Le métier de Chief Happiness Officer : belle innovation RH ou simple appât marketing ? #2

Alors qu’il avait encore le vent en poupe il n’y a pas si longtemps, le métier de CHO semble à présent en perte de vitesse et fait l’objet d’un virulent bashing. Comment expliquer cela ? Si son utilité me semble indéniable, force est de constater que sa mise en œuvre concrète au sein des organisation laisse à désirer. Ce métier doit donc rapidement se remettre en question et se « réinventer ». Cela passe, comme nous l’avons vu dans le premier article, par un changement de dénomination ainsi que par une structuration et une homogénéisation de ses missions et de son périmètre d’intervention. Il est dès lors indispensable de réfléchir à son réel positionnement au sein de l’entreprise.

Une place incertaine au sein des entreprises

Le périmètre d’intervention d’un CHO va, en effet, grandement dépendre de la place concrète qui lui est faite au sein de l’organisation. Il s’agit d’un enjeu clé car, selon sa position dans l’organigramme et son rattachement hiérarchique, il n’aura pas du tout accès aux mêmes leviers d’actions.

Or force est de constater que, sur le terrain, la place de ce « nouveau » métier reste encore trop incertaine et diffère grandement d’une entreprise à une autre. Si certaines entreprises ont pris le sujet à bras le corps et ont décidé de lui accorder une véritable place de choix dans leur organisation en créant un lien direct avec la direction, de nombreuses autres entreprises confient cette responsabilité à un stagiaire.

Ainsi, selon une étude de Joblift parue en 2016, 40% des postes de Chief Happiness Officers sont en fait des offres de stage.[1] … Ce chiffre est à la fois éloquent et déconcertant. Il questionne la volonté réelle des entreprises de se saisir de la problématique de la QVT et reflète le manque de crédit accordé à ce poste. Les entreprises qui délèguent cette mission aux stagiaires ne la prennent pas réellement au sérieux et donnent l’impression de vouloir juste « surfer » sur la mode du bonheur en entreprise.

Confier cette responsabilité à un stagiaire m’interpelle donc fortement… Je suis, pour ma part, convaincue que ce poste stratégique, à la croisée entre plusieurs disciplines doit, au contraire, être confié à un collaborateur expérimenté avec des compétences avérées et de l’expérience en ressources humaines, communication et marketing.

J’enfonce le clou en précisant que dans la même étude, il ressort que « La majorité (60%) des postes de Happiness Manager sont liés aux postes d’Office Manager, d’Assistant de direction voire aux Services Généraux, et les missions se limitent aux tâches administratives. Dans 23% des cas, la responsabilité du bonheur au bureau est confiée aux services Marketing et Communication, et 17% des annonces intègrent ce rôle auprès de leurs responsables RH, lui donnant donc une importance dans le développement des talents internes. » [1]

Seulement 17% des CHO sont ainsi rattachés au service des Ressources Humaines…. Il s’agit d’un pourcentage extrêmement faible et d’autant plus quand on sait à quel point les relations du CHO avec les RH sont déterminantes. Le « CHO » peut, en effet, être amené à intervenir sur de nombreux sujets RH touchant la QVT, les processus d’onboarding ou d’offboarding, la politique de rémunération…. Il y a de très nombreux recoupements possibles entre son activité et celles du service RH. Il est donc primordial que le CHO se coordonne de manière étroite avec les membres des Ressources Humaines. On peut d’ailleurs considérer que les tâches incombant au CHO ne sont pas « nouvelles en soi » et qu’elles font déjà partie intégrante des métiers des RH.

Dès lors, le poste de CHO doit, évidemment, être rattaché au service des Ressources Humaines soit au DRH soit au Responsable du Recrutement. Il doit, impérativement, être reconnu et soutenu par la Direction et il doit disposer de réelles marges de manœuvre et d’un vrai budget sans quoi ce métier relève clairement du gadget et n’est qu’une coquille vide sans réel pouvoir d’action.

