Il faut se faire une raison, nous vivons dans un monde où tout change en permanence. Savoir s’adapter n’est plus suffisant : il faut être capable, également, de se protéger. C’est ainsi que nous voyons fleurir depuis quelques années des offres de services de plus en plus nombreuses permettant aux individus de prendre soin d’eux. Nous sommes entrés dans une ère du “care”, qui pénètre de plus en plus le monde du travail jusqu’à la strate managériale. Ce qui suppose des changements de postures et de pratiques qui vont bien au-delà des notions d’empathie ou encore de bienveillance.
Le “care” management, une question de survie
Le monde d’aujourd’hui est particulièrement éreintant. Il est volatile, complexe, incertain, tout ce que notre cerveau déteste. Ce dernier passe ainsi son temps à essayer de redonner du sens aux informations qu’il reçoit pour s’en faire une représentation et créer de la cohérence. Il ne peut, en outre, porter son attention que sur une seule chose à la fois. C’est ce qui fait que le multitasking, devenu la norme, est tout simplement irréaliste et épuisant. Enfin, dans un monde du travail hyper digitalisé, les outils numériques sont un grand facteur d’épuisement. Au-delà du problème de sur-information et d’interruptions, ils nous attirent comme des aimants soit pour des notions de plaisir (circuit de la récompense) soit pour éviter un risque (peur de passer à côté d’une information importante).
Il faut donc un acte volontaire, aujourd’hui, pour ne pas se laisser distraire et pour cela, nous avons besoin d’aide. L’enjeu dépasse la seule question de l’efficacité professionnelle : elle englobe les notions de bien-être et de santé au travail. Un enjeu que les entreprises ne peuvent ignorer, d’abord parce qu’elles ont leur part de responsabilité mais aussi parce que le lien entre bien-être et performance n’est plus à démontrer. Et pour y répondre, elles disposent d’un levier essentiel : les managers, qui sont en proximité avec les équipes. Elles ont ainsi tout intérêt à favoriser l’émergence d’un management nouveau, porté par le “care”.
Prendre soin de soi
Pour s’occuper des autres, encore faut-il être bien avec soi-même. Prendre soin de soi n’est donc pas un acte égoïste mais au contraire, la première étape, essentielle, pour être en mesure de prendre soin des autres.
Parce qu’il est bien dans ses baskets et dans sa tête, un manager aura plus de facilité à écouter, à faire preuve d’empathie, de compréhension et de disponibilité. La gestion de ses émotions et de celles des autres sera de loin facilité. Toute chose rendue bien plus difficile quand on est fatigué ou stressé. De même, en prenant soin de soi, on montre l’exemple à ses équipes.
La première qualité d’un bon manager est donc de savoir prendre soin de lui. En d’autres termes, d’être capable d’apprendre à se connaitre, à s’apprécier et à se respecter.
Apprendre à se connaitre
La marque des grands leaders est d’apprendre en permanence à se connaitre. Un travail d’introspection instauré comme un rituel, parce qu’ils savent qu’il n’est jamais réellement achevé.
Cela consiste à faire le point sur ses forces, ses faiblesses, ses croyances et ses valeurs, pour mieux décrypter ses émotions et ses réactions. C’est aussi un temps pour poser sur objectifs, ses attentes et ses priorités. Ces moments d’introspection aident à sortir de l’opérationnel, à prendre du recul et à développer une vision plus stratégique. Toute chose indispensable pour motiver et fédérer.
Apprendre à s’apprécier
Prendre soin de soi, c’est également faire preuve d’indulgence à l’égard de soi-même. Se fixer des objectifs ambitieux mais réalistes et surtout, garder une vision optimiste et gratifiante de ce qu’on réalise. Beaucoup de managers désespèrent de na pas être au top sur tout alors que c’est simplement irréaliste. A cette pression qu’on se met à soi-même, véhiculée par des environnements qui prônent le culte de la performance, il est urgent de réapprendre à se féliciter pour ce qu’on accomplit.
Apprendre à se respecter
De la même manière, on observe chez les meilleurs managers la capacité à s’écouter. Ils savent respecter leur corps et leur esprit et faire des pauses lorsque nécessaire. Une recharge de batterie indispensable pour prendre de bonnes décisions et être disponible pour les autres. Ce n’est ni plus ni moins qu’une marque de respect envers soi-même que beaucoup de managers oublient, croyant à tort qu’ils doivent d’abord penser aux autres.
Prendre soin des autres
Il ne s’agit pas seulement de se montrer disponible et à l’écoute lorsqu’on est sollicité, mais de veiller aux autres de manière proactive. En d’autres termes, être attentif aux signaux extérieurs, aller régulièrement vers les autres, créer des moments d’échanges formels et informels, provoquer la discussion. Mais aussi observer les postures, les comportements, les réactions tout comme l’absence de réaction : être vigilant à la baisse des sollicitations, à des retards plus réguliers, à une moindre participation etc… Et réagir a minima en questionnant, en rappelant qu’on est là et en aidant à trouver des solutions.
Gérer les équilibres
« Prendre soin » s’entend plus d’une obligation de moyens que de résultats. C’est un état d’esprit qui nous porte à être sans cesse attentif aux autres et à vouloir faire de notre mieux pour permettre à chacun de travailler dans de bonnes conditions. Cela implique d’intégrer, dans son management, la gestion des équilibres : comme pour soi, fixer des objectifs ambitieux mais réalistes, être exigeant mais aussi indulgent, donner de l’autonomie tout en restant présent… Et gérer aussi tout ce qui, dans l’environnement de travail, peut générer des déséquilibres, des charges inutiles, à commencer par les réunions et les mails.
Apprendre à connaitre les autres
Il est important, par ailleurs, d’accorder du temps à ses collaborateurs pour apprendre à mieux les connaître. En les aidant à identifier leurs forces, leurs axes d’amélioration et leurs leviers de motivation, on crée du lien, de la confiance ainsi que de l’envie. On est mieux à même de les positionner sur des activités qui leur plaisent et pour lesquels ils sont fait. On stimule l’envie, celle de s’investir et celle de se développer.
Apprendre à valoriser
Enfin, prendre soin des autres sous-entend également de les « nourrir » au quotidien. Nombre de managers sont fiers de leurs collaborateurs et reconnaissants pour le travail qu’ils accomplissent au quotidien, mais combien sont-ils à le leur dire régulièrement ? Or, le besoin de reconnaissance est un besoin vital, comme boire et manger. C’est un carburant sans lequel, à un moment donné, nous n’avançons plus. Ainsi, il est urgent d’imposer dans ses rituels managériaux celui du FER : féliciter, encourager, remercier.
Beaucoup d’entreprises admettent aujourd’hui que les questions de performance et de bien-être au travail sont étroitement liées et qu’elles font partie, la première comme la seconde, de leur champ de responsabilité. Mais pour prendre vie, il est nécessaire de développer une véritable culture du “care” portée à tous les niveaux et notamment du management. Le « care » management est ainsi la marque d’un management nouveau, qui répond à la fois aux aspirations de plus en plus fortes des individus qui ne veulent plus subir leur travail mais en faire un espace d’épanouissement, et aux intérêts des entreprises qui, par le jeu de la symétrie des attentions, ne peuvent que récolter les retours positifs de collaborateurs nécessairement plus engagés.
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