Ensemble oui… mais pour quoi faire ?

Parmi tous ceux qui l’ont lu ou écouté sur les réseaux ou à la radio, qui se souvient du scandale récent de ces agneaux égorgés encore vivants, entassés les uns sur les autres, dans un abattoir de l’Aveyron[1] ? Ou de cette entreprise qui a posté une annonce de recrutement pour remplacer un RRH non informé qu’il allait être licencié ? Ou encore de ces glaciers alaskiens qui « attendraient » la future COP 21 pour qu’enfin le monde arrête leur désagrégation accélérée ? Ces trois cas n’ont rien à voir les uns avec les autres, s’exclameront certains ! Et pourtant… un lien indicible et structurel unit ces exemples, celui de la fermeture de la pensée et de l’action sur la condition des agneaux, des individus ou des glaciers comme s’ils n’avaient rien en commun. Quand chacun d’entre eux dispose d’une dimension partagée forte : la non-prise de conscience de leur existence par les « systèmes » dont ils ne font pas partie…

L’indicateur n’est pas le symptôme !

« Une hirondelle ne fait pas le printemps » annonçaient hier nos grands-parents à la venue de ces migrateurs. Sauf que les hirondelles, aujourd’hui, il n’y en a plus, faute d’insectes à manger. Et si les insectes ont disparu, sans doute la responsabilité incombe-t-elle aux multiples traitements des plantes et des cultures, tout ceci pour alimenter une population mondiale toujours plus importante et pour laquelle la seule réponse serait la culture intensive…

Quel rapport y aurait-il entre l'Hirundo Rustica de nos régions et la ménagère qui achète un paquet de pâtes au supermarché ? La réponse est simple, elle est celle de la complexité qui relie tous les Etres vivants et met en lien les conditions de leur survie. La conclusion éventuelle de la fable de l'hirondelle et de la ménagère, serait qu’au temps de nos grands-parents, l’hirondelle était un indicateur de saison parmi tous les autres, bourgeons de noisetiers ou première sortie des escargots de leur abri sous terre. Aujourd’hui, elle est devenue un symptôme, celui de la diminution d’espèces animales dont les conditions de survie nous relient à elles… L’ironie permanente d’un espace et d’un temps qui paramètre notre existence !

Les temps ennemis, l’anachronisme et la téléologie

La dernière mode en date en France et ailleurs serait de partir à l’assaut des statues des grands héros européens : Colbert, Faidherbe, Gallieni ou Colomb. On accuse certains d’entre eux d’avoir tué des Africains ou des sud amérindiens et pour cela d’avoir à leur rendre des comptes à titre posthume. Ce qui amènerait à (oser) poser la question suivante : à quoi sert le passé ? Le jugement qui évalue aujourd’hui la colonisation ne serait-il pas plutôt anachronique ? Il induit une sorte de cause effet entre les évènements passés considérés à ce jour comme des « fautes », ce qui impacterait les comportements actuels. Une espèce d’impasse de l’esprit et du cœur, sans qu’on en connaisse la « vraie » finalité…

Là aussi, on a assurément oublié que toute chose existe avec son contraire, encore une histoire de la complexité ! Certains Africains ont « vendu » leurs frères aux colons qui faisaient la traite des noirs et en ont tiré un revenu pour leurs peuplades ; pourquoi s’en prendre à Gallieni et ne pas intenter un procès à ses soldats ? Tous ou presque étaient noirs (Sénégalais, Maliens) ou musulmans (Algériens notamment)… Le propos n’est pas de nier l’existence des faits, ils sont imparables ! Cependant… quelle est l’utilité aujourd’hui de ces allégations anachroniques qui pointent les évènements d’hier comme raison d’Etre de nos actions ? À qui cela sert-il d’opposer (encore) les individus et les peuples entre eux ? Notre but ne serait-il pas plutôt « téléologique », celui de continuer à vivre ensemble en prenant acte pour demain des impacts du passé, si douloureux soient-ils ? Dans une (im)possible Alliance…

Quand la rupture de la crise sanitaire fait sens…

La crise sanitaire l'a montré : la gestion de la problématique de santé fut bien plus efficace au niveau des territoires que dans l’approche nationale et bureaucratique érigée précédemment. Malgré des pratiques très cloisonnées et des règles administratives rigides, les hospitaliers et les médecins libéraux ont travaillé ensemble et pris en main leurs systèmes de santé, jusque-là autocentrés et refermés sur eux-mêmes. La pandémie leur a « fait sens » et a provoqué une rupture dans leur mode de fonctionnement. Elle a libéré les initiatives de terrain et fluidifié l’organisation des établissements publics et privés, des laboratoires ou des pharmaciens. Elle a mis en place des cellules de crise associant médecins et administratifs.

L’interaction de ce dialogue stratégique a libéré la créativité et les initiatives et a suscité des partenariats inédits. Les cloisons administratives sont tombées et la santé s’est révélée Etre un « système ouvert » tant à l’interne qu’à l’externe, entre malades, soignants ou industriels, secteurs public ou privé. Est-ce normal questionnera-t-on ? Oui, rétorquerait la complexité, car la finalité est l’Humain !

Tout ce qui est complexe est simple…

S’il est bien difficile de s’y retrouver parmi ces monceaux de données qui inondent les réseaux ; peut-être est-ce parce que nous aurions perdu le sens de notre vie ? De ce qui est important pour nous et les autres, afin de continuer à vivre ensemble ? Les paramètres espace et temps, l’interaction de l’Alliance et une finalité commune, telle pourrait Etre la structure simple de toute organisation qui ferait sens à ses acteurs influents…


[1] Le 24 juin à Rodez, découverte par l’association L2014 du massacre de ces innocents…

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