Le CSE peut-il afficher dans l’entreprise des informations relevant de la vie personnelle d’un salarié ?

Le 5 mai 2019, le secrétaire du comité social et économique de la société Valéo systèmes thermiques a procédé à l'affichage, sur le panneau destiné aux communications de l'ancien comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), d'un extrait des conclusions déposées par ce dernier au soutien d'une citation directe de la société, examinée par le tribunal correctionnel le même jour. Cet extrait reproduisait le contenu d'un courriel adressé le 18 janvier 2016, soit trois ans plus tôt, par l'ancien directeur de l'établissement au directeur en charge de certaines missions d'hygiène, de sécurité et d'environnement.

Ce courriel, de nature disciplinaire, reprochait au responsable sécurité d’avoir communiqué sur l’amiante avec le secrétaire du CHSCT.

Le 7 mai 2019, la société a fait assigner le secrétaire du CSE devant le président du tribunal de grande instance afin que soit ordonné, sous astreinte, le retrait de l'affichage, considérant qu’il s’agissait d’une correspondance privée que le secrétaire ne pouvait communiquer à l’ensemble du personnel.

Au final, la Cour d’appel l’a déboutée de sa demande après avoir estimé que ce mail, s’il pouvait être considéré comme une correspondance privée, avait un intérêt suffisant pour justifier l’atteinte aux droits fondamentaux du salarié concerné dès lors que ce document fixait la position de la direction sur la communication au titre de l’amiante. La cour d’appel a donc estimé que le secrétaire du CSE avait agi dans le cadre des intérêts défendus par celui-ci.

La cour de cassation a été saisie de ce litige.

A cette occasion, la Haute juridiction rappelle que conformément aux articles 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code civil et de l'article L. 2315-15 du code du travail, le respect de la vie personnelle d'un salarié n'est pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article L. 2315-15 du code du travail, nonobstant l'obligation de discrétion à laquelle sont tenus les représentants du personnel à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel, dès lors que l'affichage par un membre de la délégation du personnel du comité social et économique d'informations relevant de la vie personnelle d'un salarié est indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, lequel participe des missions du comité social et économique en application de l'article L. 2312-9 du code du travail, et que l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle est proportionnée au but poursuivi.

Pour la première fois, la Cour de cassation fixe donc le principe et les limites de la communication des élus sur le tableau d 'affichage.

En résumé, la Cour de cassation subordonne l’atteinte au respect de la vie personnelle d'un salarié au fait que l’affichage soit indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et proportionné au but poursuivi.

En l’espèce, après avoir considéré que le mail litigieux « constituait un avertissement ou tout au moins une mise en garde de nature disciplinaire » et donc « un élément relevant de la vie personnelle du salarié », la Cour de cassation a néanmoins estimé que, dans le cas présent, ces deux conditions n’étaient pas remplies s’agissant « d'un courriel relevant de la vie personnelle d'un salarié » et « datant de trois années auparavant et qui concernait seulement les modalités de communication en matière de santé et de sécurité entre deux membres de la direction ».

Autrement dit, pour la Cour de cassation, il n’est pas suffisamment établi que ce mail « était indispensable à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » pour justifier une atteinte à la vie privée.

L’employeur était donc fondé à demander le retrait de l’affichage litigieux.
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Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 16 février 2022
Pourvoi n°20-14416

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