Oui, bien sûr, le beau diplôme est là. Et le bon poste aussi. Mais c'est justement le problème !

Celui qui souffre du syndrome de l'imposteur est persuadé que son diplôme lui a été délivré par mégarde : le jury s'est trompé, ou les copies ont été interverties ! Il y a erreur sur la personne !

Sa réussite aux entretiens d'embauche ? C'est parce qu'il présente bien, qu'il a eu de la chance, ou du charme, ou les bonnes relations, celles « qui comptent » ... ou bien juste parce que les critères des recruteurs ne sont vraiment pas très hauts ! Ou bien parce qu'il était au bon endroit au bon moment ... le hasard quoi ... rien à voir avec ses capacités et ses compétences.

Celui que se sent profondément « imposteur » explique toujours ses réussites par des causes extérieures à lui. Il n'expérimente pas le succès. Jamais.

Jamais !

En revanche ... ses échecs ... ça oui ! il les endosse avec une avidité maladive ! Il les gobe tout cru, preuve à ses yeux de ses déficits, de ses manques et de sa nullité !

Et d'ailleurs ... on va finir par s'apercevoir qu'il est incompétent, pas doué, pas capable. Illégitime. C'est sa grande angoisse ! Son épée de Damoclès ! La frousse est permanente, car au fond de lui, il a la certitude que, d'un instant à l'autre, les autres vont découvrir... qu'il n'est pas aussi brillant qu'il semble l'être, ou qu'il devrait l'être.

La supercherie va être découverte bientôt, il en est certain. Il sera dénoncé publiquement, humilié ouvertement, ridiculisé pour toujours. Et plus le poste est élevé ... plus dure sera la chute ! Il ne s'en remettra pas !

L'imposteur redoutant d'être démasqué, il limite les prises de risques et reste mordicus dans ses habitudes. Pour vivre terrorisé par le sentiment d'imposture ... vivons cachés ! Fuyons la lumière ! Limitons nos traces au strict minimum et ne nous impliquons pas trop !

On le croit capable de plus ? Oui mais non ! Car lui se sait capable de moins ! Ce n'est pas une barrière intérieure à l'épanouissement pro ... c'est un pont-levis qui dissimule un gouffre !

Une grande souffrance, intime et silencieuse.

On parle souvent avec légèreté du syndrome de l'imposteur, sans prendre conscience de son poids. On a tort. Ce sentiment intérieur est comme un acide. Il ronge la confiance en soi, la motivation, l'ambition. Il efface les potentiels. Et il installe l'angoisse. La vraie, celle qui paralyse et empêche de dormir.

A l’extrême, figé dans une vision déformée de ses propres compétences, « l’imposteur » peut laisser passer des opportunités d'avancement, renoncer à ses rêves et éviter des postes à sa mesure. Ce syndrome peut même conduire à des démissions : car pour celui qui en souffre, dans les grands moments de pression, tout paraît préférable à ce long cauchemar éveillé qui consiste à être en situation d’être scruté, exposé et de devoir « faire ses preuves » !

Et cette sous-estimation de soi résiste à toutes les argumentations des proches. Inutile de chercher à le convaincre : ni ses diplômes impressionnants, ni son poste ronflant ne sont une preuve de ses capacités ! Au contraire ! Chaque indice de compétences que nous autres, grands naïfs, nous tentons de lui mettre sous le nez, ne font qu'aggraver son supplice et sa conviction intime d'avoir dupé tout le monde ... d'être une fraude, une contrefaçon ! Il le sait bien : il n'y a rien d'authentique en lui : il se sait faux, insincère, illégitime, creux … tricheur à l'insu de son plein gré.

Dire que c'est inconfortable, c'est la litote du siècle !

C'est d'autant plus insupportable qu'il ne peut guère parler de sa terreur. Le plus souvent ses propos sont pris à la légère. Il n'est pas cru, pas écouté. Parfois même il est accusé de fausse modestie, de coquetterie. Ou on lui reproche de se plaindre pour rien, et de ne pas voir la chance qu'il a d'être si hautement diplômé et/ou d'avoir un job en or.