Certaines personnes vont plus loin que moi en préconisant une intégration au comité de direction. Ainsi Laurence Vanhée, cofondatrice de Happyformance, déclare « pour moi, vous n'êtes pas vraiment CHO si vous n'êtes pas au comité de direction, […] Sans leviers de décision, il est difficile d'influencer les dirigeants, de négocier avec les partenaires sociaux, de changer durablement la culture de l'entreprise. On n'est pas dans le monde des licornes à paillettes. Il y a de vraies réalités et enjeux économiques derrière ». [2]

Effectivement, je pense qu’il s’agit de la cible idéale à atteindre dans quelques années. Néanmoins, il me semble qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne et, adepte de la stratégie des petits pas, je pense que la meilleure approche est de procéder graduellement. Dans un premier temps, il me semble pertinent de rattacher le CHO au DRH (ou Responsable Recrutement) qui relayeront son message auprès de la Direction et une fois que la confiance s’est installée, le CHO pourra alors prendre son envol et devenir membre à part entière, à son tour, du comité de direction.

Conclusion

CHO …. Ce sigle suscite à la fois curiosité, moqueries ou fort engouement et ne fait clairement pas l’unanimité. Il fait même l’objet d’un bashing de plus en plus virulent. Il faut bien admettre que les contours et attributions de ce métier demeurent encore bien flous aujourd’hui. Pourtant, je suis personnellement convaincue que ce poste a indéniablement une utilité et une raison d’être au sein des entreprises.

Il a, en effet, pour vocation d’améliorer la fameuse QVT des collaborateurs et leur bien-être ce qui contribue à accroître la performance tant individuelle que collective. Tout cela ne me semble plus à démontrer. Selon une étude menée conjointement par le MIT et Harvard, un salarié heureux serait « 2 fois moins malade, 6 fois moins absent, 9 fois plus loyal, 31% plus productif et 55% plus créatif. »

Mais force est de constater que l’image du CHO s'est rapidement et fortement dégradée dans l’opinion publique tant et si bien que certaines organisations commencent même à faire machine arrière sur le sujet. Je pense qu’il s’agit d’une erreur et qu’elles doivent, au contraire, assumer et revendiquer ce poste. Diffuseur de sens, ce métier est véritablement stratégique dans l’entreprise d’aujourd’hui et surtout de demain.

Néanmoins, afin de gagner en visibilité, crédibilité et légitimité, le métier de CHO doit (déjà) se réinventer et faire peau neuve. Il doit accepter de se remettre en question, effectuer de profondes modifications et se structurer davantage. C’est seulement ainsi qu’il obtiendra la place qu’il mérite au sein des organisations.

Pour ce faire, il faut en finir définitivement avec l’emploi du terme « bonheur » qui n’a pas sa place au sein d’une entreprise. Je propose de le remplacer par Responsable de l’Expérience Collaborateur (REC) et de confier cette mission non plus à un stagiaire, comme dans 40% des cas aujourd’hui, mais à un collaborateur expérimenté et disposant de compétences avérées en RH, marketing et communication. Rattaché au services des ressources humaines, le REC devra avoir une feuille de route claire, un budget alloué, de vraies marges de manœuvres et être soutenu au quotidien par la Direction sans quoi « point de salut ». Ainsi et seulement ainsi, le REC pourra contribuer à « mettre des paillettes » dans la vie des collaborateurs. Le REC ne fait pas cependant pas de miracle et ne pourra pas rattraper un mauvais management.[3]
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[1] https://joblift.fr/Presse/chief-happiness-officer-appt-marketing-ou-vraie-valeur-ajoute

[2] A quoi servent vraiment les CHO, ces nouveaux responsables du bonheur en entreprise? - Marion Perroud – Challenges

[3] Non, un Chief Happiness Officer ne rattrapera pas votre mauvais management - Sylvain Tillon – 26/12/2019 – Maddyness

Tags: Recrutement Chief Happiness Officer Marketing RH