout de trouver un nouvel emploi en cas de disparités salariales femmes-hommes au sein de leur entreprise, et 62 % en l’absence d’une politique de diversité et d’inclusion. L’entreprise française, aussi “économique” soit-elle, va devoir tenir compte à l’avenir de l’importance croissante de valeurs humanistes intangibles !
Conclusion
Je me permets de reprendre ici la conclusion de l’étude d’ADP, qui me semble très pertinente : « Les travailleurs réfléchissent plus que jamais à leurs attentes vis-à-vis de leur travail et de la vie en général. En prenant parfois la direction opposée, ils repensent à leur valeur, à la signification de la sécurité de l'emploi, à leurs attentes envers leurs employeurs et aux compromis qu'ils sont prêts à faire. Que ce soit par le biais d'un sentiment de responsabilisation, de désillusion ou simplement en tant que conséquence naturelle des bouleversements qui leur ont été imposés, ils déclarent avoir fortement besoin d'un nouveau modèle en matière de relations professionnelles avec leurs employeurs. Augmentations des salaires, flexibilité et soutien accrus, nouveaux défis à relever, meilleure reconnaissance, amélioration des perspectives d'emploi ou de l'inclusion et de l'équité de la culture d'entreprise : la liste des initiatives permettant de maintenir l'engagement et l'épanouissement des travailleurs est longue et variée. »
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