Car oui, cette névrose touche durement les étudiants brillants et ayant accédé à des postes prestigieux. Et elle touche tout autant les self-made-men, ces autodidactes couronnés de succès qui se sont fait seuls, mais que rien pourtant ne peut rassurer.

Dans nos cultures très liées au paraître et à l’avoir, ce paradoxe dissimule une souffrance écrasante et silencieuse. Il faut prendre au sérieux la personne qui se dévoile. Écouter ce déchirement, ces doutes et ces peurs. Le manque d'écoute renforce toujours le sentiment d'isolement et la conviction d'être incompris.

En entreprise, cet isolement ouvre la porte à la fuite des talents, au sous-emploi des compétences, à la dépression, au burnout.

Comment sortir du sentiment d'imposture ?

Je vous propose 7 axes de travail sur vous-même, à mener en toute auto-bienveillance.

  • Sortez de votre isolement, osez parler de vos difficultés et entourez-vous de personnes empathiques en qui vous avez confiance, qui sauront vous parler franchement, vous encourager et vous soutenir, sans pour autant vous donner de conseils ou décider à votre place. Votre autonomie doit être valorisée et vos compétences soulignées et soutenues.
  • Challengez vos croyances négatives sur vos capacités, recadrez vos pensées par un dialogue intérieur plus en phase avec la réalité. Examinez comment vos pensées enclenchent des émotions soit négatives soit positives et à quel point vous pouvez « jouer » pour passer des unes aux autres.
  • Affirmez-vous davantage : faites le point sur vos besoins et vos valeurs, puis définissez vos priorités et faites-les respecter, ce qui implique d'apprendre à dire « non » parfois. Entraînez-vous également à vous mettre en valeur, à votre rythme bien entendu, mais en sortant régulièrement de votre zone de confort, afin de vous désensibiliser de vos angoisses. (Vous trouverez des pas à pas dans mon livre « Affirmez-vous en douceur »)
  • Modérez votre perfectionnisme. Pour cela, définissez ce qui sera désormais pour vous « un travail juste assez bien fait », selon des critères mesurables et observables, par exemple : le temps et les moyens matériels consacrés à la tâche, le délai de livraison, la déontologie, le cahier des charges ou les normes applicables, le contrat, la demande de la hiérarchie, la fiche de poste …
  • Travaillez votre créativité pour « fendre l'armure » intellectuelle et émotionnelle qui vous étouffe, assouplir et agrandir l'image que vous avez de vous-même.
  • Tenez un journal des feedbacks positifs et des compliments reçus, notez également les moments où vous refusez les risques et de quelle façon dont vous vous auto-sabotez. Analysez par écrit ces épisodes. Si besoin, faites-vous accompagner dans cette démarche pour prendre de la distance et retrouver une plus juste vision des situations.
  • Renforcez une estimation réaliste de vos propres compétences. Pour exercice, revivez un projet que vous avez bien traité, et cherchez quelles compétences vous avez utilisé pour ce faire. Tenez une liste de ces compétences et gardez cette liste dans votre agenda ou tout autre carnet que vous consultez régulièrement.

Le syndrome de l'imposteur peut être dépassé, même si aujourd'hui vous vous sentez seul et honteux.

La prochaine fois que vous vous sentirez étouffé par l'angoisse, parlez-en. Laissez sortir cette terreur qui vous submerge. S'exprimer à haute et intelligible voix et reconnaître le problème, c'est le premier mouvement de libération. Il vous fera sortir du cercle vicieux de la déprime et de la crispation. Cet abandon, ce lâcher-prise, démontrera que vous êtes désormais mûr pour donner une autre tonalité à votre vie professionnelle. Une tonalité plus épanouissante et enfin apaisée.

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