Nombreuses sont les entreprises qui ont besoin de faire évoluer en profondeur leurs pratiques managériales, notamment sur la dimension comportementale. Mais dans ce domaine, former l’ensemble des managers de façon homogène sur des contenus standardisés n’a jamais permis à une entreprise de transformer significativement ses réalités. Avant de déployer l’offre de développement des compétences managériales, deux préalables doivent avoir été traités.
Le premier consiste à formaliser la cible, le « référentiel des compétences managériales », qui décrira de manière concrète, via des situations observables, ce qui est attendu des managers. Le second consiste à positionner chacun des managers par rapport à cette cible, de manière à identifier les compétences sur lesquelles il doit être spécifiquement développé.
Différentes voies sont mobilisables pour obtenir cette photographie des compétences managériales. L’auto-positionnement est la moins intrusive, mais aussi la moins poussée. L’évaluation par le manager de l’intéressé présente quant à elle un risque de subjectivité. Deux approches garantissent un résultat qualitatif et incontestable. D’une part l’assessment individuel via des mises en situation construites à partir du référentiel. D’autre part le 360°, sous réserve qu’il soit mené qualitativement.
Un enjeu sur la qualité de l’approche
Le 360, ou évaluation des compétences d’un manager par ceux qui travaillent avec lui (hiérarchie, pairs, collaborateurs), fait partie de la panoplie classique des RH. Pour autant, les managers ne se comptent plus qui ont été traumatisés par leurs propres résultats et beaucoup d’entreprises ont pu être déçues de l’approche. Nous affirmons ici haut et fort que l’usage du 360 appelle des précautions en termes de qualité des pratiques qui sont rarement toutes respectées.
La première porte sur le contenu des questions posées. Comment peut-on seulement imaginer que le 360 soit réalisé en utilisant des contenus préformatés encapsulés dans des questions standardisées ? Ce sont les compétences managériales requises par l’entreprise qui doivent être appréciées, et nulle autre. Si l’entreprise a construit en amont son référentiel managérial, il lui suffira de tourner les situations observables sous la forme interrogative pour disposer du contenu ad hoc de son questionnaire. En matière de 360, le prêt-à-porter n’a pas de sens, seul le sur-mesure a de la valeur.
L’entreprise devra ensuite s’appuyer sur un outil qui permettra de réaliser l’exercice simplement, ce qui est loin d’être toujours le cas. La plateforme choisie ou développée doit permettre de collecter les réponses aux questions quantitatives et qualitatives, de les agréger et de produire une première version du rapport individuel. L’outil utilisé doit par ailleurs être entièrement paramétrable sur les questions et les répondants. Il doit garantir anonymat des réponses et sécurité, en conformité avec le RGPD. L’intéressé n’a plus à s’occuper que du choix de ceux qui seront sollicités, en cohérence avec le cadre posé par l’entreprise.
L’analyse des résultats ne peut être menée que par une personne qui y a été formée. Celle-ci ne confondra pas, par exemple, la corrélation entre des résultats et un éventuel lien de causalité. L’analyse devra apporter une valeur ajoutée par rapport aux seuls éléments chiffrés.
Les précautions dans la restitution
La restitution est la phase de la démarche qui demande le plus d’expertise. D’autant qu’elle en appelle à l’éthique. Elle doit viser trois résultats : l’appropriation des résultats par l’intéressé ; sa mise en mouvement sur le développement de ses compétences ; la génération d’un état d’esprit serein.
Pour la personne qui assure la restitution, il existe des clés de réussite :
- Souligner au préalable que les résultats relèvent des perceptions des personnes interrogées et que ces perceptions sont une réalité qui doit être prise en compte.
- Se centrer sur ce que la personne fait, pas sur ce qu’elle est.
- Adopter une posture d’écoute active, avec des questions ouvertes, des reformulations.
- Faire en sorte que la personne se projette le plus tôt possible dans une logique de développement de ses compétences.
A contrario, certaines pratiques doivent être proscrites : porter des jugements de valeur, être prescriptif, adopter une posture confrontante en cas de désaccord.
Il va s’agir de souligner dès le début de l’entretien que le 360 s’inscrit dans une démarche de développement et de progrès de chacun, pas dans une démarche de jugement. L’intéressé sera invité à ce stade à noter au fur et à mesure ce qu’il peut faire dès le lendemain pour se développer en changeant sa pratique.
Pour chacune des compétences, le partage des résultats sera initié à partir de l’évaluation portée par l’intéressé lui-même, en le questionnant et en le laissant développer.
Lorsque la personne bénéficiant du 360 est en posture de résistance, celui qui assure la restitution devra l’aider à s’engager dans un processus de mise en mouvement qui lui permettra de franchir plusieurs étapes : 1) Je n’entends pas. 2) J’entends et je ne comprends pas. 3) Je n’accepte pas. 4) J’accepte, mais n’intègre pas. 5) J’accepte et j’intègre. 6) Je me mets en mouvement. Pour s’assurer de l’appropriation, il sera utile de faire accuser réception par l’intéressé de ce qui a été retenu avant de traiter une nouvelle compétence.
Le volet Développement
Il devra être couvert lors de la dernière partie de l’échange. Il s’agira tout d’abord de récapituler avec l’intéressé ce qu’il a noté sur ce qu’il peut faire de lui-même pour se développer en changeant sa pratique. Il s’agira ensuite de formaliser ses priorités de développement, en allant quand c’est possible jusqu’à l’offre de développement des compétences managériales qui a été mise en place par l’entreprise et qui est spécifiquement mobilisable au regard des résultats du manager.
C’est ainsi que confronté à des transformations importantes de son environnement, le Crédit Agricole des Savoie a engagé un projet ambitieux, dans lequel les managers avaient un rôle central à jouer. La Caisse Régionale a formalisé son nouveau référentiel de management sur la base duquel elle souhaitait positionner chacun de ses managers. En l’espace de 5 semaines, les 300 managers ont réalisé leur 360 et bénéficié chacun d’une restitution détaillée et qualitative d’une durée d’une heure et demie. Chacun des managers a pu ainsi disposer à l’issue de ces restitutions de son plan individuel de développement sur les compétences managériales. Les modalités adoptées (ateliers, co-développement, mises en situation, etc.) ont été déployées sur dix-huit mois, modifiant en profondeur les pratiques.
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