Si les Ressources Humaines ne constituent pas toujours une des perspectives stratégiques centrale de l’entreprise, celle-ci privilégiant plus souvent des orientations R&D, commerce ou encore digitale, elles doivent pourtant être positionnées comme un des « facteurs clé de succès » essentiel. Et la performance RH doit plus que jamais être intégrée au cœur du déploiement opérationnel des organisations, visant à actionner les « leviers clés de performance » des processus RH, ce pour aboutir à ce succès.
Or, nous notons que le contrôle de gestion social reste trop souvent associé à une logique de production d’indicateurs à la demande plutôt qu’à une véritable démarche de pilotage de la performance des processus RH. Et est-ce que le fait de voir naître depuis peu de nouveaux intitulés de postes comme « pilote de la performance RH » en a changé l’approche ? Nous pouvons naturellement nous interroger.
La performance RH doit donc directement contribuer à l’atteinte d’objectifs court et moyen terme, et in fine à la concrétisation de la vision d’entreprise à une échéance long terme. Cette démarche contributive globale suppose un partage des valeurs et une implication des collaborateurs à tous les niveaux de l’entreprise.
Mais qu’entendons-nous plus précisément par pilotage de la performance RH ?
Les outils de gestion introduisent plusieurs notions : notamment celle de pilotage financier, avec le suivi d’indicateurs de rentabilité économique et financière (dits indicateurs de résultat), ou encore celle de pilotage budgétaire, quand il s’agit pour le contrôle de gestion d’analyser les écarts entre prévisions et réel sur les emplois et les ressources engagées pour traduire économiquement le déploiement stratégique de l’entreprise. Nous pourrions d’ailleurs sur ces deux niveaux préférer la notion de suivi de celle de pilotage.
Or le pilotage de la performance renvoie à une toute autre dimension….
Le pilotage de la performance vise en effet la définition, le suivi et l’analyse d’indicateurs clés de performance des processus, appelés plus communément KPIs[1]. Il consiste en la coordination du déploiement opérationnel de la stratégie[2]. D’aucuns confondent souvent les KPIs avec les indicateurs de succès (dits de résultat). Alors qu’au-delà d’arriver au résultat, il est tout aussi fondamental de s’attacher aux leviers qui y contribuent.
En cela les performances des processus, comme celles des collaborateurs, visent à l’atteinte des résultats espérés en question. Donc piloter la performance ce n’est pas piloter le résultat qui n’est qu’une image froide à un instant T d’un succès ou d’un échec. Par exemple, en qualité de pilote de rallye-raid, c’est ma performance de conduite, spéciale après spéciale, qui me mène au résultat : celui de remporter la course, voire à la concrétisation de mon rêve ultime à plus long terme : devenir champion du monde dans 2 ans. Et quand on sait que la notion de performance renvoie à celle d’efficacité, d’efficience et de pertinence, on mesure encore mieux l’enjeu de cette distinction.
J’aime aussi prendre l’exemple du sportif de haut niveau spécialiste du saut en longueur. Il a pour vision d’être champion du monde à 3 ans, avec pour objectifs successifs d’améliorer sa marque de 10 cm chaque année. Une belle ambition avec de beaux objectifs. Il va pour ce faire choisir de s’encadrer d’un entraîneur reconnu et de multiplier les stages aux US : qui sont des facteurs clés de succès, car ceux sont bien des paramètres qui doivent participer (ou non d’ailleurs) à l’atteinte de sa vision. Il fera un point d’étape chaque année pour savoir où il en est de sa marque (de ce fameux résultat objectivé de 10 cm supplémentaire). Mais pour atteindre ce résultat, il va devoir au quotidien travailler les leviers clés de performance sur lesquels lui et lui seul peut agir : sa vitesse de course, sa marque sur la plasticine, ou encore son amplitude au moment de l’impulsion. Il va également être sur un terrain plus tactique (avant de rentrer en action) dans la gestion de la fréquence et de l’intensité de ses entrainements qui sont aussi appréciables sur le terrain de la performance : car c’est lui-même qui en décide.
