En cas de rupture conventionnelle, quelle est la date limite pour lever la clause de non-concurrence ?
Mme [W] a été engagée le 11 septembre 1995 par la société S&W, aux droits de laquelle se trouve la société Altares D&B, et occupait en dernier lieu les fonctions de directrice des ventes.
La clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail a prévu, d'une part, qu'elle s'appliquerait pour une durée d'une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d'autre part, que l'employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d'un mois à compter de la fin du préavis (ou en l'absence de préavis, de la notification du licenciement).
Les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 27 mars 2015, avec effet au 5 mai 2015.
Le 11 septembre 2015, l’employeur a fait savoir à la salariée qu’elle était déliée de son obligation de non concurrence depuis son départ.
La salariée a demandé le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Devant le Conseil de prud’hommes, la salariée a obtenu gain de cause pour la période du 5 mai au 11 septembre 2015.
Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Lyon qui a estimé qu’à partir du 11 septembre 2015, la salariée avait été valablement informée de la volonté de l’employeur de renoncer à la clause de non concurrence, quand bien même le délai de renonciation mentionné dans le contrat de travail n’avait pas été respecté dès lors, qu’en l’espèce, il n’y avait pas eu de préavis, ni de licenciement.
Ce raisonnement n’a pas été suivi par la Cour de cassation.
Dans cette décision, la Cour de cassation rappelle qu'aux termes de l'article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture conclue entre un employeur et un salarié fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation par l'autorité administrative. Elle en a déduit que le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture dont dispose contractuellement l'employeur pour dispenser le salarié de l'exécution de l'obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture. (Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-22.116, Bull. 2014, V, n° 35).
Elle décide également qu'en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires. (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-21.150, Bull. 2013, V, n° 72).
Elle en déduit que l'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.471, Bull. 2015, V, n° 3).
Elle décide de même qu'en cas de rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-15.405).
Ces solutions se justifient par le fait que le salarié ne peut être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler.
Pour la Cour de cassation, il en résulte qu'en matière de rupture conventionnelle, l'employeur, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.
En l’espèce et dans la mesure où la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, il en résultait que la renonciation par l'employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était donc tardive.
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Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 26 janvier 2022
pourvoi n°20-15755
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