En 1968, Antoine Riboud, alors PDG de Danone, annonçait son double projet économique et social, considérant qu’en améliorant la condition de vie au travail de ses salariés, la croissance de son entreprise n’en serait que meilleure.
Il témoignait, lors de son discours prononcé à Marseille aux Assises du Conseil National du Patronat Français le 25 octobre 1972 : « au début de mes réflexions, je vous proposais de relever le défi
suivant : mettre l’industrie au service des hommes, réconcilier l’industrie et l’Homme. De toute évidence, l’Homme a mis son génie créateur au service de la croissance mais il doit veiller à ne pas créer un déséquilibre entre les moyens et les buts ».
Cette idée selon laquelle l’amélioration des conditions de travail soutient le développement économique est aujourd’hui dévoyée, notamment dans certaines startups qui recherchent une croissance rapide dans un milieu concurrentiel, avec l’objectif premier de convaincre le marché en vue d’une levée de fonds.
Dans ce cadre, on constate souvent les mêmes écueils : nombre d’heures de travail quotidien élevé, repos hebdomadaire et congés payés sacrifiés sur l’autel de la sacro-sainte flexibilité, pression importante à l’origine de risques psycho-sociaux, absence de politique RH et de rémunération, etc.
Ces situations sont aujourd’hui dénoncées par le mouvement désormais bien connu « Balance ta startup », dont l’idée finale est de replacer le droit du travail au cœur de l’entreprise, c’est-à-dire son milieu naturel !
En effet, l’amélioration des conditions de travail nécessite une bonne compréhension et une mise en œuvre pertinente des règles sociales. Le développement d’un confort matériel et de règles de « vivre ensemble » disruptives ne suffiront pas à protéger les entreprises et leurs salariés contre les risques inhérents aux rapports de travail. Il est temps que les entrepreneurs, y compris parmi les plus jeunes, n’aient plus peur de placer un code du travail à côté du baby-foot !
En effet, ce code trop souvent jugé cryptique et effrayant par son volume peut s’avérer un outil précieux à la bonne marche des affaires et ne doit pas être mis de côté, y compris lorsque les objectifs de croissance sont importants.
Il peut s’avérer être un puissant allié pour structurer les entreprises dès leur création et les mettre en ordre de marche en vue de leur développement.
A terme, la bonne santé sociale, juridique et RH, peut même constituer un outil de valorisation de l’entreprise tant en interne, pour motiver et conserver ses talents, qu’à l’externe, pour en attirer de nouveaux et en faisant référence en la matière.
A l’inverse, s’il est délaissé, le droit du travail est susceptible de devenir un ennemi redoutable en cas de redressement ou de contentieux prud’homal, généralement relatif à la rupture abusive du contrat de travail d’un salarié, au paiement d’heures supplémentaires ou même en matière de clause de non-concurrence.
En un mot, le droit du travail ne s’avérera coûteux pour l’entreprise que s’il n’a pas été considéré dès le début de l’aventure.
Aussi, l’entrepreneur social averti sera bien avisé de porter son attention sur certains sujets :
- définir un budget RH ;
- choisir la convention collective applicable en optant le cas échéant pour celle offrant les outils juridiques les plus pertinents, notamment en matière de durée du travail ;
- structurer et protéger son entreprise dès les premiers recrutements :
- en définissant une politique de classification des emplois et des rémunérations ;
- en se dotant d’un contrat de travail adéquat, qui pourra être réutilisé et adapté, selon les situations individuelles ;
- en élaborant un règlement intérieur ;
- être attentif à la croissance de son effectif, les effets de seuil étant nombreux en droit du travail, notamment en matière de représentation du personnel ;
- mettre en place des outils de mesure quantitative et qualitative de l’activité des salariés : entretien individuel, reporting d’activité mensuel, contrôle du temps de travail.
Ces points d’attention constituent une forme de « kit de démarrage » du droit du travail, qui doit permettre à l’entreprise de conserver à long terme une certaine paix sociale, bien qu’il faille garder à l’esprit que ce droit est par nature évolutif et mérite une vigilance sur la durée. Il sera également sans doute nécessaire de compléter ce « kit » d’autres outils en fonction de l’évolution des activités (on peut par exemple penser aux chartes de télétravail qui connaissent une actualité importante).
S’il se prête à l’exercice, l’entrepreneur réalisera une économie précieuse en recrutant et en conservant des talents plutôt qu’en ayant recours à la sous-traitance, souvent coûteuse, et en se prémunissant des risques contentieux.
Pour ceux qui ont pris un peu de retard en la matière, rien n’est perdu : il sera toujours possible de retrouver une structuration sociale et RH adéquate en se posant, l’une après l’autre, les questions pertinentes : mes contrats de travail sont-ils cohérents ? Ai-je mis en place un processus de suivi RH adapté ? L’égalité de traitement est-elle respectée dans l’entreprise ? Comment puis-je encadrer et animer efficacement le télétravail ? Etc.
Finalement, c’est surtout la perception qu’aura l’entrepreneur du droit social qui sera primordiale : voir celui-ci non plus comme un centre de coûts chronophage, mais comme un investissement humain et financier, allier de la croissance de son projet. Autrement dit, savoir prendre le temps pour le droit du travail et éviter tout complexe ou fausse représentation à l’égard de cette matière, qui demeure avant tout pragmatique et humaine, et donc à la portée de tout entrepreneur.
Pour paraphraser Antoine Riboud, « Conduisons nos entreprises autant avec le cœur qu’avec la tête, et n’oublions pas que si les ressources d’énergie de la terre ont des limites, celles de l’Homme sont infinies s’il se sent motivé ».
Alors n’attendez plus et maîtrisez vos basiques de droit du travail !
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