Aussi le pilotage de la performance étant au cœur des processus, il est également associé aux outils d’amélioration continue et d’intelligence collective qui sont au service de l’excellence décisionnelle. C’est aussi une bonne raison d’associer pilotage de la performance au management de la performance.
Et la performance, ça doit se mesurer….
Les indicateurs de performance des processus qui doivent certes répondre à de nombreux critères, sur lesquels je ne reviendrais pas ici, doivent avant tout être directement actionnables par les collaborateurs de l’entreprise. Limités à l’essentiel, pertinents et facilement lisibles, ils sont donc mis au quotidien à la disposition des acteurs de la performance pour leur assurer un suivi en temps réel de la trajectoire vers les objectifs, ce au travers de tableaux de bord (comme le pilote au volant de son véhicule).
Donc le pilotage de la performance, c’est le pilotage de tableaux de bord opérationnels et non d’un tableau de bord prospectif qui est lui l’outil de la représentation stratégique. Ces tableaux de bord opérationnels sont à la source de la ligne hiérarchique, au plus près du terrain. On descend dans les soutes de l'entreprise, là où le travail s'exécute. Ils doivent susciter l’intérêt et donc l’implication des métiers. Il convient de les dissocier également du reporting social produit par la DRH pour rendre compte, justifier des résultats du département RH auprès de la direction générale. Le reporting social a davantage vocation à mettre en exergue des indicateurs de résultats que de performances.
S’agissant des RH, ce pilotage de la performance participe certainement comme les autres fonctions à l’atteinte d’un succès ultime qui est la croissance du chiffre d’affaires et l’amélioration de la rentabilité économique. D’ailleurs nous retrouvons souvent comme indicateurs de résultat : CA/Masse salariale, EBITDA/Masse salariale. Des ratios qui vous en conviendrez parlent peu, voire pas du tout, aux métiers RH pour la conduite de leur performance opérationnelle au quotidien.
Ce pilotage de la performance RH s’appuie sur une exploitation optimale du capital humain et une gestion efficiente des différents processus RH. Aussi s’articule-t’il autour de 2 principales catégories d’indicateurs de pilotage.
On identifie tout d’abord les indicateurs dits de ressources humaines qui renvoient aux comportements mêmes des collaborateurs : l’absentéisme, le turnover, l’accidentologie, le taux de satisfaction….On mesure facilement l’intérêt d’une surveillance permanente de l’ensemble de ses leviers et de leur impact sur l’atteinte des résultats. Attention, il y a un lien ténu entre indicateur de performance et indicateur de résultat : le taux d’absentéisme étant un constat, donc un résultat plutôt qu’une performance….la performance renvoyant elle à un enjeu d’action immédiate.
La seconde catégorie d’indicateurs dits de processus s’attache quant à elle strictement à la performance des processus RH eux-mêmes : recrutement, intégration, formation, gestion des carrières et des compétences, gestion des rémunérations…. La qualité des processus de recrutement, la régularité et l’efficience des formations, l’accompagnement dans la montée en compétences, la politique de rémunérations sont des moyens d’actions mesurables contribuant incontestablement aux résultats.
Ainsi, au-delà d’assurer une parfaite gestion administrative inhérente à leur mission première, les DRH, au même titre que les autres fonctions de l’entreprise, doivent donc participer à la performance globale. Elles auront besoin de défendre leur fonction, de rendre compte de la performance sociale, de participer à la définition des objectifs stratégiques très en amont, et plus encore à la construction des futurs. Principalement centrée sur la gestion de la paie et des embauches, la fonction RH est désormais directement partie prenante de l’expérience et de l’engagement employés, et plus que jamais business partner des métiers.
Piloter la performance, c’est animer les opérations terrain via des indicateurs actionnables, c’est faire vivre la stratégie au quotidien en franchissant chaque pallier pour l’atteinte des résultats objectivés. Et manager la performance, c’est associer les collaborateurs opérationnels aux objectifs stratégiques.
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