Depuis maintenant près d’un an, les professionnels RH sont en première ligne pour gérer les conséquences de la crise sanitaire. Leur action est essentielle et reconnue. Tentons ici de prendre du recul en nous projetant au-delà de l’urgence.
Sous l’éclairage de la situation créée par la crise actuelle et face à la complexité de son environnement, l’entreprise est confrontée à un défi : faire émerger une nouvelle approche des enjeux humains qu’elle a à traiter. Des axes clairs émergent aujourd'hui.
Un besoin : réinventer l’entreprise
Édifié durant la période néo-taylorienne, un lourd héritage culturel et organisationnel pèse encore sur la plupart des entreprises et handicape leur activité. Parmi ses caractéristiques, la priorité donnée à la conformité dans l'exécution, un ensemble de normes et de procédures conduisant à bureaucratiser les organisations et un mode de management basé sur des modèles d'autorité dépassés. Hier, ce système était aligné sur les enjeux business et sociétaux, il ne l’est plus aujourd’hui.
En effet, les entreprises sont confrontées à des transformations radicales de leur environnement. Sur le terrain économique, elles subissent l’élargissement du champ concurrentiel avec l’arrivée de nouveaux acteurs agiles et un raccourcissement des temporalités lié à la financiarisation de l’économie. Les mutations sont aussi sociologiques : besoins renforcés de sens et de lien social, aspiration à la réalisation de soi dans un contexte d’affirmation de l’individualisme. Les révolutions technologiques permettent quant à elles l’émergence de nouveaux modèles bousculant ceux en place, l’accélération de l’automatisation des activités et la reconfiguration régulière du contenu du travail. Les évolutions démographiques se traduisent par un allongement de la durée de vie au travail et par des pénuries croissantes de profils qualifiés. S’y ajoutent des ruptures sociétales avec la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux, notamment climatiques, et des crises peu prévisibles aux effets considérables.
Dans ce contexte, il devient impératif de mettre en place dans l’entreprise un nouveau modèle organisationnel, relationnel, culturel et managérial basé sur l’autonomie, la responsabilité et la confiance, de faire converger les initiatives en animant un projet partagé, par exemple autour de la raison d’être de l’entreprise ou de son projet de développement, et d’alléger la gangue organisationnelle dans laquelle elle est insérée. Non pas parce que ce serait plus sympathique ou plus moderne, mais parce que cela correspond aux besoins d’agilité de l’entreprise, pour répondre aux enjeux imposés par son environnement.
Dès avant la crise sanitaire, la conscience de cette nécessité semblait largement partagée dans les entreprises, qui soulignaient le besoin de renforcer leur agilité, de développer l'initiative et de se transformer. Pour autant, peu nombreuses étaient celles réussissant à se réinventer. La « corde de rappel » des anciennes pratiques était si solide qu'elle semblait interdire leur dépassement.
La crise actuelle rebat les cartes
La crise sanitaire et les périodes de confinement sont venues rebattre les cartes. Elles ont imposé aux entreprises de s’adapter dans l'urgence et ont permis des changements rapides qui paraissaient hier impossibles. L’addition des agilités individuelles est venue balayer le manque d’agilité organisationnelle. Dans cette situation inédite, de nouveaux comportements sont apparus. Les pratiques de management ont dû être adaptées.
Malgré les incertitudes de la période à venir, les entreprises revenues en ce début d’année à une situation un peu plus « normale » pourraient se servir de ce qui s’est joué pour, enfin, mener leurs transformations. Tirer les enseignements des fonctionnements récemment adoptés, apprendre du « lâcher-prise » managérial auquel elles ont été contraintes, pérenniser chez les collaborateurs l’autonomie qui leur a été imposée. Mais aussi rectifier les insuffisances que la situation a mis en lumière. Toute crise est riche d’opportunités. Sous réserve de s’en saisir.
L’enjeu majeur aujourd’hui se situe ici : les entreprises sauront-elles utiliser cette opportunité ? Imaginer que ces transformations vont se faire naturellement, au regard de ce qui vient de se passer, serait se bercer d’illusions. Certains éléments joueront dans le sens d’un retour aux modes de fonctionnement antérieurs. D’autant que les traumatismes que laissera cette crise peuvent donner un caractère très rassurant au « retour à la normale », entendez à la réactivation de recettes dépassées.
Le rôle de la fonction RH
C’est là que la fonction RH peut jouer un rôle majeur et peser dans le sens des transformations. En amenant l’entreprise à tirer les leçons de ce qui s’est passé en interne durant cette période. En éclairant le lien entre les réponses nouvelles apportées et les besoins plus larges de transformation des organisations. En initiant les projets qui constitueront les premiers pas de cette mutation. En construisant une stratégie d’alliés avec les acteurs de l’entreprise les plus ouverts sur ces enjeux.
Elle ne pourra cependant mettre en œuvre une telle démarche que si elle travaille ses ancrages. Ancrage dans la stratégie de l’entreprise tout d’abord. Puisque la politique RH doit être construite et déployée pour servir la mise en œuvre de cette stratégie, avec une approche contingente. Ancrage dans le quotidien des collaborateurs ensuite. Puisque c’est bien leurs réalités qu’il s’agit de transformer.
Une illustration
Une entreprise comme Hoist Finance compte une large population de téléconseillers. Chacun est traditionnellement animé sur le détail des tâches à réaliser, avec des consignes descendantes, un contrôle fort et une norme de 80 appels par jour. Mi-mars 2020, le télétravail est mis en place en urgence. Au micro-management se substitue de fait une animation moins prégnante, centrée sur la dynamisation des collaborateurs et la finalité de leur action. Résultat mesuré à l’issue du confinement : chaque conseiller a passé en moyenne 120 appels quotidiens.
Les managers de Hoist Finance ont croisé au mois de juin cette expérience et ce qu’ils en ont vécu avec des apports sur les modèles managériaux émergents. Ceux-ci sont caractérisés par une animation sur les finalités de l’action plus que ses modalités et sur une posture beaucoup plus responsabilisante. C’est à partir de là que les bases ont été identifiées pour faire évoluer les pratiques et ne pas en revenir au modèle ancien. Même si les incertitudes actuelles limitent les champs d’expérimentation, la prise de conscience est faite et conduit déjà les managers à transformer leurs pratiques.
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